Chut ! Ne perturbez surtout pas le plan de campagne de Barack Obama dans sa difficile marche pour un second mandat à la Maison-Blanche. L’État de Palestine, dont le même Obama avait pourtant fait miroiter la reconnaissance internationale aux Palestiniens dans son discours devant l’Assemblée générale de l’Onu en 2010, n’était pour lui qu’une plaisanterie. Comme l’a été sa position de considérer les colonies israéliennes en terre palestinienne en principal obstacle à la paix. Et, encore et encore, sa déclaration, au début de son mandat, affirmant que le règlement du conflit israélo-arabe était une question relevant de la « sécurité nationale des États-Unis ». Rien de moins. Il n’y a pas qu’en France que les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent. Surtout concernant la Palestine. Mahmoud Abbas l’a enfin compris en passant outre les menaces américaines et israéliennes : il a déposé au Conseil de sécurité de l’Onu une demande en bonne et due forme pour l’admission de la Palestine – dans ses frontières d’avant juin 1967 – comme membre de plein droit à l’Onu.
Le président de l’Autorité palestinienne a fini par ne plus goûter aux sinistres plaisanteries d’Obama. Fatigué de tant de louvoiement, de mensonges, de manquement à la parole donnée de la part d’Israël et de ses parrains occidentaux, il a fini par franchir le Rubicon. Un pas que déjà son prédécesseur, Yasser Arafat, avait franchi en déclarant la naissance de l’État de Palestine à Alger en 1988. Un État reconnu par plus d’une centaine de pays (voir page 31, la chronique de Richard Labévière).
Cet État de Palestine aurait pourtant dû voir le jour dès 1947, sans négociation, comme l’exige hypocritement aujourd’hui Israël, suivi par Obama et la plupart des dirigeants européens. Cette année-là, le 29 novembre, l’Assemblée générale de l’Onu, à la majorité requise des deux tiers, adopte la résolution 181 qui prévoit le partage de la Palestine en un État juif sur 56 % de la Palestine – dont les juifs représentent à l’époque 32 % de la population et ne détiennent que 7 % des terres – et un État arabe sur les 44 % restants. La même résolution prévoit un régime de tutelle internationale pour Jérusalem et les lieux saints. Depuis, le nouvel État d’Israël, le seul État au monde créé par l’Onu, ne cesse de s’agrandir, jusqu’à englober 78 % de la Palestine historique. Le nouvel État que réclame aujourd’hui Mahmoud Abbas et que refuse le gouvernement israélien ne comprend donc aujourd’hui que la moitié des territoires alloués par le plan de partage de l’Onu aux Palestiniens il y a plus de soixante ans !
Ce n’est pas assez pour Israël et pour son chef de gouvernement qui a essayé, dans son discours devant l’Onu, d’inverser grossièrement les rôles. Ce ne sont pas les dix millions de Palestiniens qui souffrent de l’exil, de l’occupation, de la spoliation, de la colonisation. C’est, dit Netanyahou, Israël – dont chacun sait que les geôles sont remplies illégalement avec 11 000 prisonniers politiques palestiniens, dont des dizaines de parlementaires – qui souffre de l’emprisonnement du soldat Gilad Shalit, enlevé par le Hamas alors qu’il participait au siège – illégal – de Gaza !
Le discours de Netanyahou devant l’Assemblée générale de l’Onu aura été un chapelet des arguments les plus grossiers de la propagande sioniste qu’on croyait éculés. Occultant le fait qu’Israël ne doit sa naissance qu’à l’Onu, Netanyahou n’y est pas allé de main morte pour dénoncer sa « majorité automatique ». Voici un extrait de ce discours qui se passe de tout commentaire :
« Je suis venu ici pour parler le langage de la vérité. La vérité est qu’Israël veut la paix !Que je veux la paix ! Qu’au Moyen-Orient, depuis toujours et pas particulièrement en cette époque turbulente, la paix devrait être notre sécurité. La vérité est que nous ne pouvons pas obtenir la paix avec une résolution de l’Onu, mais que nous ne pourrons l’avoir qu’avec des négociations directes entre les parties concernées. La vérité est que, jusqu’à présent, les Palestiniens ont refusé de négocier. La vérité est qu’Israël veut la paix avec un État palestinien, mais que les Palestiniens veulent un État sans la paix. »
Le scandale ne réside pas dans ce chapelet de mensonges à la fois grossiers et insultants mais dans le fait qu’ils trouvent un répondant dans le discours d’Obama, lequel reprend, presque point par point, l’argumentaire. Un discours qui fait sursauter d’indignation le pacifiste israélien Uri Avnery. « Un discours remarquable. Un beau discours. Une langue éloquente et recherchée. Des arguments clairs et convaincants. Une élocution parfaite. Une œuvre d’art. L’art de l’hypocrisie. Presque chaque affirmation du passage sur la question israélo-palestinienne était un mensonge. Un mensonge flagrant : l’orateur savait que c’était un mensonge, et l’auditoire le savait aussi. C’était du meilleur Obama, du plus mauvais Obama. »
S’il y a un mérite dans l’initiative de Mahmoud Abbas, c’est justement d’avoir poussé ses partenaires occidentaux jusqu’à leurs derniers retranchements : l’imposture, l’hypocrisie et le cynisme. Après cet acte de bravoure, il lui reste à faire preuve d’un autre acte de courage : mettre à exécution ses fréquentes menaces de démission de son poste de président d’une Autorité palestinienne qui n’a d’autorité que le nom, si l’Onu lui refusait sa demande de reconnaissance. Car le statut quo actuel sert d’alibi à Israël pour continuer à occuper la Palestine en faisant payer à l’Europe les frais de cette occupation.
Le comble c’est que Mahmoud Abbas, dans son héroïque démarche onusienne, n’a pas croisé le fer qu’avec les Etats-Unis et les pays européens inconditionnellement pro israéliens, mais aussi avec quelques pays arabes du Golfe, notamment le Qatar, qui ont commencé à lui faire parvenir des menaces américaines et israéliennes, et à exercer des pressions sur lui afin qu’il renonce à soumettre sa demande d’adhésion à l’Onu ! Avec de tels « amis », les Palestiniens n’ont pas besoin d’ennemis.
Les masques sont désormais tombés et le discours d’Obama, Sarkozy et consorts sur les printemps arabes et les droits de l’homme ne convainc plus personne dans le monde arabe.