En visite à Paris, le Premier ministre russe Vladimir Poutine a exprimé son opposition au principe d’une intervention armée sous l’égide des Nations unies. La Russie s’oppose à une nouvelle résolution des Nations unies destinée à condamner le gouvernement syrien, souhaitée par la France.
Le sujet a aussi été évoqué avec le président Nicolas Sarkozy lors d'un entretien qui a duré 1h45 à l'Elysée, mardi en fin d'après-midi. Vladimir Poutine ne s'est pas exprimé à l'issue de la rencontre.
« Nous devons faire pression sur les gouvernements de tout pays où il y a des troubles de masse, d'autant plus s'il y a des effusions de sang », avait déclaré plus tôt M. Poutine, répondant à une question sur la Syrie lors d'une conférence de presse conjointe avec son homologue français François Fillon. « Il faut obtenir de chaque gouvernement qu'il emploie des moyens ne menant pas à des pertes humaines », a-t-il ajouté.
« J'espère que le gouvernement syrien le comprend aussi et qu'il va en tirer les conclusions », a-t-il souhaité. « Il ne faut pas intervenir (militairement, NDLR), il faut juste aider » la Syrie, a expliqué le Premier ministre russe.
« L'intervention étrangère ne mène pas toujours à une résolution du conflit », a-t-il souligné, citant l'exemple de l'Irak. « Il faut élaborer au niveau international des solutions de crise qui n'aggraveraient pas la situation, mais au contraire qui mèneraient à la résolution de ces problèmes », a-t-il souhaité.
De son côté, François Fillon a rappelé la position de la France, qui veut « agir dans la légalité internationale ». « Nous considérons que le Conseil de sécurité ne peut pas rester muet plus longtemps et le moment approche où chacun va devoir prendre ses responsabilités sur cette question qui ne peut pas laisser indifférent », a déclaré le Premier ministre français, qui a espéré que les positions de Paris et Moscou puissent « peut-être se rejoindre ».
Les deux hommes devaient à nouveau évoquer ce sujet lors d'un déjeuner de travail.
Le même jour, 24 heures après son troisième discours à la nation depuis le déclenchement des troubles, le président syrien Bachar al-Assad a décrété une nouvelle amnistie générale portant sur tous les crimes commis avant le 20 juin, a annoncé l'agence officielle Sana.
Le 31 mai, le président Assad avait déjà décrété une amnistie générale incluant tous les détenus politiques, y compris les membres des Frères musulmans.
Des centaines de détenus avaient alors été libérés, selon les organisations des droits de l'Homme, mais la répression meurtrière des protestataires s'est poursuivie.
« J'ai senti que l'amnistie décrétée (le 31 mai) n'a pas donné satisfaction, nous allons l'étendre pour qu'elle inclue d'autres (détenus), sans mettre en péril la sécurité de l'État », avait affirmé lundi 20 juin M. Assad dans son discours à l'Université de Damas.
Dans ce discours, le président syrien a également appelé à un « dialogue national » qui pourrait aboutir à une nouvelle Constitution. « On peut dire que le dialogue national est le slogan de la prochaine étape », a-t-il déclaré.
Il a évoqué un possible amendement de la clause 8 de la Constitution qui fait du Baas le « parti dirigeant de l'Etat et de la société » en Syrie depuis 1963. Son annulation est l'une des revendications principales de l'opposition. Mais il a expliqué que les réformes envisagées ne pouvaient être décidées dans la précipitation, et a proposé d'attendre l'élection d'un nouveau Parlement en août pour leur examen.
Dès le lendemain de son discours, des dizaines de milliers de personnes manifestaient mardi 21 au matin dans le centre de Damas pour afficher leur soutien au président syrien, selon une journaliste de l'AFP sur place. La place des Omeyyades était noire de monde et les routes aux alentours bloquées, a-t-elle constaté.
Les manifestants portaient des drapeaux syriens et criaient des slogans pro-régime, comme « nous nous sacrifierons pour Bachar », ou « Dieu, Syrie, Bachar et c'est tout ». Selon la télévision d'Etat, une immense manifestation pro-Assad avait également lieu à Homs, dans le centre du pays. L'agence de presse officielle Sana a de son côté affirmé que « des millions de Syriens se sont mobilisés sur les grandes places du pays pour soutenir le plan de réformes globales » annoncé par Bachar al-Assad.
Après le discours, des manifestations hostiles au régime ont également éclaté dans différentes régions de Syrie, notamment à Alep (nord) et à Homs, selon des militants des droits de l'Homme.
Le pouvoir a envoyé ces derniers mois ses troupes et ses chars dans de nombreuses villes pour réprimer les contestataires, arguant que leur intervention avait été dictée par la présence de « terroristes armés qui sèment le chaos », sans vouloir reconnaître explicitement l'ampleur de la contestation.
La répression des manifestations a fait plus de 1.300 morts parmi les civils et entraîné l'arrestation de plus de 10.000 personnes, selon des ONG syriennes. Près de 300 morts ont été d’autre part signalés dans les rangs des services de sécurité et de l’armée.
Avec les agences