Discours du président, réformes politiques, crise au FLN, relations avec le Maroc et la France…
Douze jours après le discours à la Nation du président Abdelaziz Bouteflika, les protestations sociales se poursuivent à travers le pays. Comment expliquez?vous cela ?
Le discours du président de la République est un discours politique. Il faut que cela soit clair. Le Président a annoncé des réformes politiques dont la révision de la Constitution, de la loi sur les partis politiques, du code communal, etc. Le Président n’avait pas abordé les protestations sociales. Son discours a été une réponse à des revendications politiques.
Pour ce qui est de la poursuite des protestations, cette situation est tout à fait normale. Chaque citoyen essaie d’obtenir la satisfaction de ses revendications. Les enseignants contractuels veulent la régularisation de leur situation professionnelle, il y a ceux qui demandent des logements, d’autres du travail…
Dans son discours, le président a annoncé des réformes politiques, mais sans fixer de calendrier….
Non, dans son discours, le président a dit : « aujourd’hui, une année nous sépare des élections législatives de 2012, ce qui est suffisant (…) ». C’est?à?dire que cette période qui nous sépare des prochaines échéances électorales sera consacrée à la concrétisation des réformes annoncées par le président. Nous venons de réviser le code communal, il y a moins de 24 heures. Le code de wilaya est prêt. Il sera débattu lors du deuxième conseil des ministres qui se tiendra après celui prévu cette semaine. Ensuite, il sera présenté au Parlement pour le débat et le vote.
Des partis ont accueilli avec satisfaction le discours présidentiel. D’autres, comme le MSP, l’ont critiqué. Pourtant, le MSP fait partie, comme le FLN, de l’Alliance présidentielle. Quel est votre commentaire ?
C’est le multipartisme et la démocratie. Les partis sont libres de commenter le discours du président. Pour ce qui est du MSP, je ne peux pas m’exprimer à la place de ce parti. Seulement, je remarque que ce parti n’a pas rejeté le discours présidentiel, mais il a demandé un calendrier pour la conduite des réformes politiques contenues dans ce discours.
Ali Yahia Abdenour a demandé au président de partir et à l’armée de prendre ses responsabilités…
M. Ali Yahia Abdenour est libre dans ses déclarations. Il est libre de demander ce qu’il veut. Mais personne n’a le droit de parler au nom du peuple algérien. Le peuple est libre de choisir son président et ses dirigeants. Ce qui est étrange en revanche, c’est qu’il ait demandé au président de partir et à l’armée d’intervenir. C’est cela la démocratie ?
De nombreux observateurs ont remarqué que le président est apparu malade lors de son discours télévisé à la Nation. Vous êtes son représentant personnel. Un commentaire ?
Je suis le représentant personnel du chef de l’État. Je remplis ma mission convenablement. Je n’ai aucun commentaire à faire sur ce qui a été dit concernant l’état de santé du président.
Le FLN a demandé un changement du gouvernement, mais le président ne l’a pas fait. Maintenez?vous votre demande ?
Premièrement, il faut dire que le président ne l’a pas encore fait et non que le président ne l’a pas fait ! Depuis son élection à la tête de l’État, le président a effectué une dizaine de remaniements et de changements ministériels. Certains changements ont touché la tête du gouvernement, d’autres ont concerné seulement les ministres.
Deuxièmement, nous avons demandé et nous sommes attachés à la nécessité d’effectuer un changement gouvernemental. Parce que lorsqu’il s’agit de revendications populaires, il faut de nouvelles têtes qui regarderont les choses avec une nouvelle vision.
Est-ce que cela signifie que le gouvernement actuel est atteint d’immobilisme?
Non. Le changement de gouvernement servira à donner plus de vitalité à l’appareil exécutif. Il faut créer une dynamique nouvelle et un nouvel esprit pour affronter la nouvelle étape.
Un mouvement de "redressement" a fait son apparition au FLN. Il demande des réformes et vous accuse de mauvaise gestion. Pensez?vous que vous représentez toujours la majorité au FLN ?
Il faut que les choses soient claires. Le FLN n’est pas simplement un parti. C’est un front qui rassemble tous les courants et les idées. Durant la révolution, le Front de libération nationale avait rassemblé tous les courants et les mouvements quels que soient leurs différences, pour réaliser un seul objectif. Après l’indépendance, la situation n’a pas changé. Nous constituons jusqu’à présent un front qui réunit tous les courants et les idées. La preuve, après l’avènement du multipartisme, de nombreux militants du FLN, ont créé leurs propres partis, avec leurs idées propres.
Pour ce qui est de l’accusation de mauvaise gestion, je ne suis pas le gestionnaire du FLN. Moi, en tant que secrétaire général du parti, je désigne les gestionnaires. Pour plus de clarté et de transparence, je suis prêt à accueillir une commission de contrôle, soit de la part de ce mouvement ou de l’Inspection générale des finances ou toute autre partie. Ma conscience est tranquille. Ces accusations ne m’ébranlent pas. Je signale que parmi les gestionnaires du FLN, certains font partie de ce mouvement de redressement.
Est-ce que M. Belkhadem se présentera à la présidentielle de 2014 ?
Il est encore tôt pour parler de candidature à la présidentielle de 2014. Il reste trois ans au président de la République pour terminer son mandat. Pour ce qui concerne mes ambitions présidentielles, ce n’est pas à moi seul de décider. Il y a un comité central qui a la prérogative de désigner le candidat du FLN. Le moment venu, le comité central se réunira pour désigner le candidat du FLN.
Le FLN a initié la commission d’enquête parlementaire sur ce qui est appelé la crise du sucre et de l’huile de janvier dernier. Pourquoi avez?vous attendu trois mois pour le faire ?
Cette commission n’a pas été créée pour enquêter sur ce qui est appelé la crise du sucre et de l’huile. Mais sa mission est de faire la lumière sur les évènements qu’a connus le pays durant le mois de janvier dernier. Pour ce qui est du timing, on n’a pas voulu agir sous la pression. Le gouvernement a pris à l’époque des mesures relatives à la suppression de certaines taxes, a fixé les prix et les marges bénéficiaires pour faire baisser les prix des produits de large consommation qui étaient élevés.
La commission d’enquête va travailler pour déterminer ceux qui étaient à l’origine des derniers évènements et ceux qui avaient des intérêts dans ces évènements.
Peut-on avoir plus de précisions ? Avez-vous des noms ?
On ne peut accuser personne, ni aucune partie. Nous attendons les résultats de la commission d’enquête dont le rapport sera débattu au Parlement et les résultats rendus publics pour permettre à l’opinion publique de les connaître.
Malgré les démentis successifs du ministère des Affaires étrangères sur les aides présumées de l’Algérie au régime de Kadhafi, les accusations de l’opposition libyenne se poursuivent. Quelle est votre réaction ?
L’Algérie est contre l’ingérence dans les affaires intérieures des autres pays. Sa position est très claire. L’Algérie, qui respecte la volonté des peuples, est opposée à l’intervention étrangère pour résoudre les conflits. Cette position de l’Algérie n’est pas négociable. Pour les accusations successives du Conseil national de transition libyen contre l’Algérie, nous n’avons pas compris pourquoi. Est?ce qu’ils veulent impliquer l’Algérie dans la crise, pour qu’elle soutienne une partie contre une autre ? Y a?t?il d’autres parties qui sont derrière ces accusations ? Est?ce qu’ils veulent nuire à l’image de l’Algérie ? Franchement, cette affaire n’est pas claire.
La diplomatie algérienne a?t?elle fait convenablement son travail dans ce dossier?
Je pense que notre diplomatie n’a pas hésité à exprimer la position de l’Algérie basée sur le principe de respect de la souveraineté des nations et de la non-ingérence étrangère dans les affaires intérieures des pays.
Lorsqu’il s’agit du voisin et frère libyen, avec qui nous partageons des frontières, l’Algérie est directement concernée. Des armes subtilisées des dépôts s’échangent et on ne sait pas dans quelles mains elles vont tomber. Nous sommes inquiets. Nos frontières et notre sécurité sont très importantes pour nous.
Les déclarations algériennes se multiplient sur la réouverture de la frontière terrestre avec le Maroc. Y a?t?il réellement une volonté de le faire ?
Les frontières avec le Maroc ont été fermées suite aux accusations marocaines contre l’Algérie, après les attentats de Marrakech. Après l’instauration par le Maroc du visa aux Algériens, l’Algérie avait décidé de fermer sa frontière avec ce pays. Il ne faut pas oublier que le Maroc avait accusé l’Algérie au moment où notre pays était confronté à la violence destructrice. Les avions des compagnies aériennes étrangères évitaient même de se poser sur nos aéroports. Les pays voisins constituaient notre seule bouffée d’oxygène.
Après plusieurs années, il a été prouvé la non?implication de l’Algérie dans les évènements de Marrakech, sur décision de justice marocaine et française. Le Maroc s’est empressé d’annuler le visa, croyant que l’Algérie allait rouvrir sa frontière. Mais d’autres problèmes ont fait leur apparition aux frontières dont le trafic de drogue et l’émigration clandestine.
L’Algérie a formé des commissions pour étudier la possibilité de rouvrir cette frontière et travaille sur ce dossier depuis 2002, date de la visite au Maroc de l’ex?ministre d’État Nouredine Yazid Zerhouni. La frontière sera rouverte après la résolution des problèmes liés aux différents trafics. Cette réouverture ne doit pas constituer un danger pour l’économie nationale, ni pour l’économie marocaine. Elle ne doit pas constituer un problème quelconque pour les deux pays.
Mourad Medelci a qualifié la semaine dernière les relations algéro?françaises de bonnes. Est-ce que cela signifie l’enterrement définitif du projet de loi de criminalisation du colonialisme français ?
On ne peut que se réjouir d’apprendre que les relations algéro?françaises se portent bien. Cela ouvre les portes à une meilleure coopération dans le domaine économique et dans les autres secteurs. Mais cela ne signifie pas l’abandon du projet de loi de criminalisation du colonialisme.
Nous sommes attachés à l’idée que la France actuelle doit assumer la responsabilité de la France coloniale. Le colonialisme, avant de parler des tueries, a dépossédé les Algériens de leurs droits fondamentaux, de leurs biens et terres. La France coloniale a terrorisé la population algérienne. Elle a tenté d’effacer leur identité, de dénaturer leur histoire. Il y a eu les massacres de mai 1945. Des Algériens avaient été enterrés vivants. D’autres ont été atrocement torturés. La France coloniale a pendu, brûlé vifs des Algériens.
La France ne peut pas ignorer sa responsabilité historique. Nous disons qu’on ne peut pas ignorer son identité et son histoire. C’est pour cela que nous sommes attachés à ce que la France demande pardon au peuple algérien sur la période coloniale.
(Source : TSA)