La presse libanaise très divisée
La publication d’une partie de l’acte d’accusation du Tribunal Spécial pour le Liban dans l’affaire de l’assassinat de l’ex-Premier ministre Rafic Hariri « a constitué un pas attendu depuis la création du tribunal il y a quatre ans pour révéler les secrets de l’assassinat d’une part et pour tester le niveau de professionnalisme du tribunal (…) d’autre part », pouvait-on lire, ce matin, dans les colonnes d’An-Nahar.
Pour l’éditorialiste du quotidien, Rosana Bou Mounsef, « même si le (Hezbollah) est sûr que ses partisans et ses sympathisants resteront convaincus de la logique qu’il a présentée ces deux dernières années dans le cadre de son opposition au Tribunal (…), (il) devra néanmoins faire face à de nouveaux défis ». « Les détails (…) montrent que le tribunal est professionnel et qu’il n’est pas politisé, affirme l’éditorialiste. Et ces détails sont basés sur des faits et des preuves scientifiques et non politiques, qui ne peuvent être ignorés ou réfutés ». A partir d’aujourd’hui, « la réponse doit se faire via des faits et des preuves concluantes contraires, loin de la politique que le (Hezbollah) a adoptée jusqu’à présent dans ses réactions à l’acte d’accusation. Et il sera peut-être difficile de convaincre l’opinion publique locale ou internationale en refusant d’adopter le principe de défense des accusés devant le tribunal », ajoute-t-elle, précisant que « l’approche adoptée jusque-là par le secrétaire général du Hezbollah, qui consiste à répondre médiatiquement et politiquement au tribunal » ne trouve plus d’écho aujourd’hui. « Le refus de remettre les accusés à la justice (…) mettra le (Hezbollah) devant de nombreux défis, notamment celui de faire obstruction à la justice (…) et ceci pourrait (lui) créer des problèmes au niveau interne (…) et le mettra probablement en confrontation avec (la communauté internationale) », conclut-elle.
Autre son de cloche dans As-Safir qui affirme, dans son éditorial, que « les preuves directes et irréfutables » sont « absentes » de l’acte d’accusation et que ce dernier apparaît aux spécialistes juridiques « comme non-convaincant au regard des normes scientifiques et professionnelles ». Pour le quotidien, l’acte d’accusation fait de « la surinterprétation » et présente des « preuves circonstancielles » et non « concluantes ». Pour As-Safir, l’acte d’accusation du TSL n’est qu’un « roman policier incohérent, dont l’auteur aurait besoin de beaucoup de marketing pour pouvoir le vendre ».
Revenant plus en détail sur les réseaux de télécommunication densément utilisés par les suspects et présentés dans l’acte d’accusation comme une preuve importante de l’implication des suspects dans l’assassinat de Rafic Hariri, As-Safir affirme que cet élément n’est pas valable car « il a été prouvé que les avancées techniques et technologiques permettent à Israël ou à d’autres Etats (…) de fabriquer des appels téléphoniques ». Pour le quotidien, « le scénario » de l’acte d’accusation était périmé dès sa publication car il est identique à ce qui avait été révélé dans le magazine allemand « Der spiegel » et par la télévision canadienne CBC. « L’acte d’accusation publié hier semblait être une compilation d’articles de journaux plus qu’un texte juridique », affirme As-Safir. En ce qui concerne les retombées de la publication de l’acte, As-Safir estime qu’elles seront insignifiantes.
Hassan Aleik du Akhbar est du même avis que l’éditorialiste du Safir en ce qui concerne l’absence de preuves concluantes et la surinterprétation de certains faits par le procureur général du TSL Daniel Bellemare, dans l’acte d’accusation. « Cet acte d’accusation parait être « une copie enrichie et étoffée du rapport rendu public par (la télévision canadienne CBS) il y a environ dix mois », affirme également l’éditorialiste. La seule chose nouvelle est « d’avoir lié certains noms à certaines lignes téléphoniques », souligne-t-il, ajoutant que la seule chose vraiment frappante est le fait que « les millions de dollars dépensés par les enquêteurs internationaux pour découvrir « la vérité » ne leur ont pas permis d’ajouter quelque chose, qui mérite d’être évoqué, aux enquêtes conduites par les appareils de sécurité libanais ». «Ce qui a été révélé dans l’acte d’accusation n’est ni nouveau ni secret », conclut-il.
Source: L'Orient Le Jour