Les manifestants du 20 février obtiennent la satisfaction partielle de leurs revendications, à savoir celles concernant les droits de l’homme. Reste l’affaire de la monarchie constitutionnelle…
Le roi Mohammed VI du Maroc a remplacé le Conseil consultatif des droits de l'Homme (CCDH), créé en 1990 par son père, feu le roi Hassan II, par un nouvel organisme public autonome, le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), dont il a confié la présidence à Driss El Yazami, un militant qui présidait le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger.
Le souverain répond ainsi à une revendication exprimée lors des manifestations organisées le 20 février au Maroc, qui réclamaient notamment des progrès sur les droits de l'Homme. Ces manifestations avaient rassemblé des dizaines de milliers de personnes à travers le territoire national.
Khadija Ryadi, présidente de l'Association marocaine des droits de l'Homme (AMDH) et Amina Bouayach, présidente de l'Organisation marocaine des droits de l'Homme (OMDH) – deux animatrices des manifestations du 20 février – ont accueilli avec réserve la décision de Mohammed VI. Elles ont affirmé qu’elles attendaient de connaître les statuts du nouvel organisme pour se prononcer. Celui-ci sera composé de représentants des pouvoirs publics, des ONG, des partis politiques ainsi que de personnalités indépendantes.
Son président Driss Yazami, 59 ans, était un militant de l'extrême gauche dans les années 1970. Il s’est ensuite exilé en France où il a notamment occupé les fonctions de secrétaire général de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).
Le roi a nommé secrétaire général du nouvel organisme. Mohammed Sebbar, avocat de 56 ans, qui avait dirigé le Forum justice et vérité (FJV, indépendant), et milité au sein de l'Association marocaine des droits humains (indépendante)
Le nouveau Conseil sera habilité à saisir la justice pour violation des droits de l’homme, a indiqué M. Sebbar. Il pourra aussi réclamer la mise en œuvre des recommandations de l'Instance équité et réconciliation (IER), une commission créée en 2003 par Mohammed VI pour établir la vérité sur la répression menée sous le règne de Hassan II. L’IER, qui s’est vu reprocher de ne pas avoir désigné nommément les responsables de la répression pendant les "années de plomb" (1960-1999), avait recommandé l'abolition de la peine de mort au Maroc.
Les ONG qui ont manifesté le 20 février demandent par ailleurs l’évolution de la royauté vers une monarchie constitutionnelle, la réforme de l’administration (makhzen) et une plus grande ouverture du champ politique.
Voici le texte officiel du décret royal (Verbatim)
DAHIR ROYAL PORTANT CREATION DU CONSEIL NATIONAL DES DROITS DE L'HOMME
Le nouveau Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH), devant se substituer au Conseil Consultatif des Droits de l'Homme et dont l’annonce a été faite le 3 mars 2011, par le Roi Mohammed VI, se distingue par les mécanismes régionaux de défense et de protection des droits de l’Homme, qu’il adopte tant dans son organisation que dans l’exercice de ses compétences.
Il vise à consolider l’indépendance de l’organe en charge du monitoring de la situation des Droits de l’Homme dans le Royaume, en s’appuyant sur une composition pluraliste et rationalisée, à élargir ses prérogatives dans les domaines de la protection et de la promotion des droits de l’Homme et à renforcer son efficacité en conformité avec les standards internationaux en la matière, plus particulièrement les «principes de Paris».
La mission du nouvel organe consiste à surveiller et évaluer la situation des droits de l'Homme, procéder à une alerte précoce, et enrichir le débat y afférent. Pour mener à bien ses actions, le CNDH est habilité à entreprendre les démarches ci-après:
– Examiner toute situation d'atteinte ou d'allégation de violations de droits de l'Homme et mener des enquêtes à cet égard en s’appuyant sur des témoignages éventuels afin d’établir la réalité.
– Alerter prématurément sur toute situation de tension pouvant engendrer des atteintes aux droits de l'Homme.
– Contrôler les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires.
– Veiller à la conformité du règlement et de la législation en vigueur avec les traités internationaux relatifs aux droits de l'Homme et au droit international humanitaire.
– Contribuer au monitoring des échéances électorales.
– Servir d’interlocuteur avec les associations nationales, les organisations internationales non gouvernementales, ainsi qu'avec les organes onusiens.
La composition du CNDH, prend, quant à elle, en considération, le pluralisme, la compétence, le savoir-faire, ainsi que les représentativités féminine et régionale.
Le Conseil est appelé à présenter un rapport annuel à Sa majesté le Roi, sur l'état des droits de l'Homme, ainsi que le bilan et les perspectives d'action du Conseil. Sont également avisées de la teneur des rapports, les deux chambres du parlement lors d’une séance plénière.
Après leur soumission à la Haute Connaissance de Sa Majesté le Roi, les rapports, les avis, les recommandations et les propositions du Conseil sont publiés et diffusés à grande échelle (Bulletin Officiel)
La particularité du nouveau Conseil réside dans :
Primo, le renforcement de sa crédibilité (le système international des Droits de l'Homme et les "Principes de Paris" en tant que cadre référentiel), dans l’élargissement de ses attributions (auto saisine, conduite d'enquêtes en cas de violations des Droits de l'Homme, possibilité de visite des lieux de détention, immunité pour ses membres),
Secundo, la consolidation du lien avec la question nationale : institutionnalisation d'une protection de proximité à un niveau décisionnel adéquat et optimal, encouragement de l'établissement d'Observatoires Régionaux des Droits de l'Homme, une interaction plus effective avec les ONG nationales et internationales et une capacité d'intervention rapide en cas de circonstances particulières liées aux violations des droits de l'homme dans l'ensemble des régions du Royaume.
Tertio, le développement de la visibilité internationale (mise en place de relations institutionnelles et de partenariats avec des instances similaires et attribution du « Prix National des Droits de l'homme)