La plus grande marche de Nazis a eu lieu, la semaine dernière en Ukraine. Cependant, les media occidentaux et leurs nombreux correspondants à Kiev ont complétement ignoré l’événement, y compris sur les réseaux sociaux. Un exemple clair du parti pris des media, comme on l’a rarement rencontré.
Le samedi 14 octobre, dans la soirée, plus de 20 000 radicaux d’extrême droite ont célébré le 75ème anniversaire de l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (AIU) – un groupe paramilitaire dirigé par Stepan Bandera, qui a activement collaboré avec l’Allemagne d’Hitler. Les manifestants brandissaient des torches et des fusées éclairantes en chantant des slogans fascistes. Certains faisaient ouvertement le salut nazi.
Dans le cortège, on pouvait voir Oleg Tyahnybok, un associé des sénateurs américains John McCain et Chris Murphy, qui a appelé à faire plus pour arrêter les « activités criminelles » de la « juiverie organisée ». Il a, également, exigé que soit indiqué l’origine ethnique sur le passeport des citoyens ukrainiens.
Plus tôt dans la journée, le président ukrainien Petro Poroshenko a déclaré que l’action des combattants de l’AIU resterait toujours une « inspiration » et un exemple pour les générations futures. Des actions qui ont mené au massacre de dizaines de milliers de Juifs et de Polonais à Volhynia et dans la Galice orientale de 1943 à 1944.
Nous avons, donc, un rassemblement majeur de Nazis dans une capitale européenne et les seules sources en anglais qui apparaissent dans une recherche sur Google viennent des sites RT (Russian Today), Sputnik, La Nation et un « reportage » mou de sept phrases par la radio américaine RFE/RL (Radio Free Europe, branche de Radio Freedom, propriété du Congrès américain, utilisée depuis la guerre froide par la CIA pour sa propagane – NDT), qui les décrit gentiment comme des « nationalistes ». Ce qui signifie que, parmi les habituels suspects qui font la Une avec n’importe quelle petite manifestation en Russie, CNN, le Guardian, le New York Times, le Washington Post ou la BBC, n’ont rien rapporté.*
Nous connaissons tous, désormais, le discours des grands medias. L’Ukraine ne peut pratiquement rien faire de mal, la Russie ne peut rien faire de bien. Cependant, en réalité, les deux pays sont remarquablement similaires, culturellement, politiquement, linguistiquement, et socialement. Et ce n’est pas vraiment une surprise, vu que les deux ont formé les deux parties les plus peuplées d’un État pendant plus de soixante-dix ans, et qu’ils ont des liens historiques qui remontent au 19ème siècle.
Cependant, il y a quelques différences fondamentales, aujourd’hui. L’Ukraine a sporadiquement connu une évolution pro-occidentale depuis le tournant du siècle, tandis que la Russie a préféré se positionner comme une puissance eurasienne indépendante. Et en même temps, il y a, aussi, une disparité économique énorme, avec un PNB/hab. en Russie une fois et demi plus élevé par rapport à l’Ukraine.
Il existe une autre différence entre les deux pays. C’est leur rapport à la Seconde guerre mondiale. Moscou se considère comme l’héritière de la victorieuse Armée soviétique, Kiev, qui cherche une justification historique à l’indépendance, veut se faire passer pour la victime de l’URSS. Et ce, malgré le fait que nombre d’Ukrainiens – comme Leonid Brejnev, Konstantin Chernenko, Léon Trotsky et Grigory Zinoviev – ont joué un rôle prééminent dans l’ancienne superpuissance.
Aujourd’hui, Kiev balaye ces données de son histoire et préfère, à la place, célébrer ceux qui se sont associés avec la résistance anti-soviétique pendant la Seconde guerre mondiale. Le problème étant que la plupart de ces personnalités étaient des collaborateurs nazis, complices de multiples atrocités dans cette période.
Et c’est pourquoi, nous avons eu cette marche au flambeau samedi soir. Une tentative d’affirmer la place du gang de Bandera comme pères fondateurs de la nation ukrainienne moderne. Ce qui a été encouragé par la décision du régime post-Maidan, le 14 octobre, de faire du jour anniversaire de l’AIU, une fête publique officielle intitulée « le jour du défenseur de l’Ukraine ».
Il y a de nombreux correspondants de presse occidentaux à Kiev. Christopher Miller, de RFE/RL, dont la présence à Maidan lui a gagné un nombre substantiel d’habitués des medias sociaux, est, sans doute le plus connu. Samedi, Miller n’a fait aucune référence à la marche des Nazis sur son compte Twitter, préférant poster des photos des Carpates. Cependant, dans le passé, il a tweeté massivement sur des manifestations moindres organisées par Alexei Navalny, dans les lointaines Moscou et Saint-Pétersbourg.
Matthew Kupfer, chef de Hromadske à Kiev, un réseau TV créé par l’ambassade américaine et la Commission européenne, n’a pas, non plus, réussi à écrire une ligne. Mais, encore une fois, il a couvert largement les oeuvres de Navalny en Russie. En même temps, pour être juste avec Ian Bateson qui écrit d’Ukraine pour le New York Times et le Guardian, il a bien, au moins, mentionné l’événement, sinon ses intentions, mais, une nouvelle fois, sans l’enthousiasme qu’il a mis dans ses tweets sur les rassemblements de l’opposition en Russie.
Comme je l’ai mentionné, les grands groupes médiatiques, avec des bureaux et des correspondants partout dans l’ex-URSS, n’ont pas trouvé intéressant de parler d’une parade nazie de plus de 20 000 personnes avec des symboles fascistes et le salut hitlérien au vu de tous. De plus, lorsque des statues sont érigées en l’honneur d’Ukrainiens qui ont assassiné des Juifs, ces ordures ne semblent pas valoir un battement de cil.
Prenez la BBC, par exemple. Le groupe britannique public a un service dédié à l’Ukraine et emploie des dizaines de journalistes à Kiev, dont nombre d’entre eux sont actifs, également, dans les media sociaux en langue anglaise. Malgré cela, la BBC n’a pas couvert la manifestation nazie. Et l’événement s’est produit au moment-même où le gouvernement britannique sollicitait la firme M&C Saaatchi pour un projet du Foreign Office, visant à « réhabiliter » l’Ukraine. Si, maintenant, quelqu’un pense que les deux ne sont pas liés, je peux l’aider !
Cependant, si Navalny brasse de l’air à Moscou, la BBC est là pour le raconter. En fait, son ancien correspondant à Moscou a, un jour, comparé de façon grotesque, le nationaliste russe à Nelson Mandela !
Tel est le double standard appliqué par les journalistes occidentaux sur la question Russie/Ukraine. Ils bafouent l’équilibre journalistique et le respect des règles. Ce mois-ci, les manifestations à Moscou ont rassemblé environ 700 personnes (ces journalistes ayant travaillé sur un grand nombre d’entre elles) et ont retenu une énorme attention de la part des grands medias, alors que la marche nazie de Kiev était complétement ignorée par les mêmes.
L’Ukraine a un problème d’extrême droite, mais elle a, aussi un problème de medias occidentaux. Car si des écrivaillons venus des pays de l’OTAN pensent qu’ils aident l’Ukraine en fermant les yeux sur ce cancer, ils se trompent gravement.
*En France, seuls les sites suivants ont relaté la manifestation de Kief :
reseauinternational.net/
https://infosdanyfr.wordpress.com
Source : https://www.rt.com/op-edge/406991-western-media-ukraine
Par Bryan Mac Donald
Journaliste irlandais basé en Russie
Traduction : Christine Abdelkrim-Delanne