Le 8 avril dernier, la jeune Saba Haft-Baradaran, 29 ans, membre des Moudjahidine du peuple iranien, a été tuée lors de l’attaque du camp Achraf par les forces irakiennes aux ordres de Maliki. Son père Reza a écrit cette lettre.
« Je m’appelle Reza, je suis le père de Saba. Je voudrais que tous les organismes internationaux et les personnes qui s’occupent des droits de l’homme lisent cette lettre et me disent où est la part de droits humains de Saba ou ses droits en tant que personne ?
Samedi 9 avril 2011, vers 5 h 30, alors que dans un hôpital, gardé comme un prisonnier par deux soldats, j’appelais les gens à faire un don de sang pour sauver la vie de Saba, un troisième soldat est arrivé et m’a dit : « Ta fille est morte ! »
Je me suis précipité à l’unité de soins intensifs de l’hôpital Adnan Kheyrallah de Bagdad : le visage de Saba était blanc comme de la cire et tous les signaux sur le moniteur avaient cessé. Il n’y avait plus aucun signe de vie.
C’était le point final d’une lutte de quatorze heures. Depuis le raid sauvage des forces de Maliki contre les réfugiés non armés du camp d’Achraf, au cours duquel Saba avait été blessée à la cuisse, l’artère fémorale coupée et l’os fracturé, j’avais fait tout ce que je pouvais pour éveiller à un iota d’humanité chez les bouchers que Maliki nous a assignés comme « médecins » et « protecteurs », pour que peut-être Saba survive.
J’ai compris qu’ils avaient mis en place un tunnel infernal de mort lente pour achever, sous couvert de traitement, tous ceux qu’ils avaient manqué de tuer sur le coup sur le terrain. Du soi-disant hôpital du nouvel Irak d’Achraf à la route principale menant à Baquba, il y a environ deux kilomètres. Sur ce chemin, ils nous ont arrêtés sept fois. Au dernier arrêt, j’ai dit au commandant irakien qui avait arrêté le convoi sans aucune raison et qui voulait renvoyer les accompagnateurs des blessés à Achraf, que Saba était dans un état critique et qu’il devait laisser le convoi repartir de toute urgence. Il a murmuré à son voisin : « Comme c’est bien ! Nous, on veut qu’ils meurent tous. »
Nous avons mis deux heures pour atteindre la route principale. C’était la première étape pour perdre du temps. Puis, ils nous ont emmenés à l’hôpital de Baquba, alors que le directeur de l’hôpital installé à Achraf savait que Saba ne pouvait être opérée qu’à Bagdad. Nous emmener à Baquba faisait partie de leur plan pour perdre du temps.
À Baquba, quand les médecins ont dit que Saba devait être immédiatement évacuée sur Bagdad, le mot « immédiatement » a suffi pour fournir un prétexte à une nouvelle scène de cruauté des bourreaux de Maliki. L’officier irakien qu’ils appelaient Ra’ed Yasser, est venu me dire : « Si tu veux sauver la vie de Saba, quitte les Moudjahidine du peuple et je te donnerai les meilleurs moyens pour la soigner immédiatement. Ensuite on vous emmènera dans les meilleurs pays, comme la France, ou là où tu voudras aller. »
Je me suis alors souvenu de la prison d’Evine et de ses tortionnaires dans les années 1980 à Téhéran. Depuis son jeune âge, Saba était familiarisée avec les murs des prisons. Elle s’endormait au son de la torture et se réveillait avec le bruit de la torture.
Finalement, après avoir souffert de nombreuses difficultés pendant l’enfance de Saba, nous avons quitté l’Iran. Nous sommes arrivés à Achraf et au bout de quelque temps, nous avons envoyé Saba et sa sœur en Allemagne, pour qu’elles puissent bénéficier de tous les moyens pour vivre et étudier. Mais il semblait que ce bruit de la torture ne cessait de résonner dans ses oreilles. Ce bruit est bientôt devenu celui de la torture de toute la nation iranienne par la dictature religieuse, et il a poussé Saba à agir pour libérer sa patrie. Finalement, Saba a choisi Achraf. Le refuge des passionnés de la liberté de l’Iran.
Et maintenant, Saba a reçu une balle.
Après avoir perdu une demi-journée dans le trajet d’Achraf à Baquba, alors que je la voyais fondre comme une bougie sous mes yeux, se vidant de son sang dans une hémorragie interne, il a fallu une fois de plus, que tous les deux nous traversions une épreuve. Mais notre réponse avait été donnée par l’Imam Hussein : « La mort plutôt que l’humiliation. » Nous avons dit à l’officier irakien : « En Irak, nous demandons d’avoir accès aux mêmes moyens que les gens ordinaires, les mêmes que ce que vous utilisez vous-mêmes, pas plus. Il faut juste se rendre à Bagdad le plus vite possible. » Cette phrase a suffi pour que l’ennemi prolonge la mort lente sous la torture de Saba par des retards supplémentaires, de telle manière qu’après environ quatorze heures d’hémorragie interne, nous sommes arrivés à 21 heures au bloc opératoire.
Alors qu’il m’était interdit de me déplacer, ils m’ont dit de trouver du sang pour Saba. Ce tunnel de torture a pris fin avec le martyre de Saba. Le feu de son visage innocent, sans connaissance, cherchant l’air avec difficulté des heures durant, reste gravé dans mon cœur pour l’éternité. Ces criminels ne m’ont même pas restitué son corps, et l’ont utilisé pour nous torturer sa sœur et moi.
Quelqu’un a-t-il entendu la voix de Saba ? Où est la part de droits humains de Saba et de ses droits en tant que personne ? Et la part des frères et des sœurs de Saba à Achraf ?
Derrière des expressions comme « IVe Convention de Genève », « droits des réfugiés », « principe de responsabilité de protéger », « droits humains » et autres, y a-t-il une conscience éveillée pour demander pourquoi ? Pourquoi Maliki verse-t-il le sang des membres des Moudjahidine du peuple sur ordre des mollahs au pouvoir en Iran ? Pourquoi tout le monde se tait ? Vous n’avez donc pas entendu Saba ? Ses derniers mots ont été : « Nous avons résisté jusqu’au bout et nous résisterons jusqu’au bout. »
Oui, quoi qu’il arrive, nous ouvrirons notre voie dans la constance et la fidélité à nos principes. Mais vous ?