Alors que des messages, notamment un enregistrement audio du président lui-même, donnaient le président « à peine touché » et « en bonne santé », Ali Abdallah Saleh a dû être évacué en urgence vers l’Arabie saoudite.
Où va le Yémen ? Après des mois de contestations plus ou moins pacifiques exigeant la démission du président Ali Abdallah Saleh, qui n’a cessé de tergiverser, finalement c’est un attentat dont les auteurs ne sont pas encore identifiés (les propres services du président, les hommes du chef de la confédération tribale des Hached, Sadiq al-Ahmar..), qui a fini, le vendredi 3 juin, par décapiter les hommes clés de son régime.
Après avoir annoncé que les blessures du président étaient légères et qu’il allait adresser un discours télévisé au pays, il s’est finalement contenté d’un court message audio.
Le lendemain, cinq hauts responsables dont le Premier ministre Ali Moujawar, le chef du Parlement et deux vice-Premiers ministres, blessés dans le bombardement qui a touché la mosquée du palais au moment de la grande prière, ont été transportés en Arabie saoudite pour des soins, selon l'agence officielle Saba. Leur état est jugé très grave. Pendant ce temps la télévision nationale continuait à minimiser la gravité des blessures du Président, se contentant d’affirmer qu’il a été simplement atteint de "brûlures et d'égratignures au visage et à la poitrine" mais que son état n'inspire pas d'inquiétude. La même télévision, qui diffusait des messages de soutien au président et de dénonciation des « criminels fils d’al Ahmar », affirmait, contre toute évidence, que le président n’a pas été transporté vers un hôpital militaire saoudien en urgence. Mais ses blessures étaient plus graves, le rendant inapte à gouverner le pays. Finalement la nouvelle de son transfert vers Ryad a été confirmée par l’Arabie saoudite et par la présidence yéménite.
Selon une source présente lors du transfert, le président yéménite est sorti en marchant de l'avion et on pouvait distinguer des blessures visibles sur son cou, sa tête et son visage.
Selon la BBC, qui cite des « sources proches du président », Saleh aurait un éclat de shrapnel long de 7,6 cm sous la région du cœur et serait brûlé au second degré au thorax et au visage. Il devrait subir des tests médicaux avant de subir une opération chirurgicale pour lui enlever l'éclat de shrapnel (obus à balles), selon la même source. Saleh pourrait aussi devoir subir une opération de chirurgie esthétique pour ses blessures au visage et au cou.
L’absence du président Saleh alors que son pays est à feu et à sang, risque de plonger durablement le Yémen dans une guerre civile qui se solderait par son éclatement et son démembrement.
C’est le vice-président yéménite, Abd Rabbou Mansour Hadi, qui va assumer les fonctions de président par intérim et de commandant suprême des forces armées. Le premier conseiller de Barack Obama pour la lutte contre le terrorisme, John Brennan, s'est entretenu samedi 4 juin avec lui, rapportent les autorités américaines.
Mais Hadi est considéré comme un homme de paille. La question se pose de savoir qui va désormais prendre le contrôle du pouvoir, après le départ, probablement définitif, de Saleh.
Son fils aîné, Ahmed, commande les troupes d'élite de la garde républicaine et trois de ses neveux contrôlent les agences de renseignements et de sécurité du pays. Mais on ne sait toujours pas de manière officielle si les fils et les neveux de Saleh font partie des 35 personnes à bord de l'avion qui a atterri à Ryad.
A Sanaa, les rues ont semblé calme durant la nuit de samedi à dimanche 5 juin, alors que coups de feu et tirs de roquette étaient monnaie courante ces dernières nuits dans la capitale yéménite. La trêve semblait ainsi respectée, mais l'inquiétude est toujours présente.
Ce calme aura été de courte durée. Ce matin, des contestataires du régime yéménite célébraient « le départ » du président Ali Abdallah Saleh. Des « jeunes de la révolution » ont commencé à célébrer à Sanaa et à Taëz ce qu'ils considèrent comme « la chute du régime ».
« Aujourd'hui, un nouveau Yémen est né », chantaient les dizaines de jeunes enthousiastes sur le lieu du sit-in permanent près de l'Université de Sanaa, selon un correspondant de l'AFP. « C'est fini, le régime est tombé », répondaient d'autres, alors que ceux qui arrivaient sur la place se félicitaient pour ce qu'ils considèrent comme « la fuite de M. Saleh », qui est au pouvoir depuis 33 ans.
Ce n’est pas l’impression générale. La majorité des Yéménites appréhendent déjà l’avenir avec inquiétude.