Une manifestation, dans les rues de Beyrouth, a permis à la jeune génération d’exprimer son irritation contre le système complexe de gouvernement du pays, source d’instabilité.
Prévu par le Pacte national de 1943*, lifté par les accords de Taëf de 1989**, le système confessionnel libanais actuel est à l’origine de l’instabilité chronique que vit le pays du Cèdre depuis son indépendance. Si la société civile milite en vain pour l’abolition de ce système, générateur de guerres civiles à répétition, ce n’est pas le cas des élites politiques qui en tirent l’essentiel de leur pouvoir et leurs privilèges.
La manifestation de près de cinq mille libanais, le dimanche 27 février dans les rues de Beyrouth contre ce système, n’a aucune chance de changer la donne.
La manifestation a eu lieu à l’appel de groupes de jeunes de toutes les confessions, sur Facebook. "La révolution est partout… Liban, c’est à ton tour !", ont scandé les manifestants, en majorité des jeunes, en référence aux mouvements de révolte qui agitent le monde arabe. Reprenant le leitmotiv des soulèvements qui ont secoué la Tunisie, l’Egypte, la Libye ou le Yémen, "le peuple veut faire tomber le régime", ils ont parcouru sous une pluie torrentielle des rues de Beyrouth, jusqu’au palais de justice, encadrés par la police et l’armée. Certains soldats les regardaient d’un air amusé, d’autres les prenaient en photo. Plus de 5000 personnes avaient annoncé leur participation à cette marche, mais il semble que la pluie ait dissuadé beaucoup de militants. "Allez les Libanais, révoltez-vous contre le confessionnalisme", "Nous voulons un Etat civil", "Confessionnalisme, sang, guerres civiles, assez !", "Révolution contre le féodalisme, contre la ségrégation !", criaient les protestataires. "Le confessionnalisme est mauvais pour la santé, nous vous prions de vous en abstenir", "Tyrans du Liban, votre tour viendra pour sûr", proclamaient leurs pancartes.
Le système libanais est un mélange complexe de partage du pouvoir basé sur des quotas communautaires et sur une tradition de "démocratie consensuelle". Depuis l’indépendance en 1943, il garantit une parité entre musulmans et chrétiens minoritaires dans la région. Il est toutefois accusé d’être à l’origine de tous les maux du pays comme la corruption, le gaspillage, le clientélisme et surtout une guerre civile destructrice (1975-1990) et crises à répétition. "Ce n’est pas possible que les mêmes leaders qui nous ont imposé la guerre civile nous dirigent encore, assez, qu’ils s’en aillent !", affirme à l’AFP Amal, assistante sociale. "Les Libanais doivent se soulever, ils continuent de suivre les leaders de leur confession même s’ils crèvent de faim", s’indigne Ali, ingénieur de 28 ans au chômage. "Ici, nous n’avons pas un seul dictateur mais une bonne vingtaine", dit Amer Saidi, étudiant en sciences politiques, qui se dit "laïc". Selon des experts, ce combat, même s’il prenait de l’ampleur, sera de longue haleine, en raison de la complexité du système qui garantit un équilibre délicat entre les 18 confessions chrétiennes et musulmanes du pays.
(Afrique Asie – Avec les agences de presse)