La politique du gouvernement américain concernant les rebelles financés par l’étranger en Syrie est étonnamment contradictoire.
Dans une de ses récentes éditions, le New York Times, publie deux articles : dans le premier, il raconte que « des militants syriens ont dit qu’ils recrutaient sur place des Américains pour les envoyer agir ensuite aux États-Unis ». Dans le second, des personnalités déclarent que les États-Unis envisagent de reprendre la livraison de l’aide non létale à l’opposition syrienne, même si cette aide finit chez les mêmes islamistes qui transforment des citoyens américains en terroristes potentiels.
Ces responsables ont insisté sur le fait qu’une aide ne serait directement livrée au Front islamique, le parapluie d’une dizaine de groupes rebelles qui veulent la création d’un État islamique intégriste en Syrie. L’aide continuerait de passer exclusivement par le Conseil militaire suprême, l’aile militaire de l’opposition modérée laïque syrienne. Cependant, comme le souligne aussi un autre responsable américain « Il faut prendre en considération la question de l’interaction du Front islamique et du SMC sur le terrain, on ne peut pas dire à 100% que cela ne finira pas dans les mains du Front islamique ».
Les États-Unis, bien sûr, continuent toujours de fournir des armes et un entrainement à certains groupes. La discussion sur « l’aide » ne concerne que la partie « civile » (qui inclut des armes) que le département d’États approvisionne. Ce que la CIA et le Pentagone fournissent ne fait pas partie de la discussion. C’est ce que l’article laisse entendre lorsqu’il parle du raid des groupes jihadistes sur les entrepôts américains confiés à l’ASL: « L’Administration a eu beaucoup de mal à savoir ce qui s’est précisément passé à l’aube du 7 décembre, lorsque le Front islamique a pris le contrôle des entrepôts d’Atmeh, dans le nord de la Syrie, où était stockée l’aide américaine, dont des rations de nourriture, des kits médicaux et des véhicules (…) M. Ford a expliqué que le Front islamique avait rendu les entrepôts et leur contenu, à l’exception d’armes légères et de munitions » dit l’article.
L’article mentionne aussi que le Front islamique et d’autres groupes de l’ASL coopèrent avec al-Nusra, allié d’al-Qaïda. « Selon les analystes, le risque n’est pas que l’aide américaine finisse dans les mains de l’ISIL (l’État islamique d’Irak et du Levant ), mais dans celles du Front Nusra, un autre groupe rebelle puissant que les États-Unis pensent lié à al-Qaïda, mais que de nombreux rebelles considèrent comme combattant réellement Assad. Le Front Nusra ne fait pas partie du Front islamique, mais il a des liens étroits avec des groupes de la mouvance du Front islamique ».
C’est ce même Front Nusra qui est accusé d’entraîner des citoyens américains à devenir des terroristes. Toujours selon le NYT : « Les groupes extrémistes islamiques en Syrie qui ont des liens avec al-Qaïda, essaient d’identifier, de recruter et d’entraîner des Américains et autres occidentaux qui partent là-bas, pour lancer des attaques contre leurs pays lorsqu’ils rentreront chez eux, selon un responsable des services de renseignements américains et des responsables du contreterrorisme (…). Eric G. Harroun, un ancien soldat de Phoenix, a été inculpé par un Grand Jury de Virginie, l’année dernière, accusé d’avoir combattu avec le Front Nusra, l’un des groupes d’opposition syrienne liés à al-Qaïda. En septembre, il a plaidé coupable pour une accusation moins grave impliquant l’organisation d’envoi de matériel de défense et relâché sous caution. »
Ce que l’administration Obama prévoit et annonce comme tel dans le NYT, c’est exactement ce pour quoi Harroun a plaidé coupable. Fournir des matériels et des services militaires aux rebelles syriens en sachant très bien qu’il est très probable qu’ils finiront dans les mains du Front Nusra et autres groupes jihadistes. Et en sachant très bien qu’ils seront utilisés pour entrainer des citoyens américains pour commettre des actes terroristes aux États-Unis.
On peut attribuer une telle politique à des courants divergents au sein de l’administration Obama. Mais les deux articles côte à côte dans le NYT ressemblent plutôt à un gros doigt puant brandi au nez du peuple américain. « Vous feriez mieux d’avoir peur de ces terroristes, mais regardez comment nous allons en créer encore plus ! ». Que pense le peuple de ça ?
Source : Moon of Alabama (10 janvier 2014)
https://www.moonofalabama.org/
Titre original : U.S., Fearing Terrorists, Provides Them With Weapons