Une aide intéressée
L’Allemagne a décidé de « soutenir la transition démocratique » dans les pays arabes, par une aide économique. Dans ce cadre, elle a créé un nouveau fonds de 20 millions d’euros, le Sanad (« aide » en arabe),) géré par la banque de développement KfW , en direction des PME. Cette aide prendra la forme de microcrédits (micro, mais crédits quand même et qui dit crédit dit intérêts !) de 5000 euros en moyenne. Le fond vise à accorder des crédits, des garanties et des capitaux propres à des banques et à des institutions de micro-finance en Égypte, Algérie, Irak, Jordanie, Liban, Maroc, Palestine et Tunisie. Selon le ministre allemand de la Coopération, ce fonds pourrait être ouvert à la Syrie « si elle se dote d’un gouvernement démocratique ». Le 11 août, le Sanad était officiellement lancé par l’annonce d’un versement de 30 millions par l’Allemagne et l’Union européenne. Bien sûr, les investisseurs privés sont invités à y contribuer.Troisième fonds mis en place par l’Allemagne dans cette région, il a été précédé par un fonds pour la démocratie qui a financé certains partis politiques sur place, puis un fonds pour l’éducation.
Mais l’Allemagne ne s’arrête pas à ces pseudos microcrédits qui rapporteront, quoi qu’on en dise, de l’argent aux prêteurs et investisseurs divers. Elle a décidé, le 24 juillet, à Berlin, d’attribuer au Conseil national de transition libyen un montant allant jusqu’à 100 millions d’euros sous forme de « prêt à des fins civiles et humanitaires ». « En raison de la guerre menée par le colonel Kadhafi contre son propre peuple, a déclaré Guido Westervelle, ministre fédéral des Affaires étrangères qui semble avoir une interprétation de l’Histoire assez personnelle, la situation en Libye est extrêmement dure. » Depuis le début du conflit, précisait Westervelle, le gouvernement fédéral a déjà versé 15 millions d’euros au titre de « l’aide humanitaire » au CNT. Il faut rappeler que l’Allemagne, membre non permanent du Conseil de sécurité, s’est distinguée par son abstention lors du vote de la résolution 1973 qui a été utilisée par l’Otan pour renverser le régime Kadhafi.
La presse, on le sait, est une arme indispensable dans tout conflit national ou international. Ce qui explique, sans doute, pourquoi Berlin finance, également, depuis le 14 juillet, un site web pour les journalistes tunisiens. Pour leur permettre de diffuser leurs articles ? Non, car pour les initiateurs allemands de ce site, les journalistes tunisiens ne sont pas compétents. « Ils sont confrontés à un grand défi. Ils doivent se familiariser avec une pratique du journalisme totalement nouvelle pour eux… Le journalisme indépendant, ça s’apprend, et c’est là qu’intervient « Tunisie Vote », explique sans états d’âme Nicole Choueiry, chef de projet du site à Tunis. « Tunisie Vote » est donc censé former « dans un laps de temps très réduit » des journalistes, mais, plus surprenant, il « s’efforce d’atteindre tous les électeurs tunisiens et de leur fournir les informations dont ils auront besoin pour prendre leur décision au mois d’octobre. » Surprenant quand on sait que le projet est géré par une organisation berlinoise Media in Coopération and Transition (MICT) financé par le ministère fédéral des Affaires étrangères, le gouvernement belge, la Fondation Friedrich Ebert, des agences de l’ONU, le gouvernement canadien et des organismes jordaniens.
Comme ne l’indique pas son nom, MICT a une conception « large » de la coopération en matière de médias. Elle a ouvert, par exemple, en 2009 un portail, WPI, pour les industriels allemands intéressés par des investissements en Irak. Son site Niqash en arabe, anglais et kurde, traite des problèmes politiques, des médias, et de la culture en Irak. Ses activités en Irak sont particulièrement développées et forment un véritable réseau dont plusieurs radios qui sont intervenues très directement avant les élections de janvier 2006. Mais WPI est également présent au Soudan où elle a « formé » des journalistes en vue des élections en février 2010 et partage son siège entre Berlin et Amman, en Jordanie.