En présidant le premier Conseil des ministres du nouveau gouvernement, le samedi 16 avril, après des semaines d’agitations et d’émeutes sanglantes, Bachar al-Assad, a tracé le programme de réformes et, en premier lieu, la levée de l’Etat de siège en vigueur depuis 1963, la réforme de l’Etat, la lutte contre la corruption, l’adoption d’une loi de modernisation du paysage médiatique…
Le président syrien Bachar al-Assad a affirmé samedi 16 avril que la loi d’urgence, adoptée en 1963 et dont l’abrogation est l’une des principales revendications des contestataires, serait abolie dans "une semaine maximum".
Le président Assad, au pouvoir depuis 2000, a par ailleurs exprimé sa tristesse pour les morts et les blessés durant les manifestations contre le régime depuis le 15 mars, début du mouvement de contestation. "Le sang versé nous fait beaucoup de peine (…). Nous regrettons la mort de toutes les personnes, civils ou forces armées, et les considérons comme des martyrs", a ajouté M. Assad lors de ce discours, retransmis par la télévision.
"La commission juridique sur la loi d’urgence a élaboré une série de propositions en vue d’une nouvelle législation. Ces propositions seront soumises au gouvernement qui promulguera des lois (…) dans une semaine maximum", a dit le président Assad, lors du premier Conseil des ministres. Selon lui, "la levée de la loi d’urgence va renforcer la sécurité en Syrie et préservera la dignité du citoyen".
Le 31 mars, le président Assad avait chargé une commission de rédiger, d’ici le 25 avril, une nouvelle législation pour remplacer la loi d’urgence. C’est en s’appuyant sur la loi d’urgence adoptée fin 1962 que le parti Baas avait décrété l’état d’urgence dès son arrivée au pouvoir en mars 1963. Elle réduit sensiblement les libertés publiques, impose des restrictions sur la liberté de réunion et de déplacement, et permet l’arrestation de "suspects ou de personnes menaçant la sécurité".
Selon Amnesty International, au moins 200 personnes ont été tuées dans la répression, la plupart par les forces de sécurité ou par des policiers en civil.
De leur côté, les autorités accusent des bandes "criminelles" ou "armées" d’être responsables des tirs qui ont tué manifestants et forces de l’ordre.
"Nous avons constaté ces derniers jours un fossé entre le citoyen et les institutions de l’Etat, ce fossé doit être rapidement comblé", a encore ajouté le président, alors que les autorités avaient déjà reconnu que les revendications de la population étaient légitimes.
M. Assad a aussi énuméré une série de problèmes qui ont conduit selon lui les gens à manifester, parlant notamment du chômage et de la corruption. "La corruption est une menace pour l’avenir du pays et son développement", a-t-il dit notamment.
Le président était intervenu publiquement pour la première fois depuis le début des troubles, le 30 mars, dénonçant une "conspiration" contre son pays.
Un nouveau gouvernement a été formé jeudi 14 avril, avec pour tâche d’entreprendre un programme de réformes. Dirigé par Adel Safar, ancien ministre de l’Agriculture, il doit notamment s’atteler à la levée de la loi d’urgence, ainsi qu’à la libéralisation de la presse et l’instauration du pluralisme politique.
Des manifestations ayant rassemblé des dizaines de milliers de personnes ont eu lieu vendredi à travers tout le pays, l’une des mobilisations les plus importantes depuis un mois.
Voici les extraits de sa longue intervention tel que reproduits par Sana, l’agence d’information syrienne (officielle).
Le président Bachar al-Assad a appelé le nouveau gouvernement à se mettre à l'œuvre dès que possible "car chaque jour qui passe est un jour où on peut réaliser beaucoup de choses".
Présidant la première réunion du nouveau gouvernement, après la prestation par ses membres du serment constitutionnel, le président al-Assad a félicité les nouveaux ministres affirmant que ce gouvernement représente un nouveau sang et de nouvelles et grandes aspirations.
?"J'avais passé une semaine surchargée de rencontres avec des activités populaires de tous les Mohafazats syriens (gouvernorats), voulant écouter leur opinion sur l'étape actuelle que traverse la Syrie et sur les priorités pour le nouveau gouvernement, et pour l'Etat en général", a dit le président al-Assad qui a affirmé que les défis sont aussi grands que les aspirations des citoyens et que le gouvernement ne peut rien réaliser, quelles que soient les circonstances, sans le soutien populaire.
?"Au cours des rencontres populaires que j'avais effectuées la semaine dernière j'ai constaté qu'un fossé a commencé d'apparaître entre les institutions de l'Etat et les citoyens ; ce fossé doit être comblé à travers le rétablissement de la confiance du citoyen en ces établissements. Des canaux devraient être ouverts entre les deux parties et dans les deux directions", a insisté le président al-Assad.
?Le président al-Assad de poursuivre: "La confiance ne peut être créée que via la transparence complète avec le citoyen. Cette confiance et cette transparence est capable d'apporter le soutien populaire nécessaire au gouvernement pour qu'il accomplisse ses missions. Ce qui est important est d'arriver à un état d'unité d'orientation entre le gouvernement, ses établissements et le peuple. Si les trois parties marchent dans la même direction les résultats seront au maximum et les accomplissements seront gros, mais si le gouvernement s'éloigne du citoyen les accomplissements seront moindres. Et le plus grave, c'est l'existence d'une contradiction dans les orientations entre le gouvernement et le citoyen, dans ce cas les résultats seront nuls et l'accomplissement sera un retour en l'arrière".
?Le président al-Assad a insisté, à cet effet, sur l'importance de l'ouverture des canaux entre le citoyen et le gouvernement, affirmant que l'absence de tels canaux crée un sentiment de frustration et de colère chez le citoyen surtout si les besoins essentiels de ce citoyen, et qui sont dans la possibilité de l'Etat, ne lui sont pas assurés.
?"Nous voulons ouvrir un dialogue élargi avec tout le monde et il faut intensifier les dialogues élargis avec les syndicats et les organisations qui représentent la plupart des professions et des intérêts, les consulter et les prendre comme partie dans la décision en ce qui touche leurs intérêts", a ajouté le président al-Assad.
?Le président al-Assad de poursuivre: "La Syrie traverse actuellement une étape très délicate dont les composantes sont : complot, réformes et besoins. Le complot existe toujours vu que la Syrie n'a cessé d'œuvrer indépendamment, qu'elle a pris ses décisions d'une façon méthodique qui ne plaît pas à tout le monde et qu'elle a toujours des ennemis? Ce qui est important est l'immunité intérieure et cette immunité est liée aux réformes et aux besoins des citoyens".
?Le président al-Assad a mis l'accent, à cet effet, sur la forte importance des réformes, rappelant que leurs résultats ne paraissent qu'ultérieurement. "En en attendant les résultats, il faut traiter avec les besoins des citoyens dans le cadre des capacités actuels et y répondre, or les besoins quotidiens sont le grand problème…Le citoyen a besoin de services, de la sécurité et de la dignité, et tous les trois sont liés l'un à l'autre", a précisé le président al-Assad, ajoutant que la dignité n'est pas une question d'insulte directe porté au citoyen par quiconque de l'Etat ou hors de l'Etat, mais encore une question de négligence, de bureaucratie et de corruption… L'économie est liée aux services qui sont eux-mêmes liés à la dignité, de même que l'économie est liée à la dignité et que la sécurité à tous les facteurs précédents, la chose qui implique de les réaliser tous parallèlement et en même temps". ?