Pourquoi le Conseil de coopération du Golfe (CCG) a appelé les deux monarchies arabes restantes, le Maroc et la Jordanie à rejoindre ce club fermé composé de six monarchies ? L’analyse du quotidien algérien, le Quotidien d’Oran.
L'Union du Maghreb arabe est dans un tel état végétatif qu'il serait malhonnête de voir dans l'appel adressé au Maroc pour une adhésion au Conseil de coopération du Golfe un «coup de poignard» ou «une mise à mort». Et de fait, cet appel, accompagné d'une acceptation de l'adhésion de la Jordanie, n'est pas une manœuvre contre l'UMA, mais une alliance des monarchies directement liée aux mouvements de contestation populaire qui traversent le monde arabe.
Même durant les périodes où les régimes arabes étaient divisés entre «réactionnaires» et «progressistes», une telle alliance des monarchies ne s'est pas manifestée aussi ouvertement. Les monarchies savaient que les républiques étaient bien des «sœurs», en dépit de leur nom, et qu'il n'y avait pas grand-chose à en craindre. Manifestement, les mouvements populaires constituent aux yeux de ces monarchies une «menace» autrement plus sérieuse.
Alors que les «républiques» sont en train d'être fortement ébranlées, le geste du Conseil de coopération du Golfe en direction de la Jordanie et du Maroc vise deux pays dont les difficultés économiques et sociales sont avérées. L'inclusion de ces deux monarchies devrait, en théorie, leur apporter une grosse bouffée d'oxygène économique et renforcer des «régimes frères» en proie, eux aussi, à des contestations politiques.
Les monarchies – dont celle du Qatar qui fait sans honte le grand écart entre son «soutien» au peuple libyen et son appui au régime bahreïni qui réprime sa population – croient d'une certaine manière à la théorie des dominos. La première monarchie qui tomberait créerait un précédent et entraînerait une désacralisation de l'institution monarchique. Ces régimes perdraient ainsi le seul garde-fou, celui de la sacralisation religieuse de la monarchie, et deviendraient aussi contestables par les populations que le sont les «républiques».
La mise en avant, grossière et honteuse, d'une «menace iranienne» dans le cas du Bahreïn, au motif que la majorité de la population est chiite, sert de diversion. Les monarchies, qui ont observé avec effroi des amis républicains très royaux tomber en Egypte et en Tunisie, ont apporté un soutien à la rébellion libyenne par haine de Kadhafi. Mais sur le fond, ces monarchies sont très inquiètes face à des mouvements populaires. Il s'agit très clairement pour eux d'organiser une défense monarchique commune contre la contamination.
Au Bahreïn – et sans que cela offusque outre mesure les Occidentaux -, c'est tout simplement une intervention armée qui a été organisée pour dissuader la population et pour aider le régime à la mater. Les monarchies considèrent qu'elles ont sécurisé le Bahreïn, mais qu'il est de leur intérêt à ce qu'aucune monarchie dans le monde arabe ne tombe.
La Jordanie et le Maroc pouvant constituer le maillon faible du système, leur inclusion dans le Conseil de coopération du Golfe va non seulement permettre une injection d'argent dans l'économie, mais aussi créer une base juridique à un éventuel envoi de troupes pour soutenir un monarque frère contre son peuple.
Pour l'Arabie Saoudite, qui est, en raison de sa force économique, l'acteur principal, la chute des dominos ne doit concerner que les «républiques». Les monarchies, hantées par le spectre de la contestation populaire, organisent la contre-révolution avant même que la révolution n'ait lieu.