L’ouverture de la majorité des secteurs de l’économie se confirme. Elle touche, pour la première fois, aux domaines dits souverains. Le gouvernement en sort plus fort que jamais.
Toutes les tendances au pouvoir semblent s’y être ralliées : la libéralisation totale de l’économie est acquise. La preuve, le 12 août dernier, Chucri Ghanem, le PDG de la National Oil Corporation (Noc, la compagnie pétrolière nationale), a affirmé, après une réunion avec l’ambassadeur des États-Unis auprès de la Jamahiriya libyenne : « La porte est désormais grande ouverte devant les compagnies pétrolières américaines. » Cela concerne autant les sociétés opérant jusqu’ici en Libye – Exxon-Mobil, Conoco Phillips, Occidental Petroleum et Marathon Oil – que les autres compagnies étasuniennes.
à l’abri des secousses
Il y a quelques mois, le pouvoir tergiversait encore sur le cas des hydrocarbures. Il a même reporté un appel d’offres gazier, le premier du genre, sans pour autant fixer une nouvelle date. Il a aussi gelé toute autre compétition dans le domaine pétrolier. Ce qui avait inquiété les compagnies concernées, au point que des rumeurs circulaient, évoquant un éventuel retour du monopole dans le secteur des hydrocarbures. Après l’annonce de Chucri Ghanem, faite dans un contexte d’ouverture graduelle et rapide du marché financier et de privatisation du secteur bancaire, les économistes et investisseurs occidentaux pensent que la libéralisation économique est consommée.
Certains médias occidentaux et arabes laissent entendre que cette libéralisation économique, qui serait suivie par une libéralisation politique, est l’œuvre de Seif al-Islam Kadhafi. Mais des membres de la Quiada (Haut Commandement entourant le guide), estiment que l’orientation adoptée est le fruit de longs débats auxquels ont participé toutes les composantes du régime. « Il ne suffit pas de déclarer au Sunday Times britannique qu’il [Seif al-Islam Kadhafi ] veut faire de Tripoli la Vienne de l’Afrique du Nord pour être le symbole de la libéralisation économique et politique », nous confiait un membre de la Quiada qui préfère garder l’anonymat. Ajoutant : « Les secteurs de souveraineté, plus particulièrement, ceux des hydrocarbures et de la finance, n’ont jamais été du ressort du fils de Kadhafi ni d’aucun de ses autres frères. Les quotas octroyés sont ailleurs. »
En encourageant le secteur privé local, notamment en lui accordant des facilités d’accès aux capitaux et en l’associant à l’acquisition des parts du capital des entreprises publiques, y compris les banques, le pouvoir a voulu montrer que sa décision de libéralisation était irréversible. Et qu’il ne craignait rien d’elle dans l’avenir. Le régime est à l’abri de la moindre secousse et est devenu plus sûr de lui, de ses capacités, notamment en matière de politique étrangère, malgré son « vieillissement ». Le bras de fer engagé avec la Suisse – avec une grande partie de l’Union européenne – le démontre.
Marché juteux
Avec des réserves prouvées de 46 milliards de barils de pétrole et de 55 trillions de m3 de gaz à la fin du premier semestre de l’exercice en cours, et des réserves en devises de 97,9 milliards de dollars fin mars dernier, la Libye attire de plus en plus les investisseurs étrangers. Il attise la convoitise des États qui se bousculent pour se positionner sur ce marché juteux. En effet, le gouvernement a décidé d’engager 350 milliards de dollars sur les six prochaines années pour développer ses infrastructures. Il sait donc parfaitement comment récompenser ceux qui le soutiennent dans les moments difficiles… Tripoli a accordé à la France le contrat de construction d’un bateau géant pour un montant de 600 millions d’euros il y a deux mois. Elle a privilégié l’Italie, en autorisant sa banque UniCredit à ouvrir des bureaux en Libye.
Autre élément de force : en matière de finance, le pays a créé des fonds d’investissement sur différents continents, les deux derniers à Londres et au Niger. Celui au Niger a un capital mixte d’investissement 100 millions de dollars. Selon les statistiques officielles libyennes, le gouvernement a décidé de consacrer environ 65 milliards de dollars pour soutenir ses investissements en Europe et en Afrique durant 2010 et 2011.