La France et l’Italie vont se renvoyer les immigrants, nonobstant la fragilité de ces personnes, souvent harassées par un long et périlleux voyage. Quid des droit de l’homme ?
Les ministres italien et français de l’Intérieur, Roberto Maroni et Claude Guéant, se rencontrent vendredi 8 avril pour décider du sort de plus de 20 000 immigrés tunisiens illégaux, débarqués à Lampedusa et transformés en otages d’un bras de fer entre Rome et Paris, qui n’en veulent à aucun prix. Ces « harragas » ont profité des brèches ouvertes dans la surveillance côtière tunisienne depuis la chute de Zine el Abidine Ben Ali et la désorganisation des services de sécurité qui s’est ensuivie.
Confrontée depuis janvier à cet afflux d’immigrants illégaux, l’Italie a décidé de leur délivrer des permis de séjour temporaires de trois mois pour des « raisons humanitaires », leur permettant, selon Rome, de circuler dans les pays européens de l’espace Schengen. Elle envoie ainsi la patate chaude à la France, destination finale présumée de la majorité de ces jeunes, qui invoquent des « raisons de sécurité » à l’origine de leur départ de leur pays dans des conditions risquées, à bord d’embarcation de fortune. En dé but de semaine, un naufrage a fait quelque deux cents morts au large de Lampedusa.
Paris a très vite réagi en prévenant que la France n’entendait “pas subir une vague d’immigration” tunisienne venue d’Italie. Le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, partisan de la fermeté et d’une réduction de l’immigration, y compris de l’immigration légale, a précisé que pour circuler “à l’intérieur de l’Espace Schengen, il ne suffit pas d’avoir une autorisation de séjour dans un des États membres, mais aussi des documents d’identité et, surtout, de justifier de ressources”. Il a adressé à tous les préfets une circulaire précisant la nature des documents requis pour pénétrer sur le territoire français : passeport national valide, titre de séjour, titre de voyage, ressources minimum, justification du but du voyage… “Si ces conditions ne sont pas réunies, la France est tout à fait en droit de ramener en Italie” les personnes concernées, précise la circulaire. “C’est ce qu’elle fera”, a assuré le ministre, tandis que la Cimade, une ONG de défense des droits des immigrés, se disait “consternée” par les déclarations du ministre, estimant que la situation actuelle montrait “l’échec de la politique européenne en matière d’immigration”.
Roberto Maroni a déploré de son côté “un comportement hostile” de Paris et réaffirmé que “la libre circulation dans la zone Schengen est garantie par des règles qui doivent être respectées”. Il a mis au défi Paris de suspendre sur son territoire l’application des accords de Schengen, avec pour conséquence probable de mettre à mal la politique européenne commune en matière d’immigration. Un sommet entre le président français Nicolas Sarkozy et le Premier ministre italien Silvio Berlusconi est prévu le 26 avril à Rome. L’immigration sera au menu.
Entre temps, les polices françaises ont dressé un véritable barrage à la frontière italienne pour prévenir l’entrée des immigrés tunisiens. Plusieurs centaines ont déjà été refoulés vers l’Italie, leur point de départ. Mais avec les nouvelles facilités accordées par Rome, leur nombre ira croissant, exerçant une pression qui deviendra rapidement intolérable à la frontière française.