Quand la stratégie de la terre brûlée en Syrie se retourne contre ses promoteurs occidentaux et leurs supplétifs du Golfe
A force de jeter de l'huile sur le feu de la crise syrienne, à travers les chaînes satellitaires des pays du Golfe, des théocraties moyenâgeuses sur le plan social mais totalement inféodées à l’Occident sur le plan géopolitique, qui distillent leurs média-mensonges sans interruption, on assiste depuis des mois, à la montée en puissance d’un phénomène inquiétant : des commandos salafistes wahhabites dressent des barrages sur certaines routes isolées, arrêtent les véhicules, font le tri entre les passagers, selon leur confession (sunnites, alaouites, druzes, chrétiens…). Une fois le tri effectué, après un interrogatoire poussé (car, sur les cartes d’identité syriennes, la confession n’y est pas mentionnée), les sunnites sont libérés, les autres enlevés. Souvent on retrouvera leurs cadavres jetés plus loin, soient criblés de balles, soit égorgés. Ces bandes organisées sont soutenues par des réseaux libanais, turcs, saoudiens, qataris et jordaniens. Ce mode opératoire n’est pas sans rappeler celui utilisé lors de la guerre civile libanaise ou pendant la décennie rouge en Algérie quand les groupes terroristes jihadistes enlevaient et exécutaient tous ceux qui sont simplement suspectés de connivence avec l’Etat (fonctionnaires, employés, enseignants, journalistes, intellectuels..).
Ces enlèvements suivis d’exécutions et de lynchages ont été signalés dès le début du « soulèvement pacifique et populaire » syrien, notamment à Jisr al Choghour, Idlib et Tall Kalakh. Ces pratiques se multiplient maintenant dans la région de Homs où l’on constate, comme au Liban ou dans l’ex-Yougoslavie, des exodes sur des bases confessionnelles. Une sorte de « purification ethnique ».
Les autorités syriennes hésitent encore à faire de la publicité autour de ce phénomène inquiétant qui prend de l’ampleur. Le 13 novembre, au lendemain de l’exclusion de la Syrie de la Ligue arabe, un autocar de transport portant enseigne de la Société générale pour des projets hydrauliques est tombé entre les mains d’un gang armé près de Homs. Il transportait une trentaine d’employés de cette société. Trois des passagers ont été libérés sur le champ après avoir décliné leur appartenance à la communauté sunnite. On ne connaît rien du sort des autres passagers. A en référer aux précédents, il y a une grande crainte de retrouver un jour leurs corps jetés dans des fosses communes. Ce genre de pratiques barbares n’est pas jusqu’ici dénoncé par les Ong de défense des droits de l’homme ou par la Ligue arabe qui traîne des pieds pour envoyer ses observateurs constater la barbarie de ces groupes. Même autisme complice de la part du Conseil national syrien basé à l’étranger et financé par les monarchies du Golfe et les pays occidentaux.
Ce n’est pas le cas de l’opposition intérieure ainsi que de la majorité des habitants de Homs et de sa région (pro et anti régime) qui ont manifesté massivement contre la Ligue arabe, l’opposition téléguidée de l’extérieur et les salafistes. Ces manifestations spontanées ont été si imposantes que ceux qui avaient espéré, en Occident et dans les pays supplétifs du Golfe, tirer profit de ces pratiques pour abattre le régime et déstabiliser durablement la Syrie, commencent à se rendre compte que leurs plans donnent exactement l’effet inverse : un sursaut patriotique de la société syrienne contre cette barbarie. D’ici à ce que les promoteurs occidentaux de cette stratégie commencent à revoir leurs plans, il y a un pas qu’ils commencent à franchir timidement. Ainsi, leDépartement d’Etat américain a été contraint de déclarer, face à la militarisation de l’opposition, et particulièrement après la multiplication des attaques confessionnels contre les forces de l’ordre et les civils « Nous ne tolérons la violence ni de la part de l’armée syrienne et du régime, ni de la part de l’opposition. » Comme le souligne le journaliste français Guy Delorme, « l’hypocrisie, même diplomatique, est tellement forte de la part d’une puissance qui a nié pendant des mois la violence des opposants et les a assez vite encouragés à renverser le régime qu’on se demande quelle manœuvre préside à cette déclaration. Le Département d’Etat estimerait que la violence fait le jeu du régime. Mais les Américains ont pourtant besoin de donner un semblant de réalité à leur fiction d’insurrection populaire, éventuel prétexte à un retour au Conseil de sécurité et, si « tout se passe bien » à une intervention otanesque. Le Département d’Etat, disons-le tout net, en la circonstance, se donne un genre et se moque du monde et des Syriens… »
Un signe incontestable que cette stratégie de la déstabilisation commence à échouer : l’appel pathétique de certaines figures emblématiques de l’opposition intérieure (Michel kilo, Fayez Sara, Samir Aita etc..) à la population de Homs et de sa région, les exhortant à ne pas tomber dans ce grossier piège qui pourrait faire voler en éclat l’exemplaire modèle syrien de coexistence nationale. Mieux vaut tard que jamais. Le sursaut national syrien face aux complots extérieurs qui se trament désormais ouvertement et sans faux semblants contre l’unité de la Syrie, en tant que pièce maitresse du dispositif de résistance à l’hégémonie occidentale, est un premier pas dans le bon sens.