La nomination de militaires dans le nouveau gouvernement zimbabwéen a confirmé le vrai visage de l’opération « Restore Legacy » menée par l’armée, qui a conduit à la démission de Robert Mugabe.
L’opposition, et particulièrement le MDC de Morgan Tsvangirai, avait réclamé un changement démocratique et un gouvernement provisoire d’union nationale. Il n’en est rien, Emmerson Mnangabwa, l’homme de l’Armée, en a fait la démonstration en annonçant la composition de son gouvernement formé de militaires, de vétérans et de membres de la Zanu-PF de Robert Mugabe. Le nouveau gouvernement inclut, notamment, des personnalités contestées comme Obert Mpofu, un richissime vétéran de la Zanu-PF, ou encore, Patrick Chinamasa, un ex-ministre des Finances qui n’a pas caché ses sentiments anti-opposition pendant la semaine tumultueuse qui a précédé le départ de Robert Mugabe.
Pour Tendai Biti, ancien ministre des Finances du gouvernement d’Union en 2008, dissident du MDC-T et fondateur du People Democratic Party, c’est une « trahison ». « Nous avons, aujourd’hui, à faire à une junte », a-t-il déclaré. Nous avons maintenant la réponse à la question de savoir si le coup visait à donner une chance au Zimbabwe ou à protéger les intérêts privés de certains individus et au parti au pouvoir ». Il a appelé les Zimbabwéens à « se regrouper et à se battre pour une autorité politique normale élue ».
Suite à l’annonce du nouveau gouvernement par le président Emmerson Mnangagwa, Kurauone Chihwayi, le porte parole du MDC-T de Morgan Tsvangirai, principal parti d’opposition, a également, exprimé la position de son parti : « L’annonce du nouveau vieux gouvernement par le nouveau vieux président Emmerson Mnangagwa a confirmé l’affirmation du MDC selon laquelle les belles paroles ne valent rien », a-t-il déclaré. « Les grandes promesses de réforme faites par Mnangagwa s’avèrent n’être qu’une coquille vide. En tant que Zimbabwéens, nous nous souvenons douloureusement, une nouvelle fois, qu’un léopard ne change jamais de peau. La Zanu-PF sera toujours la Zanu-PF. Comme il en a été de la Zanu-PF de Mugabe. »
Aucune rupture avec « le système de décisions injustifiées, de pillages et d’auto-enrichissement de Robert Mugabe », a-t-il encore noté. « Il est clair que le principe « job pour les copains » est profondément ancré dans l’ADN de la Zanu-PF, comme le montre le recyclage de bois mort dans le nouveau gouvernement ».
Plus inquiétant encore, selon le MDC-T, le fait que « les têtes pensantes du coup militaire contre Mugabe et son G40 ont simplement remplacé leurs treillis par des vêtements civils et les ont gardés ». La nomination de militaires dans le gouvernement, insiste-t-il, montre que « l’administration de Mnangagwa est, en fait, une junte militaire, ce que nous avons toujours craint. Ainsi, nous passons de la cabale du G40 à une junte militaire. »
Le MDC-T condamne, également, le sexisme du nouveau gouvernement avec une représentation des femmes « quasi nulle », et la totale absence de jeunes Zimbabwéens. « La nomination de seulement trois femmes dans un gouvernement de 21 ministres n’est rien d’autre qu’une insulte à l’avancée de l’égalité des femmes et de leur émancipation. Le chauvinisme affiché par le nouveau président à cet égard n’est pas différent de celui de l’ex-président dont le cabinet était scandaleusement sexiste. »
Le MDC demande des réponses à Emmerson Mnangagwa sur la raison pour laquelle la constitution nationale continue d’être si honteusement violée, notamment les dispositions concernant la décentralisation, avec la nomination de ministres provinciaux d’État, contrairement à la loi de décentralisation selon laquelle les élections de 2013 ont permis l’élection de gouvernements provinciaux décentralisés. « Cette violation délibérée et flagrante de la Constitution nationale montre le mépris total de la Zanu-PF pour la Constitution. » Le MDC-T dénonce, également, la nomination de huit ministres qui ne sont pas membres du Parlement, contrairement à la Constitution qui prévoit un maximum de cinq.
Enfin, le MDC-T réitère son appel aux citoyens du Zimbabwe à s’enregistrer massivement « pour que lors des prochaines élections, l’année prochaine, tout le système Zanu-PF soit mis à la porte et une fois pour toute. »
Sur le plan international, l’annonce de ce gouvernement aura, sans aucun doute, également, déçu ceux qui avaient espéré des réformes démocratiques au Zimbabwe, particulièrement la Grande-Bretagne. Elle risque, également, de compliquer les négociations sur l’aide financière massive dont le Zimbabwe a un besoin plus qu’urgent.