Victoire de l’AKP du Premier ministre Erdogan aux élections législatives du 12 juin dernier.
Les Islamistes ont confirmé leur domination de la vie politique turque. Une nouvelle victoire électorale qui, cependant, ne permet pas à Erdogan d'avoir les mains libres, pour en finir avec la constitution kémaliste. Une victoire indiscutable, mais fragile dans un contexte régional de plus en plus délicat.
Près de dix ans après leur arrivée au pouvoir en Turquie, l'AKP et son leader, Recep Tayyip Erdogan, ont tout de même de quoi se réjouir. Ils ont remporté une éclatante victoire aux élections législatives du dimanche 12 juin, avec 50% des voix. Aucun véritable phénomène d'usure. Le Premier ministre va pouvoir former un gouvernement sans recourir à l'opposition.
Et pourtant, cette victoire, la troisième depuis 2002, du Parti pour la Justice et le
Développement (AKP), qui se réclame d'un islamisme pragmatique, n'est pas aussi éclatante qu'elle paraît. Car elle ne permet pas au gouvernement de lancer -seul du moins- une réforme en profondeur de la Constitution.
Désormais, le Premier ministre turc est à un véritable tournant. Il devra composer avec l'opposition, et en premier lieu avec le CHP, le parti social-démocrate, d'inspiration kémaliste (du nom du fondateur de la Turquie moderne), qui a obtenu 26 % des voix. Mais aussi avec le MHP, le parti ultranationaliste (13 %), ainsi qu'avec les représentants des Kurdes.
Mais c'est aussi, et surtout, sur la scène internationale que la Turquie, devenue 17ème puissance économique mondiale et membre du G20, devra faire ses preuves, car le contexte a changé. Tout est ambigu avec Erdogan : la volonté européenne, la démocratisation, la place de l'islam, le regard sur les printemps arabes. Sans parler de la situation syrienne.
La Turquie qui est membre de l'OTAN – cette dernière disposant de bases militaires sur son territoire – semblait, ces derniers mois, avoir amorcé un rapprochement important avec la Syrie et l'Iran, au point que certains analystes évoquaient le nouvel Axe Turquie-Syrie-Iran au Proche et Moyen-Orient.
La Turquie fait l'impasse sur les manipulations
Mais, tout récemment, elle a changé sa position envers le régime libyen de Kadhafi. Et tout en refusant de participer directement aux bombardements, elle a laissé l'utilisation à ces fins des bases turques de l'OTAN.
La Turquie a également fait volte face envers la Syrie. Le premier ministre turc a commencé à critiquer la Syrie début mai et, depuis, ses critiques se sont faites plus pressantes, devenant carrément hostiles. La dernière en date était vraiment très virulente. Erdogan a accusé le régime syrien, au début juin, d'avoir commis des «atrocités » et qualifié «d'inacceptable » les opérations menées contre les émeutiers.
Damas n'explique pas ce revirement de la part d'un gouvernement qui, de par son histoire, connaît bien les problèmes d'ingérence extérieure dans la manipulation de militants séparatistes, ceux du PKK, au Kurdistan irakien, étant entraînés par des ex-officiers de l'armée israélienne et des agents du Mossad, selon les services syriens.
Et certains d'envisager, alors, un nouveau scénario. Une attaque «d'auto-défense» des populations civiles contre la Syrie ou une intervention de l'OTAN à partir de la Turquie, dans le cadre d'une nouvelle «guerre humanitaire». Si l'Otan na pas les moyens, avec le conflit libyen, de faire la guerre à Damas, Ankara si… Cela expliquerait le soutien implicite de la communauté internationale aux Islamistes turcs.
Source : https://metamag.fr/le-magazine-de-l-esprit-critique.html