Une fortune découverte dans la résidence des Ben Ali à Sidi Bou Saïd, des milliards de dollars cachés en Suisse par les Moubarak, les dirigeants déchus vont devoir rendre des comptes.
Les Tunisiens effarés ont découvert que le couple présidentiel déchu disposait d’un trésor en cash de plusieurs millions d’euros, planqué dans des coffres-forts scellés dans les murs de sa résidence de Sidi Bou Saïd et dissimulés aux regards indiscrets par des portes de bibliothèques en trompe-l’œil.
La découverte a été faite par le magistrat Abdelfattah Ben Amor, président de la commission nationale chargée d’enquêter sur la corruption. Des pièces d’or et des bijoux de marque en or et pierres précieuses font partie de ce butin, dont la valeur est en cours d’évaluation. Il sera remis à la Banque centrale.
La provenance de ces sommes colossales, qui constituaient des fonds secrets à la disposition des Ben Ali pour rétribuer les services rendus, n’est pas connue. L’enquête devra la déterminer. Dans la commission rogatoire adressée par la justice tunisienne aux autorités saoudiennes pour demander l’extradition du président déchu, il est question, parmi les crimes qui lui sont imputés, de « blanchiment d’argent ». A Tunis, l’opposition parle aussi de détournement des fonds souscrits par les entreprises tunisiennes et étrangères et les résidents tunisiens à l’étranger, au profit de deux comptes spéciaux le « 26-26 » et le « 21-21 ». Le premier devait être consacré à l’éradication de la pauvreté dans ce que le jargon officiel appelait les « zones d’ombre ». Le second devait financer l’emploi des jeunes. Les souscriptions, en principe volontaires dans le cadre de la solidarité nationale, ont été rendues au fil des ans obligatoires sous la pression et les menaces de représailles administratives comme les contrôles fiscaux ou le refus de délivrance d’un passeport. Selon l’opposition, les réalisations vantées par l’ancien régime dans ces deux domaines n’étaient en fait que des « vitrines » à l’usage de la presse étrangère. Les chiffres sur le recul de la pauvreté livrés aux organisations internationales auraient été, par ailleurs, falsifiés. Depuis la fuite de Ben Ali, les journalistes tunisiens ne cessent de promener leur caméra dans l’arrière-fond du pays révélant l’extrême dénuement dans lequel vivent les laissés-pour-compte de la croissance, centrée essentiellement sur le développement des zones touristiques de la côte méditerranéenne.
Selon la presse tunisienne, la fortune du « clan » des Ben Ali s’élèverait à cinq milliards de dollars au moins, investis pour l’essentiel à l’étranger, notamment dans des biens immobiliers de prestige récemment acquis dans des quartiers résidentiels de Paris. L’Union européenne a décidé le gel des avoirs des Ben Ali, en attendant qu’une enquête détermine l’origine des fonds, dont la Tunisie demande la restitution au Trésor public.
En Egypte, la fortune amassée par les Moubarak en trente ans de pouvoir tournerait entre 40 et 70 milliards de dollars, selon une première évaluation effectuée par une ONG américaine. Elle proviendrait des commissions prélevées sur les investissements étrangers en Egypte, la cession de terrains militaires à des particuliers et la concession de monopoles d’importation sur les produits de base à des affidés. Il en est ainsi du fer à béton, concédé à un ancien député et dirigeant du parti au pouvoir, Ahmed Izz.
L’Union Européenne et les Etats-Unis ont annoncé qu’ils avaient pris les mesures nécessaires pour que les avoirs cachés sur leur territoire soient gelés, en attendant le résultat des enquêtes.
Pour sa part, la Suisse a indiqué qu’elle avait repéré des « dizaines de millions » de francs suisses pouvant faire partie des avoirs du président déchu et de son entourage – soit douze personnes au total, selon les autorités. Il s’agit de Hosni Moubarak et sa proche famille, ainsi que quatre anciens ministres et un ancien secrétaire général du parti au pouvoir. La justice doit déterminer s'ils sont légitimes ou non. L’Egypte a adressé à la Suisse une commission rogatoire à ce sujet. « Si elle satisfait les conditions formelles, elle sera transférée à une autorité administrative cantonale ou judiciaire, qui se chargera de la mettre à exécution", a répondu Berne.
Depuis son retrait du pouvoir, Hosni Moubarak se trouve dans une résidence officielle à Sharm el-Cheikh, la Riviera égyptienne au bord de la Mer Rouge. L’ancien confident de Nasser et PDG du quotidien gouvernemental Al Ahram, Mohammed Hassneine Heykal, a estimé dans un entretien samedi à la télévision publique égyptienne, qu’il faudrait le déménager de cette résidence discrète, où il continue à recevoir quotidiennement, selon lui, de nombreux coups de téléphone. Il laissait clairement entendre qu'il pourrait profiter de cette relative liberté de mouvement pour rameuter ses soutiens extérieurs et les faire intervenir à son profit. Les jeunes révoltés de la Place Tahrir demandent qu’il soit jugé, ainsi que les membres de son « clan ».