Quand les Russes appellent les opposants syriens à plus de modestie
Une délégation du Conseil national syrien (CNS) conduite par son président Burhan Ghalioun a été reçue mardi 15 novembre à Moscou par le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. De quoi redonner espoir à tous ceux qui, en Occident et ailleurs, ne se consolent pas de l’attitude ferme de la Russie sur le dossier syrien. Cette réception des opposants syriens radicaux indiquerait-elle une évolution de la position russe, pourtant constamment réaffirmée par Lavrov lui-même ?
Revendications irrecevables par le Kremlin
Eh bien, pas vraiment. Et c’est M. Ghalioun lui-même qui l’explique à la presse. Lui et sa délégation ont donc demandé « plusieurs fois » à leurs interlocuteurs russes d’exiger le départ de Bachar al-Assad. « Mais les Russes nous ont répondu que même la Ligue arabe ne demandait pas cela » a expliqué, contrit, le président du CNS. Qui se plaint encore que M. Lavrov ne lui ait pas fait de propositions concrètes. En fait si, le chef de la diplomatie russe a une énième fois exhorté « tous les groupes de l’opposition syrienne » – Moscou conteste décidément le monopole du CNS dans ce domaine – à « engager immédiatement l’initiative préconisée par la Ligue arabe pour régler la crise ». C’est-à-dire à renoncer aux menaces et aux injonctions maximalistes et à engager un vrai dialogue constructif avec le pouvoir syrien. Burhan Ghalioun a alors objecté aux Russes que Bachar al-Assad ne respectait pas les dispositions du plan, et n’avait libéré aucun détenu, ce alors que Damas vient de libérer plus de 1 180 d’entre eux, et avait déjà élargi le 5 novembre un premier groupe de 553 détenus politiques (voir notre article « Ligue arabe : un plan de paix « médiatique » et mort-né« , mis en ligne le 7 novembre).
La morale de cette histoire, c’est que la Russie, pour parler un peu trivialement, n’a pas l’intention d’échanger un allié historique dans une zone stratégique contre une coalition hétéroclite, minoritaire et notoirement inféodée à l’étranger américain, turc et saoudien. La malheureuse potiche Ghalioun s’est, en quelque sorte, vu rappeler aux réalités.
Et les réalités, la Russie de Poutine-Medvedev les connait parfaitement, elle qui a été confrontée aux tentatives d’ingérence et de déstabilisation américaines via l’Ukraine, la Géorgie, les pays baltes et certaines ex-républiques musulmanes soviétiques. Tout en parlant « droits de l’homme », les Américains ont poussé leurs pions et leurs politiciens locaux, et implanté leurs bases dans l’ancien pré-carré russe. La direction du Kremlin, on le sait, a réussi en quelques années à inverser la tendance, et à restaurer l’essentiel de son leadership sur ces pays et ces régions. Mais elle est pleinement consciente que la thalassocratie américaine chassée d’Ukraine ou d’Ouzbékistan, – et bientôt sans doute d’Afghanistan et d’Irak – cherche à se « refaire » en Turquie… et en Syrie. C’est pourquoi M. Ghalioun, malgré tout son talent oratoire de professeur d’université, ne pouvait espérer entendre d’autres paroles de la part de ses interlocuteurs russes !
Source : infosyrie