Gasandji est née à Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo (RDC) et a séjourné pendant l’adolescence au Cameroun et au Gabon. Arrivée en France, elle a une expérience de danseuse et de chorégraphe et chante dans une chorale de gospel. Dans ses postures comme dans ses gestes ou ses chansons, l’expression ne fait pas dans le démonstratif. Elle suit plus naturellement la courbe des sentiments.
Dans son précédent Libéla, album autoproduit et distribué par Label Gass, les mélodies éthérées et les motifs plus chatoyants faisaient bon ménage. Mais la descente aux enfers de son peuple se poursuit, dans un pays où l’indice de développement humain est le plus bas de la planète, et Gasandji a mal. Aujourd’hui, sa souffrance s’allie à une solide détermination. Et sa complainte, d’une intensité contagieuse, est le fil conducteur de son deuxième album éponyme. Il gagne en cohérence et précise l’identité artistique de la jeune femme d’origine pende, une ethnie vivant à cheval sur des régions du Bandundu et du Kasaï.
« Quand j‘ai le retour de ma voix, je vois l’image d’une mère avec son enfant, nous raconte Gasandji. Elle le berce et, dans la tristesse profonde de ses mots, une note d’espoir s’insinue. C’est comme une lamentation. Elle vient de loin, du fin fond de mes tripes Le jazz n’est-il pas né de cette lamentation ? »
Gasandji observe dans la douleur les comportements des élites. Elles, les responsables principales, avec les parrains étrangers, du naufrage de tout un peuple. Pour réveiller la conscience de ce peuple cher, l’artiste, comme son nom l’indique (1), lui adresse une supplique, des mélopées tenues, néanmoins traversées par la force de ses convictions.
« Le titre de la cinquième pièce, “Telema”, signifie “Debout” en français dit-elle. La jeunesse qui arrive n’a pas droit de parole, mais il y a une prise de conscience. Il faut éradiquer l’ancienne génération et éduquer la nouvelle dans une autre veine, pour lui transmettre les vraies valeurs humaines. Le peuple congolais est moralement et physiquement opprimé depuis cinquante ans. Avec l’indépendance, la domination a tout simplement changé de forme et la soumission psychologique demeure la même. Mais dès qu’une porte s’ouvre, on s’engouffrera dedans, on ne courbera plus l’échine. »
L’esprit de révolte qui exsude des mots se sublime dans un chant qui ressemble à une prière pleine de ferveur. Mais, derrière, il y a la furie de l’ange qui attend la résurrection.
Dans son répertoire, tout se joue dans la délicatesse. Arrangements discrets autour de la voix, percussions trépidantes et arpèges de guitare pétris de lyrisme.
Son phrasé inspiré transforme le lingala, langue véhiculaire inventée à l’usage de l’armée, en un idiome aux tonalités douces et éclairées par la spiritualité. Écoutez la reprise de « Libéla » et « Na lingui yo », chants de l’âme apaisés comme la quiétude qui a suivi la tempête…
(1) Dans sa langue, Gasandji veut dire « celle qui éveille les consciences ».