Les manifestations organisées pour l’anniversaire de la Nakba ont entraîné des répressions importantes au Moyen-Orient, provoquant des tués et des blessés.
Les manifestations de commémoration du 63ème anniversaire de la création de l’État d’Israël, qui a eu pour conséquence l’expulsion de 600 000 Palestiniens, la confiscation de leurs terres et le début de leur errance et de leur diaspora un peu partout dans le monde, revêtent cette année une importance particulière. Elles interviennent après une série de révoltes dans le monde arabe et, surtout, le changement de régime en Égypte. Le nouveau pouvoir provisoire, qui a chassé le clan Moubarak, n’entend plus participer, avec l’occupant israélien, au blocus de la bande de Gaza. Il entend aussi renégocier les accords de Camp David et peser de tout son poids pour amener la communauté internationale à reconnaître, comme l’exigeait déjà le plan de partage de la Palestine en 1947, un État palestinien indépendant et viable sur les territoires occupés par Israël depuis juin 1967, le démantèlement des colonies et la reconnaissance de Jérusalem est comme capitale de cet État. Joignant l’acte à la parole, l’Égypte a œuvré à réunifier les rangs palestiniens, notamment le Fatah et le Hamas.
Le vendredi 13 mai, les drapeaux palestiniens étaient brandis par des milliers d’Égyptiens Place al-Tahrir. Des marches pacifiques devaient se diriger ce dimanche 15 mai de tous les pays arabes vers la Palestine pour commémorer la Nakba et exiger la fin de l’occupation israélienne de la Palestine.
L’armée égyptienne, déjà confrontée au risque de guerre confessionnelle, n’a pas permis une mobilisation spectaculaire à la frontière avec Gaza. Elles’est déployée dans tout le pays, en direction de Rafah, pour bloquer les manifestants.
Le journaliste Chris den Hond, actuellement sur place et interrogé par téléphone par CAPJPO-EuroPalestine, rapporte que même les journalistes ont été arrêtés, détenus et harcelés par l’armée égyptienne, alors qu’ils tentaient de se rendre à Rafah.« Avec plusieurs autres journalistes, nous avons été enfermés pendant 3 heures samedi 14 après-midi dans les quartiers militaires alors que nous étions près du Pont de Salem qui permet de traverser le canal de Suez pour se rendre à Rafah. »
L’armée et la police égyptiennes ont mis en place des barrages énormes aussi bien à la sortie du Caire que dans tout le nord du pays sur la route qui mène au poste frontière de la bande de Gaza. Le gouvernement intérimaire a empêché les cars qui devaient venir chercher les manifestants Place Tahrir au Caire, de s’y rendre, au moyen de menaces.
Et tous les minibus qui contenaient 6 à 8 personnes allant dans cette direction ont été bloqués. Beaucoup d’Égyptiens ont été arrêtés, puis relâchés un peu plus tard. Des groupes de manifestants ont dormi par terre à l’entrée du Pont Salem dans la nuit de samedi 14 à dimanche 15, et ont essayé jusqu’au dernier moment de traverser le pont au-dessus du canal de Suez pour se rendre à Gaza.
Malgré toutes ces mesures, des marches et des manifestations ont pu être organisées à El Arish et à Rafah. La jonction avec Gaza n’a pu cependant être faite.
Le Conseil militaire suprême qui détient la réalité du pouvoir en Égypte, tout en exprimant sa compréhension et sa solidarité avec les Palestiniens argue qu’il ne faut pas brûler les étapes et qu’il faut d’abord que « les problèmes internes soient réglés et que les élections se soient déroulées en Égypte avant d’aborder la question palestinienne ».
Au Liban, en Syrie, la journée a été sanglante. La soldatesque israélienne a tiré sur les manifestants au Liban Sud et sur le plateau du Golan occupé tuant et blessant des dizaines de personnes.
Au Liban, près de la frontière avec Israël, dix personnes ont été tuées et 71 blessées par des tirs israéliens. C’étaient des réfugiés palestiniens qui manifestaient du côté libanais pour commémorer la Nakba, selon une source médicale.
Sur le Golan syrien occupé, au moins quatre manifestants syriens ont été tués par l'armée d’occupation israélienne alors qu'une foule de manifestants originaires de ce territoire occupé en provenance de Syrie a réussi à pénétrer sur le plateau du Golan, territoire annexé par Israël en 1981.
Selon un porte-parole militaire israélien, « des milliers de manifestants du côté syrien ont attaqué notamment avec des pierres nos soldats de l'autre côté et des dizaines d'entre eux ont pénétré en Israël ».
La Syrie a dénoncé ces actes « criminels » de la part d'Israël. « Israël devra assumer la totale responsabilité de ses actes ».
Le plateau du Golan a été occupé par Israël lors de la guerre des Six Jours en 1967, une guerre planifiée par Israël. En 1981, Israël annexe ce plateau et interdit à ses habitants syriens (500 000 personnes réfugiées en Syrie) d’y retourner. La communauté internationale n'a jamais reconnu cette décision, et considère le Golan comme un territoire occupé. Mais n’exerce aucune pression sur l’occupant israélien pour le restituer à la Syrie.
Cet incident, le plus grave depuis la guerre d’octobre 1973 et la signature des accords syro-israéliens de désengagement des forces en 1974 sous l’égide des États-Unis, intervient au moment où beaucoup d’opposants syriens reprochent au pouvoir baassiste de ne rien faire pour libérer ce territoire.
Les manifestations de commémoration de la Nakba se sont également déroulées dans les territoires palestiniens occupés en Cisjordanie et surtout à Gaza où au moins un Palestinien a été tué et 45 blessés par l’armée lors d’une marche en direction du point de passage frontalier israélien d’Erez, tandis qu’en Cisjordanie des heurts violents ont fait au moins 5 blessés au check-point de Qalandia, à l’entrée de Jérusalem.