Les remontrances des chancelleries occidentales à l’opposition syrienne et le retour concerté des trois ambassadeurs occidentaux , la reculade de la Turquie et de la Ligue arabe amorcent-t-il un nouveau tournant ?
Il ne suffira pas de renverser le président Bachar al-Assad pour instaurer une transition démocratique en Syrie, a déclaré Hillary Clinton, la secrétaire d’État américaine, au cours d’une deuxième rencontre avec des membres de l’opposition syrienne, le 6 décembre à Genève. « Cela signifie mettre la Syrie sur le chemin d’un État de droit et protéger les droits universels de tous les citoyens sans considération de leur confession ou ethnie ou sexe » a-t-elle précisé aux participants à la rencontre en insistant sur la nécessité de rassurer les minorités sur le respect de leurs droits dans une Syrie post-Assad. Elle a, également, déclaré que le Conseil national syrien dirigé par Burhan Ghalioun, un professeur vivant à Paris, est « le représentant légitime des Syriens qui recherchent une transition pacifique ». Cela veut dire que l’opposition est encore loin de représenter une alternative crédible au régime de Bachar al-Assad.
Ces bons conseils ne lui ont pas, toutefois, évité de répondre avec confusion aux questions sur la réinstallation de l’ambassadeur américain, Robert Ford, en Syrie, mal perçue par ses interlocuteurs. Robert Ford a été rappelé à Washington le 24 octobre pour consultations. Aujourd’hui, la Maison Blanche considère que le retour de Ford en Syrie est « l’une des voies les plus efficaces pour envoyer le message que les États-Unis sont aux côtés du peuple syrien », a déclaré Mark Toner, porte-parole du Département d’État. Hillary Clinton avait déjà rencontré des opposants syriens en juillet dernier au secrétariat d’État, à Washington.
Au même moment, le 6 décembre, l’agence de presse syrienne Sana annonçait que les forces syriennes ont empêché l’infiltration de 35 « terroristes armés » venus de la frontière turque. Selon Sana, certains d’entre eux, blessés, se sont réfugiés de l’autre côté de la frontière d’où ils ont été évacués par des véhicules militaires turcs. Ce ne serait pas la première fois que des armes et des déserteurs de l’armée syrienne passeraient ainsi la frontière pour préparer une attaque contre les forces syriennes.
Cette grave accusation a fait réagir la Turquie. Selon un officiel turc, la Turquie n'autorise aucun groupe armé à utiliser son territoire contre d'autres pays. Ne voulant pas envenimer la situation déjà suffisamment tendue entre les deux pays, le porte-parole du ministère syrien des Affaires étrangères a réagi positivement à cette position inédite en déclarant : "Nous accueillons avec satisfaction toute déclaration turque visant à préserver le bon voisinage avec la Syrie…Nous regrettons que les choses se soient (dégradées), et nous sommes attachés à ce que les relations soient bonnes avec les pays voisins, particulièrement avec la Turquie".
S’agit-il d’un premier pas vers le retour à la normale entre les deux pays ? Il y a lieu de le penser.
Rappelons que la Turquie avait rejoint la Ligue arabe en imposant des sanctions économiques et financières contre la Syrie. Cette dernière a réagi en annulant la zone de libre-échange avec la Turquie et bloqué le mouvement de transit entre la Turquie et les pays du Golfe. Elle a aussi rétabli des taxes douanières sur les camions transitant par la Syrie à hauteur de 30 % de leur valeur marchande. Elle a aussi imposé des taxes sur les carburants achetés par les camionneurs turcs en Syrie.
La Ligue arabe et les pays occidentaux sont-ils allés trop loin dans leur bras de fer avec Damas ? Sont-ils en train de chercher une porte de sortie ? L’opposition syrienne va-t-elle enfin réalisé qu’en refusant un vrai dialogue avec le régime syrien va droit au mur ?
Les remontrances déguisées de Hillary Clinton au CNS, le retour coordonné des ambassadeurs américain, français et allemand à Damas, l’intransigeance russe et chinoise, autant des signaux qui pourraient être interprétés comme une amorce vers une sortie de crise graduelle.