L’échec de la médiation des pays du Golfe a entraîné des combats réels, à l’arme lourde. La situation pourrait gravement dégénérer.
Après l’échec de la médiation des monarchies du Golfe entre le pouvoir et l’opposition, il ne faisait plus de doute que le pays, comme l’avait laissé entendre le président Ali Abdallah Saleh, allait entrer dans une guerre civile sans fin, sur fond d’irrédentisme confessionnel, de séparatisme, et de crise socio-économique aigue.
Depuis que certains chefs tribaux, et non des moindres (les trois enfants du feu Cheikh Abdallah al-Ahmar, de la puissante confédération tribale Hached) ont rejoint la contestation avec armes et bagages, rompant ainsi le pacte scellé entre leur père, ancien chef du parlement et du parti islamique Al-Islah, tout le monde craignait le pire.
Face à la tentative des éléments armés aux ordres du clan al-Ahmar d’occuper certains ministères, les forces loyales avaient violemment riposté en attaquant frontalement et aux armes lourdes les résidences des chefs de ce clan.
De violents combats ont ainsi opposé mercredi 25 mai à Sanaa les forces fidèles au président en exercice Ali Abdallah Saleh à des membres de tribus armées, entraînant la fermeture de l'aéroport.
Le lendemain du refus d'Ali Abdallah Saleh de la médiation du Conseil de coopération du Golfe, la confrontation avait pris un tournant dangereux. Dès lundi 23 mai, des combats ont opposé dans la capitale yéménite troupes fidèles au chef d'Etat aux partisans d'un des plus puissants chefs tribaux du pays, Sadek al-Ahmar, chef de la tribu des Hached.?Ces affrontements ont continué mercredi 25, faisant en trois jours au moins 44 morts, selon des sources des deux camps. Les échanges de tirs ont baissé d'intensité en soirée alors que cheikh Ahmar fuyait sa demeure à Sanaa, selon des sources tribales.?En soirée, des affrontements entre la Garde républicaine et des membres d'une autre tribu hostile à M. Saleh ont éclaté à proximité de l'aéroport de Sanaa, forçant sa fermeture et le détournement des vols vers le Sud, a indiqué une source aéroportuaire.?"L'aéroport de Sanaa a été fermé et les vols ont été détournés vers l'aéroport d'Aden", la capitale du Sud, a-t-elle déclaré.?Selon des sources tribales, les combats opposent la Garde nationale à des membres de la tribu Arhab, dirigée par l'influent chef islamiste, cheikh Abdelmajid Zendani, accusé par Washington de soutenir le terrorisme.?L'une de ces sources a affirmé que des membres armés d'une tribu à Amrane, à 50 km au nord de Sanaa, s'étaient dirigés vers la capitale pour se joindre aux forces hostiles à M. Saleh qui avait mis en garde contre une guerre civile.?Lors des combats mardi 24 mai, la demeure dans le quartier d'Al-Hasaba (nord) de cheikh Ahmar a été visée par un missile. Ce tir et les combats autour de la demeure qui accueillait une rencontre de chefs tribaux ont fait 38 morts, selon les proches de cheikh Ahmar.?Le quartier était coupé du reste de la ville où les civils tentaient de se mettre à l'abri des violences.?Les partisans de cheikh Ahmar, devenu la bête noire du régime depuis qu'il s'est rallié à la contestation en mars, ont pu néanmoins prendre le contrôle du siège de l'agence de presse officielle Saba qui a toutefois continué à diffuser la parole officielle.?Ils ont aussi pris le contrôle de la compagnie aérienne nationale Yemenia, selon un haut responsable.?Les tribus, l'un des piliers du régime et toutes armées, ont commencé à basculer dans l'opposition en février.?Face à la recrudescence des violences, de nombreux habitants ont fui la capitale où se multiplient les coupures d'électricité et d'eau.?Sur la place de l'Université, épicentre de la contestation lancée fin janvier, le nombre de manifestants qui campent en permanence depuis des mois, a nettement diminué, certains disant vouloir se joindre aux partisans de cheikh Ahmar.?Pour des analystes, ces combats ont été provoqués par des partisans de M. Saleh, qui a choisi la fuite en avant, après avoir refusé de signer dimanche un plan de sortie de crise proposé par les monarchies arabes du Golfe.?"Devant ce blocage qu'il a lui-même créé, Saleh a opté pour la stratégie du chaos", a estimé Frank Mermier, un chercheur du CNRS, expert du Yémen. Il veut pousser ces monarchies, dont l'Arabie saoudite est le chef de file, à "lancer une nouvelle médiation avec un plan amendé qui serait à son avantage".?Le plan du CCG prévoit la formation par les opposants d'un cabinet de réconciliation, et la démission un mois plus tard de M. Saleh en échange de l'immunité pour lui et ses proches, puis une présidentielle dans les 60 jours.?Les Etats-Unis, qui avaient appelé M. Saleh à signer ce plan, sont revenus à la charge. "Nous appelons le président Saleh à honorer immédiatement son engagement à transférer le pouvoir", a déclaré Barack Obama à Londres.?M. Saleh était considéré comme un allié de taille de Washington dans la lutte contre Al-Qaïda, bien implanté au Yémen.?Enfin, le patron de l'ONU Ban Ki-moon s'est dit "profondément troublé" par les combats, appelant à trouver une solution pacifique.