Qu’attends la Communauté internationale pour éviter un carnage trop annoncé ?
L’heure tourne pour le camp d’Achraf. Abritant 3.400 opposants iraniens, situé juste au nord de Bagdad la capitale irakienne, le camp a reçu l’ordre de fermer le 31 décembre. Cependant aucun arrangement n’a été fait pour la réinstallation dans la sécurité des résidents et les craintes grandissent – après deux attaques irakiennes qui ont fait des dizaines de morts – que la vie des habitants du camp soit en danger.
C’est pourquoi de nombreux dignitaires venant des deux côtés de l’Atlantique se sont retrouvés à Paris samedi 5 novembre, pour appeler l’ONU, les USA et l’UE à révoquer la date butoir du 31 décembre et à s’assurer que le Haut commissariat aux réfugiés des Nations Unies (HCR) sera en mesure d’appliquer la procédure pour ces réfugiés et de les réinstaller dans des pays tiers. Ils ont aussi demandé que l’ONU déploie des observateurs à Achraf pour garantir la protection des résidents jusqu’à ce que le HCR achève sa mission.
Les dignitaires américains et européens, dont Ed Rendell, ancien président du parti démocrate américain, John Bruton, ancien premier ministre irlandais, ou le général Hugh Shelton, ancien chef d’état-major des armées américaines, ont tous mis en garde contre des perspectives funestes à Achraf si la communauté internationale n’agit pas rapidement.
Maryam Radjavi, présidente du Conseil national de la Résistance iranienne a souligné quand à elle, les responsabilités des Etats-Unis et de l’Union européenne pour empêcher une catastrophe humanitaire.
Et les avertissements fusent de tous les côtés.
Le 31 octobre, 180 membres du Parlement européen ont dit que la fermeture, ordonnée par Nouri al-Maliki, le premier ministre irakien, “pourrait servir de prétexte à un massacre à grande échelle”. Amnesty International ne cache pas sa crainte de “graves violations des droits humains” menaçant les habitants d’Achraf.
L’ONG rappelle dans une déclaration le 1 novembre que le camp a déjà été “ attaqué plusieurs fois par les forces de sécurité irakiennes causant des dizaines de morts et de blessés parmi les habitants. Il y a peu, les troupes irakiennes ont fait irruption dans le camp le 8 avril en ayant recours à une force manifestement excessive et des tirs à balles réelles contre les habitants qui ont tenté de leur résister. Quelque 36 résidents, dont huit femmes, ont été tués et plus de 300 autres blessés. Déjà au moins neuf habitants du camp avaient été tués et plusieurs autres blessés lors d’une autre attaque par les forces de sécurité irakiennes les 28-29 juillet 2009. 36 résidents du camp arrêtés, avaient été détenus pendant plus de deux mois et auraient été torturés avant d'être libérés.”
Amnesty a publié sa déclaration juste avant que ne surviennent un nouvel événement alarmant. A 23h, la veille, les forces de sécurité irakiennes ont fait une incursion menaçante dans le camp d’Achraf. Trente véhicules militaires accompagnés de 10 voitures de police sont entrés dans le camp, intimidant les habitants avec des lumières aveuglantes et des bruits assourdissants, opérant des manœuvres autour des maisons. Simultanément, les 300 haut-parleurs placés autour d’Achraf ont hurlé, en guise de pression psychologique, un barrage d’insultes et de menaces.
Amnesty note que le HCR a reçu “un grand nombre de demandes de requêtes individuelles d’asile des habitants du camp” et demande de repousser le délai de fermeture. A la fin d’octobre, dit-elle, l’ONU était encore en train de négocier avec le gouvernement irakien. Amnesty a exhorté l’Irak à allouer suffisamment de temps pour que les demandes d'asile des résidents du camp soient examinées. Elle ajoute que tout au long de ce processus, la sécurité des habitants du camp doit être « d'une importance primordiale ». Le groupe des droits de l’homme a appelé l’Irak “à mettre fin à tout harcèlement des habitants par ses forces de sécurité entourant le camp.” A.I. presse également « la communauté internationale, en particulier les pays européens et nord-américains à se faire connaître et accepter de réinstaller les habitants du camp du Nouvel Irak qui ont été acceptés comme réfugiés au moment opportun.”
De tous les pays désignés par Amnesty, les Etats-Unis doivent remplir leurs responsabilités. Même si le Président Barack Obama a annoncé le départ des forces américaines au 31 décembre – jour de l’expiration du délai d’Achraf – personne n’est dupe que Washington conserve va conserver une grande influence sur le gouvernement de Maliki et peut intervenir pour exiger que les Achrafiens soient traités avec humanité.
Au début de 2009, les Etats-Unis passant outre leurs engagements, ont transféré la responsabilité de la sécurité du camp aux forces irakiennes. Depuis lors, outre deux attaques armées violentes, le camp a été mis sous blocus, et ses habitants privés des services de base, comme l’accès aux soins médicaux.
A la demande de Téhéran, Maliki a imposé la date butoir du 31 décembre pour fermer le camp. L’Iran, effrayé par la contagion du printemps arabe et face à une crise internationale croissante due à sa course aux armes nucléaire et à la révélation de ses activités terroristes – la dernière en date, un complot neutralisé contre l’ambassadeur saoudien à Washington – veut qu’Achraf soit rayée de la carte à n’importe quel prix.
Les Américains peuvent bien quitter l’Irak, mais ils gardent de nombreux leviers en main vis-à-vis du gouvernement de Bagdad. Ils peuvent et ils doivent agir.
Alors que les choses évoluent et si Maliki persiste dans son plan de date butoir, en pleines fêtes de fin d’année, le pire serait que le monde regarde sans bouger des jeunes, filles et garçons, se faire massacrer de sang-froid, mutiler et écraser par des blindés fournis par l’armée américaine.
Il n’arrive pas souvent de prédire une catastrophe et la communauté internationale devrait profiter de cet avertissement pour prendre des actions concrète afin de sauvegarder et de rassurer les habitants du camp d’Achraf. En cas contraire, 2012 risque de s’ouvrir par un désastre que le monde aurait pu empêcher.