Dans une analyse diffusée en décembre dernier, signée par Scott Stewart, l’agence américaine privée de renseignement Stratfor, dont la pertinence des rapports est reconnue depuis la guerre du Kosovo, fait une comparaison entre la situation de la Syrie et celle de la Libye avant le renversement de Kadhafi, du point de vue de l’intervention extérieure.
Il existe des similarités, explique Scott Stewart, comme l’arrivée au pouvoir des deux régimes par un coup d’État ou leur caractère anti-démocratique et sectaire. Cependant, la situation est relativement différente, également. La fracture qui divise la société syrienne n’est pas aussi régionale qu’en Libye. Il n’existe pas de zone comme celle de Benghazi en Syrie d’où l’opposition peut dominer et contrôler le territoire et qui puisse être utilisée comme base de prise du pouvoir. En Syrie, les manifestations ont explosé dans tout le pays et l’Armée syrienne libre (FSA) affirme être présente dans différentes parties du territoire. En outre, la Syrie n’a pas connu le large mouvement de défections au sein des forces armées qu’a connu la Libye à Benghazi et dans l’est du pays. L’armée syrienne est restée « plus unie et intacte ». Ensuite, explique Scott Stewart, la Syrie ne possède pas de pétrole. Ce qui expliquerait le peu d’enthousiasme des Européens, en premier lieu la France qui est la plus virulente contre la Syrie, à intervenir militairement. Le système de défense aérien syrien – bien supérieur à celui de la Libye – est sans doute dissuasif. Après la frappe aérienne israélienne sur le réacteur nucléaire syrien, en septembre 2007, la Syrie a dépensé quelque 264 millions de dollars pour sa défense aérienne en 2009 et 2010. Les pays voisins de la Syrie qui le voudraient, ne seraient pas capables d’une action militaire contre elle sans l’aide des États-Unis et de l’Otan.
Il existe d’autres moyens que les frappes aériennes ou l’invasion militaire pour faire céder le régime syrien, explique Scott Stewart. Par exemple l’entraînement par des mercenaires ou par la division des opérations spéciales de la CIA, plus facile à démentir qu’un entraînement par les Forces spéciales américaines. Monter des opérations clandestines de renseignements en développant les contacts avec les personnalités de l’opposition et en encourageant les généraux à faire un coup d’État ou à déserter l’armée. Travailler avec les groupes d’opposition et les ONG pour développer l’information sur les opérations militaires de l’opposition ou encore, effectuer des opérations plus secrètes encore comme des assassinats ou des sabotages. Les mêmes actions peuvent être envisagées pour l’Iran.
Les opérations secrètes, explique Scott Stewart, sont souvent précédées ou accompagnées de pressions diplomatiques publiques, comme les communiqués de presse dénonçant le régime, la proposition de résolutions dans les structures internationales comme la Ligue arabe ou les Nations unies, et les sanctions économiques. Ces mesures publiques peuvent aussi s’accompagner de rencontre avec les dirigeants de l’opposition dans un pays tiers, comme lorsqu’Hillary Clinton a rencontré l’opposition syrienne le 6 décembre, à Genève.
L’étape suivante consiste à renforcer les relations avec l’opposition et à commencer à leur fournir des renseignements, un entraînement et des conseils. En Libye, cela s’est passé relativement tôt. Des agents de renseignements étrangers et des unités d’opérations spéciales sont allés à Bengazi, puis dans les montagnes de Nafusa pour informer l’opposition sur l’état des forces de Kadhafi et commencer l’entraînement des milices combattantes. En Syrie, le manque d’unité de l’opposition oblige les gouvernements extérieurs à entraîner les combattants de l’opposition dans un pays tiers. Ainsi, des membres de la FSA sont actuellement entraînés en Turquie. Puis, il faut, également, apporter à l’opposition un soutien financier et autres soutiens comme le ravitaillement, les uniformes, les équipements de communication, l’assistance médicale, voire l’armement.
Pour ce qui concerne l’approvisionnement en armes, note Scott Stewart, un gouvernement extérieur essaiera généralement de fournir les forces d’opposition en armement venant de leur pays, afin de pouvoir nier toute assistance militaire. Ce fut le cas pour les Moudjahidines afghans approvisionnés en armes soviétiques utilisées à la fois par l’armée rouge et par le régime afghan communiste. Jusqu’à ce que les États-Unis les équipent de Stingers FIM-92, lances missiles personnels portables, ce dont ils furent immédiatement accusés. « Nous avons constaté la même situation en Libye, en mai, lorsque les rebelles ont commencé à utiliser des fusils belges FN-FAL. Alors que les rebelles avaient pillé de nombreux dépôts d’armes de Kadhafi remplis de Kalachnikovs soviétiques, l’apparition de fusils belges a démontré très clairement que les rebelles recevaient des armes de « sponsors » extérieurs. »
L’apparition de composants de bombes iraniens en Irak, en 2006-2007 est un autre exemple d’armes indiquant l’implication d’un gouvernement étranger. La fourniture d’armes par un pays tiers élimine la possibilité de nier son engagement dans le conflit. Révéler une main étrangère peut aussi avoir un effet psychologique sur les membres du régime en leur montrant qu’une puissance étrangère soutient l’opposition.
Enfin, dernières étapes de l’intervention étrangères, les frappes directes comme en Libye par la France et ses alliés ou l’invasion militaire comme en Irak par les États-Unis en 2003.
À partir de ce modèle d’observation et d’analyse, un observateur extérieur peut trouver des signes qui indiquent à quel niveau de soutien extérieur on en est, dans le cadre d’un conflit.
Les signes d’une campagne des services secrets peuvent inclure la défection d’officiers de poids, des tentatives de coup d’État, voire des fractures profondes au sein de l’armée. Ce fut le cas de la défection du chef libyen du renseignement et ministre des Affaires étrangères, Moussa Koussa, résultat des efforts de services secrets étrangers.
Les signes d’entraînement et de soutien peuvent se traduire par une efficacité accrue des FSA – si elles commencent soudainement à utiliser des nouvelles tactiques, à frapper de nouvelles cibles, ou à montrer une capacité à mieux coordonner les actions sur une zone géographique plus large, par exemple. Ou, encore, si elles commencent à effectuer des opérations militaires asymétriques sophistiquées, comme des embuscades coordonnées, ou des frappes rapide contre des cibles à haute valeur. Les formateurs étrangers aideront, aussi, les FSA à développer des réseaux dans la population locale permettant d’obtenir des informations et des approvisionnement, ainsi que des abris et des alertes.
Selon Scott, le soutien extérieur en matière d’entraînement et de renseignement devrait conduire à un impact stratégique supérieur des attaques par les groupes d’opposition armée, comme la FSA. Or, si l’opposition armée revendiquait, en décembre, plusieurs frappes contre des cibles telles que la Direction des services de renseignement de l’armée de l’air syrienne, « opération de propagande plus que stratégique », la FSA, aujourd’hui, revendique plus de 40 000 membres (dont une majorité de déserteurs de l’armée syrienne) – du soldat à l’officier supérieur – et 22 bataillons, et opère dans toute la Syrie, zones urbaines ou campagnes, équipée en armement lourd. À la mi-janvier, elle revendiquait, entre autres, la prise de la ville de Zabadani, à proximité de Damas. Ce qui, au passage, permet de dire, sans se tromper qu’on est plus proche de la tentative militaire de coup d’État que du soulèvement populaire.
La FSA devient plus « tactique et efficace », comme le constate Scott Stewart, ce qui confirme l’existence d’un soutien matériel extérieur, et les rumeurs d’entraînement des FSA par des instructeurs américains, turcs, français ou Jordaniens en Turquie. « En regardant les vidéos et les photos qui sortent de Syrie, nous cherchons constamment des preuves que la FSA possède ou un plus grand stock d’armes, ou les signes d’armes étrangères. Cela non seulement inclut une plus grande quantité d’armes, mais différents types d’armes, telles que les missiles guidés anti-chars, les mortiers, les mines, les systèmes portatifs de défense aérienne (type Stingers) et des explosifs. »
Peut-on imaginer une invasion militaire de la Syrie, comme ce fut le cas en Irak ? Selon Scott Stewart, comme en 2003 en Irak, toute invasion de la Syrie serait une « opération lourde » et il y aurait des signes précurseurs évidents. Cette éventualité n’est pas d’actualité. Mais il faut se concentrer sur des signes plus subtils de l’implication étrangère qui montreraient ce qui se passe à des niveaux inférieurs du continuum.
Il existe des similarités, explique Scott Stewart, comme l’arrivée au pouvoir des deux régimes par un coup d’État ou leur caractère anti-démocratique et sectaire. Cependant, la situation est relativement différente, également. La fracture qui divise la société syrienne n’est pas aussi régionale qu’en Libye. Il n’existe pas de zone comme celle de Benghazi en Syrie d’où l’opposition peut dominer et contrôler le territoire et qui puisse être utilisée comme base de prise du pouvoir. En Syrie, les manifestations ont explosé dans tout le pays et l’Armée syrienne libre (FSA) affirme être présente dans différentes parties du territoire. En outre, la Syrie n’a pas connu le large mouvement de défections au sein des forces armées qu’a connu la Libye à Benghazi et dans l’est du pays. L’armée syrienne est restée « plus unie et intacte ». Ensuite, explique Scott Stewart, la Syrie ne possède pas de pétrole. Ce qui expliquerait le peu d’enthousiasme des Européens, en premier lieu la France qui est la plus virulente contre la Syrie, à intervenir militairement. Le système de défense aérien syrien – bien supérieur à celui de la Libye – est sans doute dissuasif. Après la frappe aérienne israélienne sur le réacteur nucléaire syrien, en septembre 2007, la Syrie a dépensé quelque 264 millions de dollars pour sa défense aérienne en 2009 et 2010. Les pays voisins de la Syrie qui le voudraient, ne seraient pas capables d’une action militaire contre elle sans l’aide des États-Unis et de l’Otan.
Il existe d’autres moyens que les frappes aériennes ou l’invasion militaire pour faire céder le régime syrien, explique Scott Stewart. Par exemple l’entraînement par des mercenaires ou par la division des opérations spéciales de la CIA, plus facile à démentir qu’un entraînement par les Forces spéciales américaines. Monter des opérations clandestines de renseignements en développant les contacts avec les personnalités de l’opposition et en encourageant les généraux à faire un coup d’État ou à déserter l’armée. Travailler avec les groupes d’opposition et les ONG pour développer l’information sur les opérations militaires de l’opposition ou encore, effectuer des opérations plus secrètes encore comme des assassinats ou des sabotages. Les mêmes actions peuvent être envisagées pour l’Iran.
Les opérations secrètes, explique Scott Stewart, sont souvent précédées ou accompagnées de pressions diplomatiques publiques, comme les communiqués de presse dénonçant le régime, la proposition de résolutions dans les structures internationales comme la Ligue arabe ou les Nations unies, et les sanctions économiques. Ces mesures publiques peuvent aussi s’accompagner de rencontre avec les dirigeants de l’opposition dans un pays tiers, comme lorsqu’Hillary Clinton a rencontré l’opposition syrienne le 6 décembre, à Genève.
L’étape suivante consiste à renforcer les relations avec l’opposition et à commencer à leur fournir des renseignements, un entraînement et des conseils. En Libye, cela s’est passé relativement tôt. Des agents de renseignements étrangers et des unités d’opérations spéciales sont allés à Bengazi, puis dans les montagnes de Nafusa pour informer l’opposition sur l’état des forces de Kadhafi et commencer l’entraînement des milices combattantes. En Syrie, le manque d’unité de l’opposition oblige les gouvernements extérieurs à entraîner les combattants de l’opposition dans un pays tiers. Ainsi, des membres de la FSA sont actuellement entraînés en Turquie. Puis, il faut, également, apporter à l’opposition un soutien financier et autres soutiens comme le ravitaillement, les uniformes, les équipements de communication, l’assistance médicale, voire l’armement.
Pour ce qui concerne l’approvisionnement en armes, note Scott Stewart, un gouvernement extérieur essaiera généralement de fournir les forces d’opposition en armement venant de leur pays, afin de pouvoir nier toute assistance militaire. Ce fut le cas pour les Moudjahidines afghans approvisionnés en armes soviétiques utilisées à la fois par l’armée rouge et par le régime afghan communiste. Jusqu’à ce que les États-Unis les équipent de Stingers FIM-92, lances missiles personnels portables, ce dont ils furent immédiatement accusés. « Nous avons constaté la même situation en Libye, en mai, lorsque les rebelles ont commencé à utiliser des fusils belges FN-FAL. Alors que les rebelles avaient pillé de nombreux dépôts d’armes de Kadhafi remplis de Kalachnikovs soviétiques, l’apparition de fusils belges a démontré très clairement que les rebelles recevaient des armes de « sponsors » extérieurs. »
L’apparition de composants de bombes iraniens en Irak, en 2006-2007 est un autre exemple d’armes indiquant l’implication d’un gouvernement étranger. La fourniture d’armes par un pays tiers élimine la possibilité de nier son engagement dans le conflit. Révéler une main étrangère peut aussi avoir un effet psychologique sur les membres du régime en leur montrant qu’une puissance étrangère soutient l’opposition.
Enfin, dernières étapes de l’intervention étrangères, les frappes directes comme en Libye par la France et ses alliés ou l’invasion militaire comme en Irak par les États-Unis en 2003.
À partir de ce modèle d’observation et d’analyse, un observateur extérieur peut trouver des signes qui indiquent à quel niveau de soutien extérieur on en est, dans le cadre d’un conflit.
Les signes d’une campagne des services secrets peuvent inclure la défection d’officiers de poids, des tentatives de coup d’État, voire des fractures profondes au sein de l’armée. Ce fut le cas de la défection du chef libyen du renseignement et ministre des Affaires étrangères, Moussa Koussa, résultat des efforts de services secrets étrangers.
Les signes d’entraînement et de soutien peuvent se traduire par une efficacité accrue des FSA – si elles commencent soudainement à utiliser des nouvelles tactiques, à frapper de nouvelles cibles, ou à montrer une capacité à mieux coordonner les actions sur une zone géographique plus large, par exemple. Ou, encore, si elles commencent à effectuer des opérations militaires asymétriques sophistiquées, comme des embuscades coordonnées, ou des frappes rapide contre des cibles à haute valeur. Les formateurs étrangers aideront, aussi, les FSA à développer des réseaux dans la population locale permettant d’obtenir des informations et des approvisionnement, ainsi que des abris et des alertes.
Selon Scott, le soutien extérieur en matière d’entraînement et de renseignement devrait conduire à un impact stratégique supérieur des attaques par les groupes d’opposition armée, comme la FSA. Or, si l’opposition armée revendiquait, en décembre, plusieurs frappes contre des cibles telles que la Direction des services de renseignement de l’armée de l’air syrienne, « opération de propagande plus que stratégique », la FSA, aujourd’hui, revendique plus de 40 000 membres (dont une majorité de déserteurs de l’armée syrienne) – du soldat à l’officier supérieur – et 22 bataillons, et opère dans toute la Syrie, zones urbaines ou campagnes, équipée en armement lourd. À la mi-janvier, elle revendiquait, entre autres, la prise de la ville de Zabadani, à proximité de Damas. Ce qui, au passage, permet de dire, sans se tromper qu’on est plus proche de la tentative militaire de coup d’État que du soulèvement populaire.
La FSA devient plus « tactique et efficace », comme le constate Scott Stewart, ce qui confirme l’existence d’un soutien matériel extérieur, et les rumeurs d’entraînement des FSA par des instructeurs américains, turcs, français ou Jordaniens en Turquie. « En regardant les vidéos et les photos qui sortent de Syrie, nous cherchons constamment des preuves que la FSA possède ou un plus grand stock d’armes, ou les signes d’armes étrangères. Cela non seulement inclut une plus grande quantité d’armes, mais différents types d’armes, telles que les missiles guidés anti-chars, les mortiers, les mines, les systèmes portatifs de défense aérienne (type Stingers) et des explosifs. »
Peut-on imaginer une invasion militaire de la Syrie, comme ce fut le cas en Irak ? Selon Scott Stewart, comme en 2003 en Irak, toute invasion de la Syrie serait une « opération lourde » et il y aurait des signes précurseurs évidents. Cette éventualité n’est pas d’actualité. Mais il faut se concentrer sur des signes plus subtils de l’implication étrangère qui montreraient ce qui se passe à des niveaux inférieurs du continuum.
(Source Stratfor/Global Intelligence – www.stratfor.com )