Les Moudjahidine du peuple remportent une grande victoire en justice, mais la bataille autour du camp d’Achraf continue.
Les Moudjahidine du peuple d’Iran ont le vent en poupe. Huit ans après la rafle à Auvers-sur-Oise contre le siège du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI) qui avait entraîné 164 arrestations et vingt-quatre mises en examens sous l’accusation de terrorisme et de financement de terrorisme, la justice française a prononcé un non-lieu et blanchi la Résistance iranienne. Le 17 juin 2003, à 6 h 00 précises, quelque 1 300 policiers lourdement armés et masqués avaient attaqué les bureaux du CNRI et 12 autres domiciles de réfugiés iraniens en banlieue parisienne.
L’ordonnance des juges d’instruction met fin à l’un des dossiers judiciaires les plus politiquement orienté de ces dernières années en France.
Jean-Claude Maurice, rédacteur en chef du Journal du Dimanche dans un livre intitulé Si vous le répétez, je le démentirai, avait déjà révélé qu’en avril 2003, deux mois seulement avant l’opération du 17 juin, il avait accompagné Dominique de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères, à Téhéran. Par hasard il avait assisté à une réunion privée entre la délégation française et le ministre iranien des Affaires étrangères, étant témoin de la demande du ministre iranien à de Villepin d’interdire les activités de l’Organisation des Moudjahidine du peuple iranien (OMPI) en France. Il avait entendu le ministre français promettre qu’il prendrait bientôt des mesures à son encontre en France.
L’accord politico-économique couplé avec une campagne bien orchestrée de diabolisation des Moudjahidine du peuple et du CNRI a conduit au raid du 17 juin.
Dans leur ordonnance de non-lieu les juges rejettent les accusations mais vont plus loin, reconnaissent le droit de résister et considèrent que les activités de l’OMPI se sont toujours inscrites dans le cadre d’une résistance légitime : « Le dossier ne contient pas la preuve d’une action armée visant délibérément la population civile. Une telle démonstration validerait en effet la qualification terroriste en rendant inopérante toute référence à la résistance à l’oppression puisque la résistance à l’oppression implique a minima de viser l’oppresseur, à savoir le régime en place, et non pas l’oppressé, c’est-à-dire la population. » Les juges précisent à propos des opérations passées de l’OMPI : « L’analyse des communiqués permet cependant de faire le constat suivant : les cibles sont systématiquement institutionnelles, parfois même militaires, et les actions militaires sont présentées comme des réponses à des crimes commis par le régime iranien. »
La réhabilitation de la Résistance iranienne après huit ans d’incrimination et de diabolisation poussées par les lobbies du régime de Téhéran en France, donne un élan et un encouragement aux hommes politiques qui ont toujours soutenu la légitimité du combat de la résistance iranienne. À la fin du mois de mai, à l’initiative du Comité parlementaire pour un Iran laïque et démocratique animé par Émile Blessig (UMP) Jean-Pierre Brard (GDR), Alain Néri (SRC) et Nicolas Perruchot (NC), une majorité de député a appelé le gouvernement français à « reconnaître la Résistance contre la dictature religieuse en Iran et à envisager d’établir un dialogue avec le Conseil national de la résistance iranienne. »
Lors d’une conférence à Paris, les députés représentant toute la diversité politique de l’Assemblée nationale ont apporté leur soutien à Maryam Radjavi, la présidente élue du CNRI. Évoquant les événements de 2003, cette dernière a conclu que « notre regard n’est pas tourné vers le passé, mais vers le futur ». Elle pense surtout au sort et à l’avenir des Moudjahidine du peuple dans le camp d’Achraf.
En avril dernier, le camp a été l’objet d’un terrible massacre. À l’incitation de Téhéran, les forces militaires du premier ministre Maliki ont attaqué ces réfugiés désarmés avec des blindés, tirant avec des armes automatiques. Le bilan a été très lourd, trente-cinq tués dont huit femmes, 345 blessés, dont quarante-deux dans un état grave qui n’ont toujours pas reçu de soins appropriés. Achraf est aujourd’hui encerclé, miradors, remblais de terre élevés, barbelés, armes lourdes pointées sur les réfugiés : la cité a été transformée en camp de concentration.
Maryam Radjavi a appelé la France à prendre en main l’initiative d’une démarche humanitaire pour la protection des Achrafiens devant le Conseil de sécurité de l’Onu. L’affaire devient un enjeu international. Lors de la session plénière du Parlement européen, Catherine Ashton la haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité a déclaré : « Ce qui s’est passé le 8 avril au camp d’Achraf est déplorable et je le condamne de la manière la plus vigoureuse. Je suis catégorique sur le fait que nous avons besoin d’une réaction forte et unie de l’UE. J’ai écrit au ministre irakien des Affaires étrangères et je lui ai parlé encore hier. Bien que je ne remette pas en cause la souveraineté de l’Irak sur l’ensemble de son territoire, il a le devoir de protéger les droits fondamentaux des résidents d’Achraf. J’ai condamné les violences et appelé à une enquête – une enquête qui doit être complète et indépendante et qui doit nous dire exactement ce qui s’est passé. Mais il n’y a pas de solution simple ici – plusieurs options de solutions à long terme sont à l’étude, avec l’Onu en tête. Ce sont toutes des défis à relever. Je suis reconnaissante pour les contributions du Parlement européen et je porterai cela devant le Conseil des ministres des Affaires étrangères et j’en discuterai en détail avec le HCR des Nations unies. Nous avons besoin de poursuivre et de faire en sorte de trouver une ligne correcte de conduite et d’enquête, et notre condamnation est absolue. » Catherine Ashton faisait allusion à une délégation européenne qui s’est rendue en Irak sous la présidence de l’eurodéputé écossais Struan Stevenson qui est à l’origine d’un plan pour la protection des résidents d’Achraf. Ce plan appuyé par le Parlement européen prévoit l’ouverture de négociations entre toutes les parties débouchant sur le transfert des résidents vers des pays tiers où leur sécurité serait garantie.
Dans cette affaire, les Américains ont une lourde responsabilité. Ce sont eux qui ont désarmé le camp d’Achraf, ce sont eux qui s’étaient engagés à les protéger, et ce sont eux qui malgré les mises en garde des organisations humanitaires ont remis la protection d’Achraf aux mains des forces irakiennes et d’un gouvernement fantoche contrôlé par les mollahs de Téhéran qui cherchent à tout prix les anéantir. Ce sont aussi les Américains qui sont les derniers à maintenir l’OMPI sur une liste d’organisations terroristes alors que le monde entier, à l’exception de la dictature religieuse de Téhéran, les considère comme des résistants à part entière qui sont les seuls à pouvoir apporter une solution iranienne fiable avec un changement démocratique en Iran.
Le guide suprême sort affaibli du bras de fer avec son favori
Crise Le feuilleton auquel nous assistons depuis quelques semaines au sommet du pouvoir iranien est grave et lourd de conséquences.
L’histoire a commencé avec l’éviction de Heydar Moslehi, le ministre du sacro-saint organe de renseignement, le terrible Vevak. Immédiatement le guide suprême, dont les renseignements et les affaires étrangères sont les domaines exclusifs – en tout cas bien plus que les autres – l’a remis en selle. Cela n’a rien de surprenant. Le principe du guide suprême autorise Ali Khamenei à nommer ou révoquer les ministres, comme il l’autorise à fouiner son nez partout où les intérêts de son pouvoir sont en jeu.
Or cette fois, son poulain Ahmadinejad n’a pas apprécié et l’a fait savoir par une grève d’une dizaine de jours, délaissant le conseil des ministres qu’il devait… présider. Quand, à coups de menaces et de prières, le président en exercice accepte de mettre fin à sa bouderie et de regagner son poste, il exige illico le départ de Moslehi. Coup de théâtre, il s’agit d’un véritable sacrilège puisque le Guide entre-temps a réintroduit le ministre dans ses fonctions.
Le courant conservateur rival qui domine le parlement (Majlis) se déchaîne alors contre le président. Réponse d’Ahmadinejad : il révoque subitement trois ministres, du Pétrole, Massoud Mirkazemi, des Affaires sociales Sadegh Mahsouli et de l’Industrie Ali Akbar Mehrabian. Il s’octroie à lui-même le ministère du Pétrole. Un pied-de-nez radical au Majlis qui demandait certes une réduction des ministères, mais pas de cette manière.
La querelle en apparence tourne autour du beau-père du fils d’Ahmadinejad et son actuel directeur de cabinet Esfandiar Rahim Machaï. Moslehi aurait mis ce dernier sur écoute. De nombreuses personnes de son entourage ont été récemment arrêtées pour sorcellerie. L’aile rivale reproche à Machaï d’avoir envoûté le président et d’avoir mis sur pied des cercles maçonniques.
Quelle que soit la nature du conflit, le bras de fer s’est déplacé au sein du clan du Guide suprême : entre lui et son protégé.L’affaire est grave puisque la sédition vient du « serviteur » favori.C’est pour conserver ce même « serviteur » à la présidence que Khamenei s’était personnellement exposé en prenant largement partie lors de l’épisode de l’élection présidentielle frauduleuse de 2009.
La raison du conflit est ailleurs. La montée de la révolte arabe, mine de rien, fait fondre les chances de survie du pouvoir. Le Guide sait très bien que le calme est précaire et que le mécontentement va bientôt éclater avec une intensité encore plus violente. Alors qu’il s’apprête à donner un tour de vis, il ne peut tolérer qu’Ahmadinejad touche à son domaine réservé. Pour mieux contrôler la situation, la direction du régime s’est réduite à peau de chagrin, cinq hommes : Khamenei, son fils (Mojtaba), Jafari le commandant du corps des gardiens de la révolution, Hedjazi, le conseiller de Khamenei en matière de renseignement et Taeb, le patron du renseignement des pasdaran.
Le problème reste qu’évincer le président qui incarne l’image du régime s’avère impossible. L’affaire peut donc durer. Mais plus elle se prolongera, plus les troupes du guide suprême prendront conscience de son extrême fragilité. Selon certains mollahs du sérail, il s’agit de la crise la plus aiguë et la plus dangereuse de ces trente dernières années.