Diplômée en sciences politiques de l’Université américaine du Caire, fille d’une ancienne gloire de Nadi al-Ahly, Amira el-Sherei, née le 4 juillet 1944, est recrutée par la Caf en 1970. Ses compétences, sa maîtrise des langues, son esprit d’initiative et son dévouement lui valent d’accéder en 1980 au poste d’adjointe du secrétaire général Mourad Fahmy.
Lorsque celui-ci part à la retraite en 1982, elle espère lui succéder. Mais on lui préfère le fils de Mourad, Mustapha. Commence alors pour Amira un véritable calvaire : le nouveau gardien du temple, jaloux de sa notoriété et de son savoir-faire, s’acharne à la déstabiliser. Après son accession, en mars 1988, à la présidence de la Caf, Issa Hayatou prend le parti de Mustapha Fahmy et il retire, progressivement, toutes ses prérogatives à Amira el-Sherei.
Le 7 décembre 1993, épuisée par la « sale guerre » que lui livre Mustapha Fahmy, celle-ci adresse à notre collaborateur Faouzi Mahjoub, alors conseiller de presse de la Caf, une émouvante lettre que nous vous livrons en intégralité.
« Cher Fawzi,
Ta carrière, c’est la plume qui doit faire connaître la vérité lorsque l’occasion se présente.
Fawzi, je vais quitter la Caf à la fin de ce mois-ci, après vingt-trois ans de travail au secrétariat de la Confédération (1970-1993). Je le regrette bien sûr, mais…
Fawzi, tu n’es pas sans savoir les problèmes que j’ai personnellement à la Caf… J’en ai parlé au Président (Issa Hayatou). Il a tout fait compris (vérifier ce mot), mais les choses ne changent pas. On m’a dit de lutter, je l’ai fait. J’ai lutté contre l’injustice, l’hypocrisie, le mensonge, la fourberie, les règlements de compte et tout récemment l’impolitesse et l’insolence… C’est beaucoup ! Je n’en peux plus ! Je désire passer le reste de ma vie, avec le peu de santé et de nerfs qui me restent, dans la sérénité, la bonne foi et une atmosphère saine, sans haine.
Cette décision, je viens de la prendre, hélas, après avoir été au courant d’un autre complot et d’un autre mensonge qui viennent me poignarder dans le dos.
J’ai dit « hélas » parce que j’ai, il y a trois jours, confirmé au Président Hayatou que je continuerai à travailler à la Caf. Mais les choses sont telles et le demeurent que je me trouve obligée de la quitter.
Je ne peux plus revoir le Président pour lui raconter quoi que ce soit. Il a toujours essayé de calmer l’atmosphère et de donner des injonctions afin que chacun fasse ce qu’il doit faire. Mais à peine rentre-t-il chez lui que l’enfer recommence.
Enough ! comme disent les Anglais.
Ce que je vis à la Caf est devenu insupportable. Je ne peux plus fournir un rendement à 100 % lorsque je passe des journées et des journées à fouiller dans les statuts pour voir ce que je dois faire et ce que l’on m’a privée de faire ou bien ce que l’on m’a nié de faire et pas pour incompétence, que Dieu m’en garde, mais pour rendre des comptes et irriter mes nerfs.
Plus encore, il y a deux jours, lors de sa réunion avec le personnel, le Président a déclaré que les problèmes du secrétariat n’étaient pas prioritaires et qu’une fois le contrat signé, on doit tout supporter jusqu’à son échéance.
Cela me dépasse, je n’en peux plus !
Fawzi,
J’ose espérer et dire que j’ai confiance en toi. N’ouvre le dossier ci-joint que lorsque tu sens vraiment que tu dois dire un mot capable d’éclairer ou d’empêcher une injustice à mon encontre après mon départ.
Merci.
Signée : Mme Amira el Sherei »
Victime depuis 1990 d’une longue maladie, la « mère du football africain » s’est éteinte le 28 février 1995. « Une étoile qui s’éteint dans le ciel de notre football et qui assombrit la maison de la Caf » dira d’elle l’Ivoirien Jean Brizoua-Bi.