La Palestine n’est plus le centre d’intérêt d’Al-Jazeera
C'est à l'occasion du 1er Novembre, date symbolique pour les Algériens, et surtout 15e anniversaire de la création de la chaîne, que l'émir du Qatar a procédé à l'installation du nouveau directeur général d'Al Jazeera en arabe. Mais contre toute attente, ce n'est pas un cadre issu des révolutions arabes qui a été installé mais bien un Algérien. Inconnu du public et des médias, le nouveau directeur d'Al Jazeera, le docteur Mustapha Souak, puisque c'est de lui qu'il s'agit, a été formé à l'école algérienne avant de partir poursuivre ses études aux Etats-Unis où il a finalisé une thèse sur la littérature comparée. Cependant, c'est à Londres qu'il débute sa véritable carrière audiovisuelle, plus précisément à la BBC au début du lancement de version arabophone, ensuite à MBC avant de rejoindre Doha comme conseiller en communication auprès de l'émir du Qatar. C'est justement cette position très stratégique qui lui donnera l'occasion d'exposer ses visions et ses éclairages sur la situation médiatique et politique dans le Maghreb et dans le monde arabe. Toujours dans l'ombre, Mustapha Souak a occupé ensuite le poste très sensible de directeur de l'information d'Al Jazeera. Un poste qui est revenu cette fois à l'égyptien Brahim Hallal, qui occupait auparavant le poste du directeur de la rédaction à Al Jazeera en arabe et directeur adjoint d'Al Jazeera English. La nomination d'un Algérien à la tête de la télévision la plus regardée dans le monde arabe et la plus controversée de la planète n'obéit pas à un choix de compétence (même si l'Emir choisit les cadres de sa chaîne sur la base de leur compétence et de leur expérience) mais plus à une vision purement régionale. D'abord ce poste se limite seulement à la chaîne arabe car contrairement à l'ancien directeur général Wadhah Khanfar, le nouveau patron d'Al Jazeera arabe, n'a aucun pouvoir sur les autres filiales de la chaîne qatarie. Il s'occupera seulement de la version arabe, mais sans doute la plus sensible. Sa nomination à ce poste est plus stratégique que politique. L'ancien responsable de la chaîne, Khanfar, était palestinien. Sa venue en 2003 obéissait à une stratégie politique de la chaîne de défense de la cause palestinienne. La cause palestinienne est aujourd'hui dépassée pour Al Jazeera, surtout depuis la mort de Arafat, l'éclatement de Fatah et l'émergence de Hamas. La Révolution arabe est la nouvelle donne politique qui domine le cahier de charge de la chaîne Al Jazeera et l'installation d'un cadre algérien dont le pays n'a pas été touché par les révolutions arabes est une manière bien intelligente pour traiter la question. Une grande déception pour les cadres tunisiens, qui pensaient détenir avec l'éclatement sur le sol de la Révolution arabe la paternité du leadership dans le domaine de la liberté d'expression. Or, l'émir du Qatar, bien conseillé, a placé un Algérien à la tête de la chaîne arabe et un Egyptien à l'information pour ne pas jalouser le camp des cadres égyptiens considérés comme le clan le plus puissant dans les coulisses de la télévision qatarie après les Libanais. Les Tunisiens ne représentent pas une force de proposition au sein de la chaîne qatarie. Leïla Chaib et surtout le lobbyste Mohamed Krichène n'ont pas réussi à convaincre l'émir et surtout le président du Conseil d'administration de la chaîne, Cheikh Hamad Ben Thamer Al Thani. Le nouveau DG d'Al Jazeera devrait composer avec tout le monde et surtout faire oublier les huit ans historiques de Wadah Khanfar.
L’Expression