L’opposition affichée du président « mal élu » Mahmoud Ahmadinejad et du Guide Ali Khamenei tourne au bras-de-fer.
Mahmoud Ahmadinejad, le président mal élu de la République islamique d’Iran, vient de perdre le bras de fer qui l’oppose depuis huit jours au Guide suprême l’ayatollah Ali Khamenei et, à travers lui, à une faction des conservateurs religieux. Après avoir boycotté toute activité publique pendant huit jours, suite au refus de l'ayatollah Khamenei du limogeage du ministre du Renseignement Heydar Moslehi, proche du Guide, il a fini par faire publiquement allégeance à Khamenei qui tient son pouvoir « divin » de la doctrine du Welayat al Faquih (le gouvernement du Jurisconsulte)
Certes, l’histoire de la république islamique a été jalonnée de conflits entre les divers centres du pouvoir depuis 1979. Ces conflits ont pris une nouvelle tournure après la mort de l’ayatollah Khomeiny en 1989. De nombreuses purges se sont soldées par la mise à l’écart de nombreux dignitaires (Montazeri, Chariat Madari, Khatemi, Moussaoui etc..). Depuis l’éviction de Rafsandjani, en mars dernier, de la présidence de l'Assemblée des experts, au profit de l'ayatollah Mohammad Reza Mahdavi Kani, un religieux conservateur, il était clair que le Guide ne disposait plus de soutiens solides dans les diverses structures du pouvoir. Le rapport des forces au sein de cette Assemblée, qui compte 86 membres et qui a le pouvoir de nommer, surveiller et éventuellement démettre le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, est désormais entre les mains des ultra religieux, hostiles à la fois à Khamenei et Ahmadinejad.
La crise actuelle était donc prévisible. Le Guide était tellement affaibli que même sa marionnette, Ahmadinejad, s’est cru en mesure de défier son autorité à travers de nombreuses nominations dans des postes-clé du renseignement, du gouvernement et de l’armée. Le Président mal élu de la république, oubliant le fait que c’est grâce à l’intervention décisive du Guide de la révolution, Ali Khamenei, en 2009, que son élection frauduleuse a été imposée face aux réformateurs, a estimé que le nouveau rapport de forces lui permettrait d’opérer un coup d’Etat militaro-sécuritaire. Un scénario inimaginable aux yeux de Khamenei. Tous les ingrédients d’un clash entre les deux hommes étaient donc réunis. L’étincelle a éclaté le 23 avril dernier. Ce jour-là, l’ayatollah Ali Khamenei s’adressant à Ahmadinejad, lui a envoyé, ce message : « Je n’autoriserai pas, aussi longtemps que je serai en vie, un iota de déviation de ce mouvement massif de la nation. (…) En principe, je n’ai aucune intention d’intervenir dans les affaires du gouvernement (…) à moins que je ressente qu’une opportunité est ignorée, comme ce fut le cas récemment.»
De quoi s’agissait-il ? Ahmadinejad a manœuvré pour pousser le ministre du Renseignement, proche du Guide, à démissionner. Il voulait se débarrasser d’un de ses adjoints, proche d’un conseiller du Président et s’est donc disputé avec le président, Mahmoud Ahmadinejad. L’ayatollah Ali Khamenei avait ordonné au ministre de garder sa place. « En signe de protestation, Mahmoud Ahmadinejad refuse d’appliquer les ordres du Guide et n’invite pas Moslehi (le ministre du renseignement) à participer à son conseil des ministres », explique Armin Arefi, journaliste, sur son blog Dentelles et Tchador.
Dimanche 1er Mai, Mahmoud Ahmadinejad retournait à son bureau après une grève de 11 jours. Selon The Guardian, 25 personnes auraient été arrêtées depuis son retour. L’ayatollah Ali Khamenei a fait arrêter certains de ses proches, accusés d’utiliser des pouvoirs surnaturels. Ils sont soupçonnés d’être des « magiciens » et d’invoquer des djinns (esprits).?Un site internet iranien de nouvelles décrit un des hommes arrêtés, Abbas Ghaffari comme « un homme ayant des compétences particulières dans la métaphysique et ayant des connections avec des mondes inconnus ».?Le blog Azarmehr explique que selon lui, l’un des premiers sites Internet à avoir rapporté cette arrestation (Shanbeh, en perse), l’interrogateur d’Abbas Ghaffari a soudainement fait une crise cardiaque et cela aurait quelque chose à voir avec les compétences surnaturelles d’Abbas Ghaffari.
Se sentant isolé, le président Ahmadinejad a fait semblant de se plier. Ilréaffirme son allégeance au guide suprême. Mais sans trop y croire. Son calcul : se maintenir en place jusqu’à la bataille des législatives de mars 2012. Le Guide et ses innombrables adversaires, vont-ils le lui permettre ?
Déjà des voix parmi les conservateurs et les ultrareligieux s’élèvent pour demander son départ. Il ne suffit plus de se soumettre, disent-ils, mais de se démettre. Car, rappellent-ils,par la voix de l'ayatollah Mesbah Yazdi, « obéir et se soumettre au Guide est un devoir religieux qui n'a rien à voir avec la politique ». Mesbah Yazdi ne manque pas de rappeler au président Ahmadinejad qu'il tenait « sa légitimité de l'approbation du Guide et non du vote populaire ».
Le Parlement, dominé par l'aile dure du régime et qui s'est fréquemment opposé au gouvernement ces derniers mois, a de son côté lancé une pétition exigeant que le président vienne s'expliquer sur son comportement, selon l'agence Mehr. D'après elle, cette pétition aurait déjà recueilli plus de 90 signatures sur les 175 nécessaires. Derrière cette nouvelle polémique se profile la bataille pour les législatives de mars 2012 et, au delà, celle de la succession de Mahmoud Ahmadinejad, non rééligible en 2013. Ce dernier à qui on prête des desseins putschistes, sort très affaibli de ce bras de fer avec le Guide. En l'absence des réformateurs, réduits au silence et marginalisés après avoir contesté la réélection du président en 2009, le contrôle du pouvoir devrait se jouer entre les différents courants conservateurs. Un scénario dangereux pour un régime qui doit désormais affronter frontalement la société et la jeunesse. A quel prix ?