« Cuba et les États-Unis peuvent coopérer et coexister, tout en respectant leurs différences et en œuvrant à la promotion de tout ce qui sera bénéfique pour nos deux pays et nos deux peuples… »
Dans son discours prononcé le 14 juillet dernier, Raul Castro s’est longuement exprimé sur la politique extérieure, notamment les relations de Cuba avec les États-Unis et sur le Venezuela.
« Le 16 juin dernier, le président des États-Unis, Donald Trump, a annoncé la politique de son gouvernement vis-à-vis de Cuba, une politique qui, soit dit en passant, n’a rien de novatrice, car il reprend un discours et des nuances du passé d’affrontement qui s’est soldé par un cuisant échec après 55 ans.
« Il est évident que le président n’a pas été bien informé sur l’Histoire de Cuba, sur les relations avec les États-Unis et sur le patriotisme des Cubains.
« L’Histoire ne saurait être oubliée, comme on nous l’a souvent suggéré de le faire. Durant plus de 200 ans, les liens entre Cuba et les États-Unis ont été marqués, d’une part, par les prétentions domination de notre voisin du Nord sur notre pays, et, d’autre part, par la détermination des cubains à être libres, indépendants et souverains.
« Tout le long du 20ème siècle, invoquant les doctrines et les politiques de la Destinée manifeste, Monroe et le Fruit mûr, différents gouvernants étasuniens ont tenté de s’approprier Cuba, et, malgré la lutte héroïque des mambises, ils y parvinrent en 1898 avec l’intervention trompeuse au terme de la guerre que les Cubains avaient livrée pendant 30 ans pour leur indépendance, et dans laquelle les troupes nord-américaines entrèrent comme alliés, avant de se transformer en occupants : ils pactisèrent avec l’Espagne dans le dos de Cuba, occupèrent militairement le pays durant quatre ans, démobilisèrent l’Armée de libération, procédèrent à la dissolution du Parti révolutionnaire cubain organisé, fondé et dirigé par José Marti, et imposèrent un amendement à la Constitution qui leur donnait le droit d’intervenir dans nos affaires intérieures et d’établir, entre autres, la Base navale à Guantanamo, qui aujourd’hui encore usurpe une partie du territoire national, et dont nous continueront de réclamer la restitution.
« Le statut néocolonial de Cuba, qui permit aux États-Unis d’exercer depuis 1899 une domination totale sur la vie économique et politique de l’Île, déçut mais n’enterra pas les espoirs de liberté du peuple cubain. Exactement 60 ans plus tard, le 1er janvier 1959, avec le triomphe de la Révolution cubaine conduite par le commandant en chef Fidel Castro, nous fûmes définitivement libres et indépendants.
« Depuis, l’objectif stratégique de la politique des États-Unis envers Cuba eut pour objectif de renverser la Révolution. À cet fin, pendant plus de 50 ans ils eurent recours aux méthodes les plus diverses : guerre économique, rupture des relations diplomatiques, invasion armée, attentats contre nos principaux dirigeants, sabotages, blocus naval, création et soutien des bandes armées, terrorisme d’État, subversion interne, blocus économique, politique et médiatique, et isolement international.
« Dix gouvernements se sont succédé au pouvoir jusqu’à ce que le président Barack Obama, dans son allocution du 17 décembre 2014, sans renoncer à son objectif stratégique, a eu la sagesse de reconnaître que l’isolement n’avait pas fonctionné et qu’il était temps d’adopter une nouvelle approche envers Cuba.
« Nul ne peut nier que les États-Unis, dans leur tentative d’isoler Cuba, se retrouvèrent eux-mêmes dans une situation d’isolement. La politique d’hostilité et de blocus contre notre pays s’était dressée comme un sérieux obstacle dans leurs relations avec l’Amérique latine et la Caraïbe, et faisait l’objet du rejet quasi-unanime de la communauté internationale ; cette politique s’était heurtée à une opposition majoritaire et croissante au sein de la société nord-américaine, y compris chez une bonne partie de l’émigration cubaine.
« Au 6ème Sommet des Amériques à Cartagena de Indias, en Colombie, en 2012, l’Équateur se refusa à y participer sans la présence de Cuba, et toutes les nations latino-américaines et caribéennes manifestèrent leur réprobation du blocus et de l’exclusion de Cuba à ces réunions. Plusieurs pays allèrent même jusqu’à avertir qu’il n’y aurait pas d’autre réunion sans Cuba. C’est ainsi que nous arrivons à avril 2015 – trois ans plus tard – au 7ème Sommet de Panama, où nous avons été invités pour la première fois.
« Sur la base du respect et de l’égalité, au cours des deux dernières années les relations diplomatiques ont été rétablies et des progrès ont été réalisés dans la solution de problèmes bilatéraux en suspens, ainsi qu’en matière de coopération dans des sujets d’intérêt et mutuellement avantageux ; l’application de certains aspects du blocus a été modifiée de manière limitée. Les deux pays ont jeté les bases pour avancer dans la construction d’une relation novatrice, prouvant ainsi qu’il était possible de coexister de manière civilisée, en dépit des profondes différentes existantes.
« Le président Obama a terminé son mandat et le blocus est toujours là, de même que la Base navale à Guantanamo et la politique de changement de régime.
« Les annonces de l’actuel président, le 16 juin dernier, représentent un recul dans les relations bilatérales. Tel est l’avis de nombreuses personnes et organisations aux États-Unis et dans le monde, dont l’écrasante majorité ont exprimé un rejet catégorique des changements annoncés. Notre jeunesse et les organisations étudiantes, les femmes, les ouvriers, les paysans, les comités de défense de la Révolution, les intellectuels et les organisations religieuses, au nom de l’immense majorité des citoyens de cette nation, se sont également prononcés dans ce sens.
« Le gouvernement des États-Unis a décidé de renforcer le blocus par le biais de l’imposition de nouvelles entraves à ses entreprises pour faire du commerce et investir à Cuba, de restrictions supplémentaires au voyages de ses citoyens dans notre pays, en justifiant ces mesures par une rhétorique dépassée et hostile, propre à la Guerre froide et se réfugiant derrière une soi-disant préoccupation sur l’exercice et la jouissance des droits humains et de la démocratie du peuple cubain.
« Les décisions du président Trump font fi du soutien de larges secteurs des États-Unis, y compris de la majorité de l’émigration cubaine qui se sont prononcés en faveur de la levée du blocus et de la normalisation des relations, et ne visent qu’à satisfaire les intérêts d’un groupe d’origine cubaine du sud de la Floride, de plus en plus isolé et minoritaire, qui persiste à porter préjudice à Cuba et à son peuple pour avoir choisi de défendre coûte que coûte son droit d’être libre, indépendant et souverain.
« Nous réitérons aujourd’hui la condamnation formulée par le Gouvernement révolutionnaire aux mesures visant à durcir le blocus, en réaffirmant que toute stratégie ayant pour but de détruire la Révolution, que ce soit à travers la coercition et les pressions, ou en recourant à des méthodes subtiles, est vouée à l’échec.
« De même, nous rejetons les manipulations de la question des droits de l’Homme contre Cuba, qui a tout lieu d’être fière des progrès accomplis et n’a à recevoir de leçons ni des États-Unis ni de personne (Applaudissements).
« Je tiens a réitérer, comme je l’ai signalé au Sommet de la Celac, tenu en République dominicaine en janvier de cette année, la volonté de Cuba de discuter avec les États-Unis des questions bilatérales en suspens, sur la base de l’égalité et du respect de la souveraineté et de l’indépendance de notre pays, et de poursuivre le dialogue respectueux et la coopération dans des thèmes d’intérêt commun avec le gouvernement nord-américain.
« Cuba et les États-Unis peuvent coopérer et coexister, tout en respectant leurs différences et en œuvrant à la promotion de tout ce qui sera bénéfique pour nos deux pays et nos deux peuples, mais il ne faut pas s’attendre qu’en échange Cuba fasse des concessions sur des questions inhérentes à sa souveraineté et à son indépendance, et j’ajoute aujourd’hui, qu’elle négocie ses principes, ni qu’elle accepte des conditions, de quelque nature qu’elles soient, comme nous ne l’avons jamais fait dans l’histoire de la Révolution.
« Quoi que fera le gouvernement des États-Unis, nous continuerons d’avancer sur la voie choisie en toute souveraineté par notre peuple.
« Nous vivons une conjoncture internationale caractérisée par de croissantes menaces à la paix et à la sécurité internationales, des guerres d’intervention, des dangers pour la survie de l’espèce humaine et un ordre économique international injuste et excluant.
« L’on sait que depuis 2010 les États-Unis ont mis en pratique le concept de « Guerre non conventionnelle », conçu comme un ensemble d’actions visant à exploiter les vulnérabilités psychologiques, économiques, militaires et politiques d’un pays adversaire dans le but de promouvoir l’émergence d’un mouvement de résistance et l’insurrection pour intimider, changer ou renverser son gouvernement.
« Cette pratique a été testée dans le nord de l’Afrique, et même en Europe, où elle a causé des dizaines de milliers de morts, la destruction d’États, le déchirement de la société et l’effondrement de leurs économies.
« Notre Amérique », qui s’est proclamée comme Zone de paix en 2014, est confrontée aujourd’hui à des conditions adverses.
« La République bolivarienne du Venezuela est victime d’une guerre non conventionnelle – celle-ci n’a pas commencé maintenant, mais bien avant – imposée par l’impérialisme et des secteurs oligarchiques putschistes qui ont attisé la violence dans les rues et des actes fascistes comme les scènes effrayantes montrant des jeunes brûlés vifs.
« L’intervention étrangère contre la Révolution bolivarienne et chaviste doit cesser. La violence terroriste et putschiste doit être condamnée sans équivoque. Tous devraient se joindre à l’appel au dialogue et s’abstenir de commettre des actes qui vont à l’encontre des intentions qu’ils proclament de façon manipulatrice et démagogique.
« L’Organisation des États américains (OEA) et son Secrétaire général doivent mettre fin à leur agression contre le Venezuela et à la manipulation sélective de la réalité.
« Le droit légitime du Venezuela a résoudre pacifiquement ses affaires intérieures sans aucune ingérence étrangère doit être respecté. Il revient uniquement au peuple souverain du Venezuela de trouver ses propres solutions, dans l’exercice de son autodétermination.
« Nous réitérons notre solidarité au peuple vénézuélien et à l’union civico-militaire avec à sa tête le président constitutionnel Nicolas Maduro Moros.
« L’agression et la violence putschistes contre le Venezuela portent préjudice à l’ensemble de « Notre Amérique » et ne servent que les intérêts de ceux qui s’obstinent à nous diviser pour exercer leur domination sur nos peuples, peu leur importe s’ils provoquent des conflits aux conséquences incalculables dans cette région, comme nous le constatons dans plusieurs endroits du monde.
« Nous lançons une mise en garde sur le fait que ceux qui prétendent aujourd’hui renverser par des voies inconstitutionnelles, violentes et putschistes la Révolution Bolivarienne et chaviste, assumeront une grande responsabilité envers l’histoire. Nous réaffirmons au camarade Lula, victime de persécution politique et de manœuvres putschistes, notre solidarité face à la tentative de l’empêcher, moyennant une disqualification judiciaire, de présenter sa candidature aux élections directes. Lula, Dilma Rousseff, le Parti des travailleurs et le peuple brésilien trouveront toujours Cuba à leurs côtés. »
Source Granma, 7 août 2017