Les atermoiements de la communauté internationale coûtent cher aux insurgés.
Absente en Tunisie, en retard en Egypte, la France est en première ligne en Libye pour demander des « frappes ciblées » afin de neutraliser l’aviation et l’artillerie loyalistes, les empêcher de pilonner les civils et interrompre leur avance sur les bastions insurgés.
Cette position en flèche, soutenue du bout des lèvres par la Grande-Bretagne, est désapprouvée par l’Allemagne et l’Italie, qui la considèrent au mieux « prématurée », au pire « inefficace ».
Paris doit s’employer à les convaincre d’adopter une position commune vendredi 11 mars lors de la réunion des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne (UE) sur la Libye.
Londres a signé avec Paris un courrier commun adressé au président de la Commission de l'UE, Herman Van Rompuy, pressant leurs partenaires européens de prendre des mesures dans ce sens, sans plus de retard. Les deux capitales estiment que Kadhafi "doit quitter le pouvoir immédiatement". Par « frappes ciblées », la France entendrait le bombardement de pistes d’aéroports militaires afin des les rendre inopérantes, la neutralisation de batteries d’artillerie et l’attaque des centres de commandement, notamment le bunker dans lequel Kadhafi, sa famille et ses proches sont réfugiés à Tripoli, et dirigent les opérations meurtrières visant à reconquérir le terrain perdu au profit des rebelles à l’est et à l’ouest du pays.
Berlin et Rome ont indiqué qu’ils n’interviendraient pas sans le feu vert du Conseil de Sécurité où la Russie et la Chine affichent leur refus de toute intervention militaire occidentale, y compris l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne réclamée à cor et à cri par les insurgés depuis plusieurs jours. L’OTAN avait déjà indiqué jeudi 10 mars qu’il renforcerait sa présence dans le Golfe de Syrte, mais qu’il n’interviendrait en aucune façon sans une « résolution claire » des Nations Unies et l’accord des pays arabes et africains.
Sur le terrain, les pro-Kadhafi ont poursuivi leur avance sur les bastions insurgés de plus en plus désorganisés. Le fils aîné de Kadhafi, Seif al-Islam, a déjà proclamé que la victoire était "en vue". Devant des centaines de jeunes en délire, il a déclaré : "Je dis à nos frères et nos proches à l'Est : nous arrivons!". Aux insurgés, il a assuré que l'OTAN, Washington, Paris ou Londres n'allaient "leur servir à rien", martelant: "Je jure devant Dieu que nous allons gagner (…) La victoire est en vue".
La télévision publique parle déjà de « villes purgées » de leurs rebelles après leur reconquête, laissant craindre le pire sur la violence des représailles auxquelles pourraient être exposés les insurgés et les populations civiles qui leur ont apporté leur soutien.
Le chef du Conseil national libyen, le ministre de la Justice dissident Mustapha Abdeljalil, dont la capture a été mise à prix par le régime Kadhafi, a affirmé que sans aide internationale "Kadhafi anéantira" le pays.