À 89 ans et après trente-trois ans de pouvoir ininterrompu, Robert Mugabe rempile avec 61 % des voix et les deux tiers de l’Assemblée nationale. Cette victoire a littéralement laminé l’opposition du premier ministre du gouvernement de coalition, Morgan Tsvangirai, et de son parti, le Mouvement pour un changement démocratique (MDC). C’est donc en président fraîchement réélu pour un 7e mandat, et avant même d’avoir prêté serment, que le vieux président dictateur s’est rendu au sommet de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), à Lilongwe, au Malawi.
Le même mot d’ordre semble avoir été partagé par les Africains, la Chine et la Russie : éviter à tout prix les violences que le pays avait connues lors du scrutin de 2008, sortir le Zimbabwe de la crise et mettre fin au gouvernement de coalition, permettre au pays de revenir dans le giron de la communauté internationale en levant les sanctions occidentales. De leur côté, les Occidentaux se sont contentés de mettre en question mollement et de façon éphémère la crédibilité du scrutin. Tout le monde veut en finir avec cette situation, et tout le monde a compris que, pour l’instant, Robert Mugabe est incontournable, à moins de le chasser du pouvoir par la force.
L’engagement de la mission d’observation de la SADC, qui a immédiatement qualifié les élections de « libres » et « pacifiques », de rendre son rapport sur la régularité du scrutin courant septembre, ne changera certainement pas la donne. Seul le Botswana a eu le courage de contester l’honnêteté du processus électoral à partir des observations faites par ses quatre-vingts représentants au sein de la mission de la SADC. Mais leurs conclusions sont restées lettre morte. Tout comme sera sans doute classée sans suite la demande d’audit exprimée par le président du Botswana, Ian Khama, auprès de ses pairs d’Afrique australe.
À Lilongwe, la présidente du Malawi, Joyce Banda, a félicité Robert Mugabe pour avoir « conduit des élections pacifiques ». « Nous souhaitons vous offrir un soutien prolongé comme membre de notre famille », a-t-elle ajouté en s’adressant au président zimbabwéen, sous les applaudissements des participants. Même son de cloche du côté de l’Union africaine qui a immédiatement qualifié le scrutin de « libre et crédible ». « Pacifique, libre, crédible », telles étaient les exigences de l’Union européenne, la Grande-Bretagne et Washington pour lever complètement les sanctions imposées à Mugabe et son entourage familial, politique et « économique », après les élections de 2002. « Je crois que les Zimbabwéens ont suffisamment souffert », a encore déclaré Joyce Banda.
En mars dernier, l’Union européenne (UE) avait effacé les sanctions pour dix entreprises et quatre-vingt-onze « alliés » de Mugabe, qui avait qualifié cette décision de « non-événement ». Le geste de l’UE sanctionnait le déroulement « pacifique et crédible » du référendum constitutionnel. « Nous n’attendons pas le retrait partiel de noms sur la liste. Nous attendons la levée totale et non équivoque de sanctions qui, dès le début, n’étaient pas justifiées, » avait déclaré Rugare Gumbo, porte-parole du parti de Mugabe, le Zanu-PF.
Fort de ce soutien qu’il a finalement lui-même imposé par la violence verbale et le chantage au chaos, Robert Mugabe n’a pas attendu pour annoncer la suite. Son parti, a-t-il déclaré, « a reçu de façon écrasante un mandat des électeurs » pour achever le programme radical de black empowerment (pouvoir économique des « Noirs ») « jusqu’à sa conclusion finale », promettant une « émancipation économique totale » par la prospérité et l’emploi. Un programme qui avait provoqué la colère des Occidentaux, une colère qui, aujourd’hui comme hier, n’a aucune prise sur le vieux président. « L’ennemi, c’est celui qui est derrière Tsvangirai, ce sont les Britanniques et leurs alliés, ce sont eux que nous avons mis à terre. Alors que toute l’Afrique nous félicite, ils disent que ces élections n’étaient pas libres. Et d’où est-ce qu’ils nous parlent ? De Londres, de Washington et d’Ottawa ? », déclarait-il une semaine après le scrutin. Jusqu’où ira-t-il ?