La Brigade d’intervention de la Monusco (FIB) – la Mission des Nations unies en République démocratique du Congo – a gagné ses galons en 2013, en aidant l’armée congolaise à vaincre le groupe rebelle M23, soutenu par le Rwanda, dans l’est de la RDC. Elle est restée déployée depuis cette époque dans la région, en toute discrétion.
Ce sont quelque 3 000 soldats d’Afrique du Sud, de Tanzanie et du Malawi, dont le mandat plus « musclé » que celui de la Monusco permet de « neutraliser » tous les rebelles armés dans l’est de la RDC, qui forment l’essentiel de cette brigade. Sur le papier, ce sont les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), un groupe fondé par des Hutus rwandais ayant fui le pays après le génocide, à la fin des années 1990, qui constituent leur prochain objectif mais jusqu’à présent, rien ou presque n’a été entrepris.
Ce retard alimente les commentaires : aux yeux du président congolais Joseph Kabila – et à ceux des pays membres de la FIB – le véritable mandat de cette dernière serait plutôt de couper l’herbe sous le pied de Paul Kagame, le président rwandais, toujours prompt à intervenir hors de ses frontières et en particulier dans l’est de la RDC. Sauf que pendant que la FIB joue les épouvantails en ne servant, finalement, qu’à maintenir les soldats rwandais dans leurs casernes, des massacres épouvantables se déroulent, en toute impunité, dans le Kasaï.
Pourquoi ne pas utiliser la FIB, qui est dotée de matériel moderne et d’hommes expérimentés, dans le rétablissement de la paix au Kasaï ? Parce que les instructions des gouvernements mandataires sont, en tout premier lieu, d’éviter les pertes. Rien ne sera donc entrepris qui mette en péril la vie des soldats engagés dans la FIB…
D’autre part, ce sont les Forces armées de RDC, c’est-à-dire l’armée régulière, qui sont le plus souvent accusées d’avoir commis des massacres dans le Kasaï, et non des rebelles. Ce sont elles qui auraient assassiné Kamwina Nsapu, le chef traditionnel qui était à la tête du mouvement de protestation kasaïen. Le gouvernement congolais refuse d’ailleurs avec beaucoup de fermeté l’ouverture d’une enquête par le Haut-commissariat des Nations unies pour les droits de l’homme après la découverte de plusieurs charniers dans la région. Kinshasa préfère de loin la nomination d’une équipe d’enquêteurs locaux, plus facilement contrôlables, soutenu en cela par l’Afrique du Sud au motif – bien connu – de non-ingérence.
Le Conseil de sécurité doit malgré tout se prononcer sur l’extension du mandat de la FIB à la région du Kasaï. Il pourrait bien balayer toutes les objections politiques exprimées tant par la RDC que par l’Afrique du Sud pour de simples raisons d’image. En effet, la présence d’une force d’interposition aussi gigantesque et coûteuse que la Monusco, doublée d’une brigade d’intervention performante comme la FIB, les deux restant l’arme au pied dans l’est alors que des milliers de civils se font massacrer plus à l’ouest, c’est loin d’être bon pour les Nations unies.
La Monusco, qui fait régulièrement l’objet de critiques acerbes pour son inefficacité, a bien envoyé 3 000 soldats dans le Kasaï, mais il n’y avait parmi eux aucun élément de la FIB. Le général Derrick Mgwebi, le commandant en chef sud-africain de la Monusco, a une arme de pointe à sa disposition, mais il ne peut pas l’utiliser pour des raisons politiques qui lui échappent largement, alors que sur le terrain, il déplore l’incapacité de ses propres troupes à régler une situation dramatique. Et par-dessus le marché, on lui prédit une réduction drastique de ses effectifs pour des raisons budgétaire. Une illustration, s’il en fallait une, du décalage entre les décisions prises à Pretoria ou à New York et les réalités du terrain.
RDC : Massacres dans le Kasaï, la Monusco l’arme au pied
