L’opposition iranienne demande aux Occidentaux d’empêcher l’Irak d’évacuer ce camp d’exilés iraniens. Au risque d’une catastrophe humanitaire.
Le Conseil national de la résistance d’Iran (CNRI) a vigoureusement critiqué "la complaisance" et "la passivité" des gouvernements occidentaux concernant le dossier du camp d’Ashraf, mardi à Bruxelles lors d’une convention qui a réuni de nombreux sympathisants américains et européens, dont des parlementaires belges. "Nous sommes réunis pour demander aux gouvernements européens et américain pourquoi ils gardent le silence face à la date butoir fixée par le gouvernement irakien pour fermer Ashraf dont le but est clairement d’exterminer les habitants du camp" , a déclaré Maryam Radjavi, la présidente du CNRI.
Les différents intervenants ont alors adressé une triple demande à l’Union européenne, aux Etats-Unis et aux Nations unies, d’engager une action urgente afin que le gouvernement irakien annule, ou à tout le moins reporte, sa décision de fermer le camp d’Ashraf à la fin de cette année. Ce camp de réfugiés iraniens situé dans le nord de l’Irak se trouve dans une situation insoluble depuis des années.
Situé à une centaine de kilomètres au nord de Bagdad, le camp d’Ashraf abrite aujourd’hui quelque 3 400 Iraniens, membres de l’Organisation des moudjahidin du peuple d’Iran (OMPI), le principal groupe de l’opposition armée iranienne que la République islamique de Khomeiny avait déclaré hors-la-loi en 1981. Le président irakien Saddam Hussein avait permis à ces militants iraniens de s’installer sur son territoire dans ce camp devenu ville, les faisant combattre au côté de ses troupes dans la guerre qu’il menait contre l’Iran. Trente ans plus tard, après la chute du régime baasiste de Bagdad en 2003, le camp préalablement désarmé est passé sous tutelle américaine.
Mais depuis le transfert aux autorités irakiennes il y a deux ans et demi, la situation du camp semble empirer. "Non seulement, l’accès au camp pour l’approvisionnement en nourriture, fourniture médicale et carburant reste limité mais les résidents sont confinés dans l’enceinte du camp comme dans une prison" , souligne Shahin Ghobadi, porte-parole de l’OMPI. Des témoignages font régulièrement état de harcèlement moral et d’atteinte physique envers les résidents d’Ashraf. En avril dernier, une "descente" menée par les forces armées irakiennes s’était soldée par la mort de 36 personnes et des blessures pour 300 autres.
La mobilisation internationale concernant Ashraf se heurte à la détermination du gouvernement de Nouri al Maliki d’asseoir son autorité dans un Etat nouvellement émancipé de la tutelle américaine. "Mais les Etats-Unis restent moralement responsables pour la sécurité des habitants d’Ashraf car au moment de les désarmer en 2003, nous leur avons promis de les protéger" , a souligné l’Américain Howard Dean, ex-chef de file des Républicains.
Pour l’heure, le temps risque de manquer. D’où la demande d’une intervention urgente du Secrétaire général de l’Onu et d’un déploiement immédiat dans Ashraf d’une force onusienne permanente de surveillance.
S’agissant du statut des résidents, une procédure est actuellement en cours. Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés mène actuellement des entretiens et des évaluations individuelles des 3 400 résidents, chacun ayant demandé le droit d’asile. Une opération qui devrait s’étendre sur plusieurs mois, ce que ne permet pas le délai courant jusqu’à la date annoncée par le gouvernement irakien.
L’octroi d’un statut de réfugié politique leur permettrait d’aller s’installer ailleurs. L’intention serait de les installer dans l’un ou l’autre des 27 pays de l’Union ou dans des pays tiers.
Le retour en Iran s’avère improbable tant qu’un Iran démocratique n’est pas proclamé, affirme-t-on du côté de l’opposition iranienne.
La récente nomination du diplomate belge Jean de Ruydt par la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton au poste d’émissaire personnel pour Ashraf, si elle affiche la volonté de l’Union de résoudre l’épineux dossier, ne pourra être suivie d’effets positifs que si s’instaure une concertation avec les Nations unies et les Etats-Unis. Reste à ce nouvel ambassadeur européen à visiter le camp "le plus vite possible" et à convaincre le gouvernement irakien de reporter la date fermeture, estime le député européen Struan Stevenson, chef de la délégation du Parlement européen UE-Irak.
Si Bagdad persiste dans sa volonté de fermer le camp à la fin de l’année et qu’aucune solution n’est trouvée d’ici là, la vie des résidents sera en danger. "Pour appliquer leur décision de fermer Ashraf, les autorités irakiennes pourraient attaquer le camp et le faire évacuer de force", affirme M. Ghobadi. "Le gouvernement irakien, sous la pression du régime iranien, prépare le terrain pour une catastrophe humanitaire à Ashraf en persistant dans son intention de faire respecter la date de fermeture du camp le 31 décembre 2011" , résume le sénateur belge Dirk Claes, faisant référence aux manœuvres menées en coulisses par Téhéran pour se débarrasser une fois pour toutes de cette opposition bien gênante.
Source : Libre Belgique 19/10/2011