Dans un contexte de tension croissante entre les deux puissances mondiales, les Russes (et leurs alliés Chinois à cette occasion) et les Américains se livrent, en ce début d’automne, à des « wargames grandeur nature » avec surenchère. Les grandes manoeuvres, « Vostok 2018 » du 11 au 17 septembre, et « Trident Juncture 2018 » sous l’égide de l’OTAN, fin octobre, sont, ainsi, qualifiées de « plus importantes manoeuvres militaires dans l’histoire de l’armée russe », pour la première, et de « plus grands exercices militaires depuis la Guerre froide » pour la seconde.
L’objectif de Vostok 18 était, officiellement, de tester la capacité de l’armée russe à se déplacer rapidement et à déployer de larges forces sur de longues distances tout en coordonnant les différentes branches de l’armée. Y étaient invités des observateurs de 57 pays, de l’OTAN et de l’Union européenne. Moscou avait averti l’OTAN de la date et de la durée de l’exercice dès le moi de mai. C’est là, sans doute, la raison qui explique pourquoi Vostok-2018 a échappé aux habituelles protestations du bloc militaire occidental comme le fut, notamment Zapad-2017 considéré comme un « acte d’agression et une ruse possible pour lancer une invasion des pays baltes ». Ce que Moscou avait, d’ailleurs, fortement démenti, l’Histoire lui ayant donné raison.
Vostok 2018, exercice auquel a, également, participé la Chine, s’est déroulé sur le polygones des districts militaires Est et Centre (entre la Sibérie et l’Océan pacifique) et a impliqué, pour la Russie, 300 000 soldats et officiers, alors que ZAPAD-2017 en comptait 13000, le maximum étant Vostok-2014 avec 155000 hommes. Y participaient, également dix mille avions, hélicoptères et drones, 36000 tanks et 80 navires de guerre. Du côté chinois, 3200 soldats, 900 équipements terrestres divers et 30 avions étaient présents sur le terrain. Attaque et défense aérienne, tirs de missiles de croisière, attaques navales, débarquements amphibies, franchissement de rivières par des unités lourdes, tels étaient quelques un des exercices au menu permettant, également, de tester les nouvelles armes et équipements.
Dans un contexte où la Russie est de plus en plus encerclée par les forces de l’OTAN et alors qu’elle défend l’idée d’un monde multipolaire, face à l’unipolarisme de Donald Trump, il s’agissait pour Moscou, au-delà de l’objectif officiel technique, d’envoyer un message aux puissances occidentales en montrant d’une part, qu’elle avait un allié de poids, d’autre part qu’elle était prête à se défendre en cas d’agression.
Entretenant l’idée d’une Russie agressive, prête à envahir l’Europe, alliée du mal absolu, l’Iran, etc…, image largement entretenue par la grande presse internationale, les États-Unis et l’OTAN continuent de mettre la pression sur son grand voisin slave et ont, depuis la crise ukrainienne, considérablement augmenté leurs activité à proximité des frontières russes, en Pologne, notamment. Du 25 octobre au 7 novembre, les grandes manoeuvres « Trident Juncture 2018 » de l’OTAN dans le nord de l’Europe, à la frontière avec la Russie, ont pour objectif de simuler la défense d’un État européen attaqué par « un agresseur fictif ». L’exercice se déroulera en Norvège, Finlande et Suède. L’ « agresseur », il n’est pas difficile de le deviner, étant la Russie, avec un objectif non avoué, la course au contrôle de la très stratégique région arctique. Ces manoeuvres sont décrites par le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, comme « défensives et transparentes, tous les membres de l’Organisation de sécurité et de la coopération en Europe (OSCE) y compris la Russie, y ont été invités.
« Trident Juncture 2018 » engagera 45000 soldats de plus de 30 pays, 70 navires, 50 avions, 10 000 véhicules de terrain. L’exercice basé sur un scénario de type « défense collective » sera dirigé par l’amiral James G.Foggo, Commandant des forces interarmées de Naples. Il sera hébergé par la Norvège, pays membre de l’OTAN, la Suède et la Finlande étant des pays partenaires. « L’OTAN est une alliance défensive. Nous ne cherchons pas l’affrontement, mais nous sommes attachés à la défense et à la dissuasion. C’est là tout le propos de l’exercice : nous entraîner à la défense et produire un effet dissuasif pour être prêts à réagir à tout moment aux menaces, d’où qu’elles viennent » a expliqué l’amiral Foggo à la presse internationale. Sans doute a-t-il oublié, que l’OTAN est intervenue, en 1998-1999, contre l’armée yougoslave, aux côtés de l’ « Armée de libération du Kosovo », le Kosovo étant alors une province de la République fédérale de Yougoslavie. Il a sans doute oublié, aussi, que l’aviation de l’OTAN, sous les ordres des États-Unis, a bombardé la Serbie, à partir du 24 mars 1999 et ce, pendant 78 jours, plus de 2000 civils serbes, détruit les infrastructures civiles, en violation de tous les traités internationaux et de la Charte des Nations Unies. On pourrait également, lui rappeler le bombardement de la Libye….
« En raison de son envergure, cet exercice sera pour la Norvège, pays hôte, une excellente occasion de s’entraîner concrètement à recevoir des renforts alliés considérables et à assurer leur soutien. Et l’OTAN pourra mettre à l’épreuve ses plans de renforcement concernant la Norvège », a expliqué l’amiral. « En un mot, cela améliorera notre capacité commune à faire face à une crise, si l’on devait un jour en arriver là », a-t-il ajouté. L’objectif des Américains et de l’OTAN est clair, il faut se préparer à une invasion de la Norvège, sinon de l’Europe par la Russie !
Avec ces deux grandes manoeuvres, on assiste, sans aucun doute, à une escalade de la démonstration de force des deux grandes puissances. Jusqu’où iront-elles ? Le mot « Paix » existe, pourtant, dans toutes les langues de la planète.
Par Christine Abdelkrim-Delanne