« Guilad Shalit est un soldat-franco-israélien, C’est un prisonnier de guerre, et pourtant RFI le compte désormais parmi les « otages » français (civils) auxquels on rend hommage tous les jours, dans le journal de 8h. Un site d’information pro-israélien s’en félicite d’ailleurs, et se vante d’avoir adressé à Alain de Pouzilhac « une mise en demeure ». Qu’en est-il ? La direction de RFI a-t-elle subi des pressions ? Pourquoi ce changement d’attitude au sujet de Guilad Shalit ? » Telle est la question posée par les syndicats de Radio France Internationale à sa direction lorsque la station s’est vu imposer de soutenir le soldat de Tsahal. Il avait été enlevé par un commando palestinien, le 25 juin 2006, au passage frontière de Kerem Shalom qui servait au transfert de l’aide humanitaire vers Gaza assiégée par la même armée israélienne. La réponse de la direction en dit long sur l’indépendance de la station internationale française financée par l’argent du contribuable français : « Effectivement, RFI a été saisie par un « auditeur qui s’intéresse à la question ». Nous nous sommes tournés vers le quai d’Orsay qui tient lui-même sa position du président français : « Guilat Shalit n’est pas un prisonnier de guerre parce qu’il ne bénéficie pas des dispositions prévues par les conventions internationales ». Il est donc considéré comme un otage. » Commentaire du SNJ : « Si tous les prisonniers de guerre qui ne bénéficient pas des dispositions prévues par les conventions internationales étaient considérés comme des otages, ça ferait du monde…(Vous avez dit Guantanamo ?) L’auditeur en question est en fait un militant actif proche du site, site qui tient violemment des propos anti-palestiniens. » En effet, la campagne auprès des médias français pour la reconnaissance de Guilad Shalit comme « otage » est l’œuvre de Jonathan Curiel et Yohann Taieb, deux activistes présentés par un site israélien sioniste en français comme des « militants sionistes ». Le 2 août, on pouvait lire sur ce site « Grâce à Taïeb et Curiel, Gilad Shalit est enfin un otage pour Radio France International. L’omerta médiatique qui pénalisait depuis cinq ans toute campagne de soutien à Guilad Shalit en France vole en éclat jour après jour. En effet, après avoir fait plier France Télévisions qui le comptabilise dorénavant dans le nombre officiel d’otages français dans le monde, les deux militants sionistes, Curiel et Taieb continuent leur travail inlassable pour que Guilad Shalit soit définitivement considéré en tant que tel par tous les grands médias de France. » La première chaîne à accepter de présenter Guilad comme un « otage » fut BFM TV. Mais comment France Télévisions a-t-elle « plié » ? Les pression exercées sans relâche par les deux militants sur le groupe public français, en en informant le CRIF « de façon constante de l’évolution de leurs démarches entreprises contre le groupe », ont payé. Des pressions exercées « sur plusieurs fronts à la fois, tant au niveau interne par l’envoi de dossiers accablants pour la chaîne publique à son président Rémy Pfimlin et à son directeur des rédactions, Thierry Thuillier, tant en s’incrustant de façon remarquable au plein cœur du dispositif qui marquait les 500 jours de captivité de nos deux ex-otages français, le 13 mai dernier, en écrivant au président de la république (qui chargea le ministre de la Culture et de la Communication le soin de traiter le dossier) et en harcelant la direction des rédactions de France Télévisions. » Le 2 juin, Thierry Thuillier charge Eric Monier, le directeur de la rédaction de France 2, « d’amorcer un compromis. » Curiel et Taieb sont informés de l’arrêt du décompte excluant Guilad, remplacé par une phrase laconique : « C’est aussi une journée de détention supplémentaire pour les autres otages français dans le monde. » Ce compromis ne satisfait visiblement pas les milieux sionistes derrière les deux militants. Ils demandent la diffusion de deux reportages sur Guilad, à l’arrivée de son père à Paris, le 6 juin. Eric Monier accepte. Le 6 juin, le CRIF reçoit Jonathan Curiel et Yohann Taieb pour faire le point. Ils décident de saisir le CSA car ils estiment que la présentation de Guilad n’est pas assez claire. Le 29 juin, ils s’infiltrent dans la manifestation de Beaubourg, à Paris, pour les 18 mois de détention des deux ex-otages en Afghanistan. Ils portent des T-shirts et des pancartes marqués « Honte à France TV » et « France TV m’a zappé ». Cela suffit, ils entrent aussitôt à France-télévisions par la grande porte. Le 30 juin, le présentateur David Pujadas annonce au journal de 20h qu’il reste neuf otages français dans le monde : « trois au Yémen, quatre au Sahel, un en Somalie et un à Gaza ». Aux Blogs de personnalités (Bertrand Delanoë, maire de Paris, par exemple), chaînes de télévision, quotidiens, magazines, sites médiatiques, la partie est gagnée, le soldat israélien Shalit est devenu « Shalit, l’otage français à Gaza ». Nicolas Sarkozy écrit à ses parents : « Des efforts obstinés ont été menés afin d’obtenir sa libération. S’ils n’ont pas encore abouti, soyez certains que jamais nous ne baisserons les bras. Notre action continue. Elle réussira. » L’enlèvement de Shalit avait servi de prétexte au gouvernement israélien pour lancer, le 28 juin, l’Opération Plomb durci, opération de bombardements massifs et d’invasion de la bande de gaza. L’opération de libération avait échoué. Le Hamas proposait alors d’échanger Shalit contre un millier de prisonniers palestiniens. Les Israéliens refusèrent initialement de libérer les détenus « avec du sang sur les mains » mais ils acceptèrent en décembre 2009, à condition qu’ils soient interdits de séjour en Cisjordanie. La proposition fut rejetée par le Hamas. Il y a plusieurs milliers de prisonniers civils palestiniens, dont 200 mineurs à partir de 12 ans, et des élus palestiniens, dans les prisons israéliennes et les camps de détention aux conditions inhumaines. Aucun statut ne leur est reconnu. Les arrestations sont souvent non motivées, effectuées souvent aux check points, lors des incursions israéliennes dans les villes et les villages des territoires occupés, voire par kidnapping. Ils n’ont pas ou difficilement accès à un avocat. La Fédération Internationale des droits de l’Homme a fait plusieurs rapports dénonçant les conditions de détention, notamment dans les camps d’Ofer et de Ketziot. Surpopulation, nourriture de mauvaise qualité, conditions d’hygiène « très préoccupantes », les prisonniers dont des femmes de familles d’activistes palestiniens, sont également soumis à de mauvais traitement, « de torture, de pressions psychologiques ». Un important rapport de la FIDH a été présenté au Comité des droits de l’Homme des Nations unis, les 24 et 25 juillet 2003. En mars 2011, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, rappelait, dans un message lu devant les participants à une réunion sur la Palestine à Vienne : « Lorsque j’ai visité les Territoires occupés palestiniens l’année dernière, j’ai exprimé mes inquiétudes sur les milliers de prisonniers palestiniens en détention en Israël et j’avais publiquement exhorté Israël à relâcher les prisonniers. » Depuis rien n’a été fait, il y a toujours plus d’arrestations, de mauvais traitements, de mineurs et de femmes emprisonnés. On aimerait croire que Nicolas Sarkozy et ses amis non seulement ne baissent pas les bras, mais qu’ils commencent à les lever et exigent d’Israël la libération des prisonniers palestiniens, hommes, femmes et enfants, civils et vrais « otages ». Mais cela restera vœux pieux probablement encore longtemps. C’est « un ami d’Israël », selon ses propres mots, qui s’est adressé, en février dernier, au traditionnel dîner annuel du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France), à Paris, qui réunit le gotha des soutiens français à Israël, communauté juive, dignitaires religieux, ministres (25), parlementaires, intellectuels, élus et politiciens de droite et de gauche. Invité surprise, au détour d’un discours sur les juifs en France, truffé d’erreurs historiques, qui restera dans les annales, le président français déclare : « Je n’oublie pas non plus notre compatriote. S’attaquer à Gilad, c’est s’attaquer à la France. »