Le juge chargé par les Nations unies de présider la commission d’enquête sur l’opération dite « Plomb durci » revient sur son rapport.
« Si j’avais su, alors, ce que je sais maintenant, le Rapport Goldstone aurait été différent. » La petite phrase d’introduction de la Lettre ouverte du juge Goldstone, dans le Washington Post du 1er avril, a provoqué l’euphorie dans la presse et les rues israéliennes. Le juge Richard Goldstone, 72 ans, président de la commission d’enquête des Nations unies sur les crimes de guerre et contre l’humanité perpétrés par Israël et le Hamas, lors de l’opération israélienne dite Plomb Durci (décembre 2008-Janvier 2009), fait son mea culpa et revient, partiellement, sur les conclusions du rapport dont il fut le co-auteur et rapporteur.
Selon le rapport, 1400 Palestiniens, dont la moitié de civils furent tués à Gaza au cours de cette opération israélienne, 7000 civils blessés et plus de 4000 maisons détruites ainsi qu’un grand nombre d’infrastructures et de bâtiments. Israël, de son côté, enregistrait la perte de dix soldats et de trois civils tués par des rockets du Hamas.
Dans sa longue lettre, le juge Goldstone explique que s’il avait eu en main les résultats de certaines enquêtes menées par les Israéliens, suite aux allégations du rapport, le contenu de ce dernier aurait été différent. Il s’appuie sur l’exemple du massacre de la famille al-Simouni. Le bombardement par un drone, d’une maison de Gaza qui a tué 29 membres de la famille al-Simouni serait, selon les conclusions d’une enquête des autorités israéliennes, le fait d’une erreur d’interprétation d’image par un commandant de Tsahal. Goldstone accepte sans discussion les explications officielles et conclut que, contrairement aux conclusions du rapport, il n’y avait pas « intention » de tuer des civils de la part de l’armée israélienne. La commission s’est trompée.
Pourtant, beaucoup de preuves du contraire ont été apportées par l’enquête de la commission et figurent dans le rapport de 500 pages présenté par le juge Goldstone lui-même. D’aucuns, à l’ONU particulièrement, s’étonnent, donc, de ce revirement. En outre, dans saLettre ouverte, Richard Goldstone fait référence à la commission d’enquête mise en place par l’ONU suite aux conclusions de son rapport et présidée par une juriste américaine Mary McGowan Davis. Or, semble-t-il, le rapport McGowan confirme les conclusions du rapport Goldstone. Il souligne en outre que sur les 400 enquêtes menées par les Israéliens sur les accusations de crimes formulées par la commission Goldstone, quelques unes seulement ont abouti à des peines légères contre des militaires israéliens. Et quoi qu’il en soit, les enquêtes sont classées « secret défense », elles sont menées par les autorités israéliennes en toute « dépendance » et qualifiées par le rapport McGowan de « légères », « à caractère tardif » et de « manque de transparence ».
En Afrique-du-Sud, où le juge Goldstone a longtemps vécu et exercé à la Cour Constitutionnelle, la Lettre ouverte de Goldstone a provoqué une polémique et soulevé des questions. Cité par le Mail&Guardian Online, Steven Friedman, chercheur et analyste politique à l’université de Johannesburg, est l’un de ceux qui estiment que l’argument du juge Goldstone est « ridicule » et qu’il a subi des pressions pour renier le rapport. Steven Friedman rappelle les difficultés que Goldstone a connues pour se rendre en Israël afin d’assister à la bar mitzvah de son petit-fils, l’année dernière. Des menaces avaient été proférées à son encontre et il n’avait pu circuler que sous haute garde et dans « une atmosphère hostile ».
Zen Krengel, président du Conseil des députés juifs sud-africains, confirme tout en voulant minimiser les faits. « Après la bar mitzvah, il a été interrogé, mais cela a été fait de manière très professionnelle, ce furent des discussions sur le rapport. Il n’y a eu aucune pression d’aucune sorte. » Cependant, le frère de Zen Krengel, Avrom Krengel, président de la Fédération sioniste d’Afrique du Sud, a déclaré au cours d’une interview sur le site Ynetnews, que le « lobby juif en Afrique du Sud a joué un rôle sur la confession de Goldstone ». « Nous l’avons rencontré il y a environ un an, et au cours de la réunion, il a maintenu sa position. Nous, de notre côté, nous lui avons dit pourquoi nous étions mécontent de lui. Il souffrait beaucoup, particulièrement dans sa ville d’origine. Nous avons pris parti contre lui, et cela nous encourage de savoir que notre méthode a eu un effet contre la pression internationale et lui a fait admettre et regretter ses remarques. »
Les autorités israéliennes ne pouvaient que souhaiter un tel revirement. En France, le 8 avril, une pétition internationale a été lancée pour demander au Parlement européen « de procéder à l’annulation de la résolution du 10 mars 2010 relative à la mise en oeuvre des recommandations du rapport Goldstone sur Israël et la Palestine ». Les auteurs de la pétition, bien connus pour leur engagement sioniste actif[1], demandent, également, à l’Union européenne « qui porte une lourde responsabilité dans cette infâme manipulation », de saisir l’ONU pour annuler son vote du 16 octobre 2009 concernant le rapport Goldstone.
Le rapport Goldstone qui avait gravement embarrassé tant Israël que les États-Unis lors de sa publication en apportant la preuve de la politique meurtrière de l’État sioniste, finira-t-il aux oubliettes ?
[1] Roger Pinto (mouvement Siona), Sammy Ghozlan (Bureau national de vigilance contre les actes antisémites) et Moshé Cohen-Sabban (Europe-Israël)