Le ministre israélien des Affaires étrangères Avigdor Lieberman va faire l’objet de poursuites pour des faits présumés de corruption, ont annoncé les services du procureur général dans un communiqué.
M. Lieberman, le plus ultra de l’équipe gouvernementale d’extrême droite conduite par Benyamin Netanyahou, sera entendu une nouvelle fois avant d'être formellement inculpé. Les poursuites concernent des faits présumés de fraude, fraude aggravée, abus de confiance, blanchissement d'argent et pressions sur un témoin.
Le ministre controversé, chef du parti ultranationaliste Israel Beteinou ("Israël notre maison"), a toujours protesté de son innocence et déclaré par le passé qu'il démissionnerait de ses fonctions s'il était inculpé de corruption.
D'après les investigations de la police, entamées en 2006 et couvrant des faits remontant jusqu'à 2000, Avigdor Lieberman est, entre autres, soupçonné d'avoir perçu des millions de dollars par l'intermédiaire de sociétés fictives spécialement créées à cet effet.
Le cas Lieberman illustre bien la démocratie à géométrie variable en vigueur en Israël. Si la justice israélienne envisage de le poursuivre, et à juste titre, pour corruption et abus de biens sociaux, il n’aura par contre rien à craindre pour le bilan de son action politique contre les Palestiniens, notamment en ce qui concerne la purification ethnique, le transfert des Palestiniens hors de leur pays, et la redéfinition des frontières pour créer un grand Israël ethniquement homogène.
Voici le portrait que dresse de ce personnage infréquentableBernard Ravenel en 2007:
« Né il y a 58 ans à Chisinau, la capitale de la Moldavie alors partie de l’URSS, Avigdor Lieberman, juif ashkenaze, émigre en Israël en 1978. En 1993, l’année du processus d’Oslo, il entre au Likoud et, six ans plus tard, il le quitte pour fonder Yisrael Beitenu alors que Benyamin Netanyahou vient d’accepter le compromis de Wye River. Il s’agit de recueillir le consensus électoral de la vague migratoire arrivée de l’ex-URSS dans les années 1990. Un million de nouveaux citoyens – environ un cinquième de la population israélienne – pour une part d’entre eux imprégnés de préjugés racistes anti-arabes vont participer de l’éclatement « communautaire » qui marque de plus en plus fortement les élections en Israël. En mars 2006, aux élections législatives, avec un slogan « Niet, niet, da », qui concerne respectivement Benyamin Netanyahou, Ehud Olmert et Avigdor Lieberman, il parvient, avec cette démagogie populiste anti-establishment, à gagner des milliers de voix et onze sièges. Avec le succès du « parti des retraités », il est la principale surprise des élections.
En mai, au cours d’un débat au parlement, Avigdor Lieberman demande la condamnation à mort des députés arabes israéliens coupables de « collaboration » avec le Hamas : « Les membres de la Knesset qui collaborent avec l’ennemi doivent être jugés exactement comme à la fin de la Deuxième Guerre mondiale il y a eu le procès de Nuremberg et l’exécution de la direction nazie »… Ehud Olmert lui-même doit le rappeler à l’ordre.
Déjà en 2001, comme ministre du gouvernement Sharon, il demande le « transfert » (l’expulsion de l’État « juif ») d’une grande partie des citoyens arabes et déclare : « Est-ce que je les vois comme des citoyens de l’État d’Israël ? Non. Sont-ils coupables ? Oui. Ils doivent trouver un autre endroit où ils se sentiront à l’aise. »
Colon de Nokdim, colonie au sud-ouest de Jérusalem, Avigdor Lieberman est un grand défenseur de cette centaine « d’avant-postes » qu’Israël devrait, selon la feuille de route, démanteler immédiatement. Or, un des points de l’accord de gouvernement serait précisément la « légalisation » d’une partie de ces colonies qui vont s’ajouter à toutes les autres.
Mais son grand projet reste celui de redessiner la ligne verte – la ligne d’armistice tracée en 1949 et qui représente, de fait, la frontière entre Israël et les territoires occupés. La spécificité du programme d’Avigdor Lieberman consiste à créer un État ethniquement homogène. C’est ainsi que pour lui, le triangle de la région de Wadi-Ara, transféré à Israël par la Jordanie dans le cadre de l’armistice après la guerre de 1948, serait « restituée aux Arabes » pour en chasser une bonne partie d’Israël… Dans l’immédiat, il propose un système électoral qui élèverait le seuil pour entrer au parlement à 10 % et qui mettrait dehors les partis arabes et les partis religieux.
Il est chargé au gouvernement, contre l’avis d’Amir Peretz, de la planification, de la préparation, d’une intervention militaire contre l’Iran dont il prône le bombardement… Un vrai programme de guerre.
Pour l’historien israélien Zeev Sternell, spécialiste du fascisme européen, « Lieberman est le plus dangereux politicien de notre histoire. » « Je ne peux oublier, ajoute-t-il, que Mussolini est arrivé au pouvoir avec seulement trente députés. »