La fin du régime ne signifie pas la fin du cauchemar
On aurait tort de comparer la situation qui prévaut en Libye à celle que la Tunisie et l´Egypte vivent encore, relativement dans le calme, et où la transition démocratique se déroule, malgré tout, sans violence armée significative.
Tripoli est donc tombé entre les mains des insurgés, six mois après le début des opérations armées menées par la coalition militaire internationale, parrainée par la Résolution 1973 que la France a fait adopter au Conseil de sécurité de l´Onu. Les insurgés pavoisent depuis la nuit du dimanche à lundi à la place Verte, leur désormais « Place Tahrir ». Doit-on pour autant conclure que la fin de règne du «leader», au pouvoir depuis 42 ans, signifie la fin du cauchemar des Libyens !?On aurait tort de comparer la situation qui prévaut en Libye à celle que la Tunisie et l´Egypte vivent encore, relativement dans le calme, et où la transition démocratique se déroule, malgré tout, sans violence armée significative. Dans le pays voisin, il faut craindre d´abord un bain de sang, pareil à celui que l´Irak vit au quotidien depuis l´invasion américaine et la chute du régime de Saddam Hussein.?Le conflit armé libyen, avec son cortège de ruines, de deuil et de massacres, paraît loin d´être terminé avec la prise de Tripoli par les insurgés. Certains observateurs sur place ont de bonnes raisons de croire que le pire ne fait que commencer pour ce pays maghrébin où, El Guedaffi l´a dit et redit aux « alliés », il n´y a pas d´Etat, ni d´institutions prêtes à assurer la transition comme en Egypte et en Tunisie mais des Aurochs à la rancune tenace. ?Certes, la Libye est aujourd´hui entièrement aux mains du Conseil National de Transition. Cette institution vite reconnue par la plupart des pays occidentaux et les pays du Golfe arabe comme « l´unique représentant du peuple libyen », a-t-elle toutefois la légitimité suffisante pour garantir l´unité des Libyens, et la capacité d´assurer la transition démocratique et éviter ainsi au pays de s´engager dans la voie irakienne ? Rien n´est moins sûr si l´on considère que la rébellion, loin d´être un courant homogène et solidaire qui partage les mêmes valeurs et objectifs politiques, est traversée, de surcroît, par tous les courants, y compris par le courant salafiste qui a fait ses classes en Irak et en Afghanistan. Les doutes persisteront encore pendant quelques jours quant au destin de pays maghrébin où, officiellement, l´objectif des alliés était de voler au secours des populations civiles soumises aux bombardements aériens du « colonel ».?Les intentions occidentales n´avaient en réalité aucune dose de sentiment humanitaire, mais étaient orientées dans le sens de l´enjeu géostratégique et économique que représentait la Libye, pays aux richesses pétrolières considérables. Des convoitises qui se sont précisées à un moment où le prix du baril avait battu tous les records avant d´amorcer une nette tendance à la baisse à la grande satisfaction des marchés occidentaux de l´énergie. ?Les alliés songent, à présent, à la reconstruction de la Libye, comme ils l´ont fait en Irak. C´est une affaire de gros sous, très juteuse pour les entreprises des pays engagées dans la coalition qui cherchent contrats depuis que la crise a fait son apparition en 2007. La facture de la guerre sera inévitablement passée, en cash ou en liquide (pétrole), au futur gouvernement de Tripoli, exactement comme l´ont fait les Américains avec Al-Maliki en Irak. Nous sommes loin des objectifs humanitaires fixés par la Résolution 1973 du Conseil de sécurité, mais dans les calculs occultes des Etats-Unis, de la France et du Royaume-Uni. Ces calculs n´excluent pas la mise en œuvre du plan de partition de la Libye en deux parties : la Tripolitaine à l´ouest et la Cyrénaïque (le futur Etat pétrolier) à l´est avec capitale Benghazi où le drapeau français avait été planté aux côtés de l´emblème des insurgés… C´est le pire de tous les scénarios.?B. H.