Chorégraphe, interprète et créateur, Akram Khan dirige l’Akram Khan Dance Company. Ce chef de file internationale est à la recherche d’un nouveau langage pour dire la présence impérissable de l’homme sur la Terre… et ailleurs.
Akram Khan est danseur et chorégraphe interprète vivant à Londres, originaire du Bangladesh. Mieux que quiconque, il a su dessiner la trace de la danse depuis Homo sapiens jusqu’à nos jours. Ce diplômé en danse classique et contemporaine à l’université de Leicester et à l’école de Leeds, en Grande-Bretagne, exprime sa philosophie de la vie à travers ses créations qui intègrent des compositions théâtrales et musicales. Il a présenté son premier solo, Loose in Flight, en 1995. Il crée sa compagnie, l’Akram Khan Company, en 2000, à Londres. Depuis, il est devenu un des chefs de file de la danse contemporaine internationale, notamment grâce à une chorégraphie énergique et spectaculaire, fusionnant les traditions orientale et occidentale.
Initiation bengalie
Akram Khan croit au mélange des cultures. Il se fait accompagner par d'autres chorégraphes ou danseurs, comme Sidi Larbi Cherkaoui, ou même des comédiens, comme Juliette Binoche, apportant une nouvelle façon de pratiquer sa discipline. « À chaque fois que je viens sur scène, affirme-t-il, je commence à zéro. J’invente des nouvelles formules et formes. »
Homme à l'esprit vif, il est né à Londres. Sa mère l’éveille très tôt aux danses traditionnelles bengalies. Il dit avec beaucoup de fierté : « Je dois ma culture à ma mère. Elle m’a poussé à la danse afin de me transmettre sa culture d’origine bengalie. » Dès son enfance, il prend des leçons avec Sri Pratap Pawar, professeur de kathak, danse ancienne indo-persane. Il participe à l’aventure du Mahabharata de Peter Brook en 1988, et joue dans son film Hamlet. Khan lie le kathak au théâtre et à l’expression corporelle du xxie siècle et invente un courant spécifique de la danse contemporaine en travaillant en profondeur sur les jeux de mots et leurs significations. Selon sa conception, les arbres sont sa propre personne, les insectes ses jambes, les abeilles les prières, la mère est les yeux, le père le présent, l’aéroport la transition…
L'artiste insiste sur l’importance du mouvement permanent et des répétitions changeantes qui évoquent les derviches tourneurs. « J’aime la répétition qui bouge et nous dirige vers une découverte extraordinaire, tout comme la danse des soufis pour atteindre Dieu, dit-il. La danse est comme la vie, en mouvement perpétuel. De la vie à la mort, nous sommes à la recherche d’un moment de paix. Même dans la mort, le corps bouge, car il se décompose. À travers la danse kathak, je montre les séquences des rythmes rapides vers des rythmes moins rapides. »
Sa philosophie pourrait le rapprocher de l’ethnologue Ernesto de Martino (1908-1965). Ce professeur d’histoire des religions à l’université de Cagliari, en Italie, a développé une pensée innovante sur la relation entre la danse et la nature, l’homme et son corps. Un univers qui ressemble au sien. De Martino parle de mouvements expressifs comme des impulsions par lesquelles on se libère du sentiment. C’est exactement ce que souligne Akram Khan : « Lorsque je danse, j’exprime mes sentiments les plus forts et, pour retrouver mon équilibre, je voyage dans le passé pour comprendre le présent et je suis dans le présent pour comprendre le passé. »
Selon lui, la danse est le mouvement de l’arbre. Le chorégraphe est l’arbre et le danseur est la feuille qui danse avec le vent. Pour Ernesto de Martino, la danse est aussi un mouvement incessant : « Considérons, par exemple, le latah qui répète le bruissement des feuilles et des branches agitées par le vent. Cette forme d’imitation passive réalise pleinement la fusion affective du sujet et de l’objet. Elle n’a cependant rien d’une imitation magique. » Akram Khan aussi nous emporte dans ce monde avec la magie de ses créations. Il fait partie de la nouvelle génération de danseurs et chorégraphes à la recherche d’un autre langage et d'une autre symbolisation de la présence de l’homme dans l’univers. En quittant ses spectacles, on s’interroge : comment constituer une histoire de la danse, une réflexion et une analyse des œuvres ? Comment la danse et le langage s'intègrent-ils
dans ce processus d’élaboration ?