CONFLIT – Plusieurs tonnes de sorbitol fabriquées par le groupe Tereos ont servi à la fabrication d’armes, selon une ONG et le JDD. Une histoire qui a « bouleversé » l’entreprise.
De la Picardie à la Syrie. Publié ces jours-ci, un rapport du Conflict Armament Research (CAR) – une ONG qui surveille les mouvements d’armes et de munitions dans le monde – a mis en lumière l’utilisation par le groupe Etat islamique de sucre en provenance de France. Objectif ? Participer à la fabrication d’armes utilisées par les djihadistes.
Comment du sucre produit en France s’est-il retrouvé entre les mains de Daech ? Pour mieux le comprendre, le JDD a retracé le long périple de ces dizaines de tonnes fabriquées dans une usine française. Au départ, rien d’illégal : le sucre a été élaboré à Nesle, dans la Somme, où se trouve une usine de Tereos. Derrière ce nom, on retrouve le premier producteur de sucre français, avec des marques tel que Béghin Say et La Perruche.
Des tonnes de sucre ont transité
En mai 2015, deux cargaisons passent légalement par Anvers, en Belgique, direction la Turquie et le port de Gebze. Là-bas, elles sont récupérées par Sinerji, une entreprise qui collabore depuis des années avec Tereos. C’est à ce moment-là qu’un homme d’affaires turc rachète le stock et, durant six mois, va organiser le transport dans toute la Turquie. Notamment vers Gaziantep, cette grande ville turque à 50km de la frontière syrienne et plaque tournante entre les deux pays pour les djihadistes et leur matériel.
Des tonnes de sucre ont ainsi transité entre septembre et décembre 2015 par le poste frontalier d’Oncupinar, vers les quartiers nord d’Alep, puis vers l’Irak. Comme en témoignent des photos prises entre l’Irak et la Syrie et publiées dans le rapport, des sacs de 25 kg retrouvés dans les entrepôts de l’EI portaient cette adresse et le logo de Tereos. Des sacs qui ont permis la confection de carburant pour des roquettes, puisqu’il suffit d’en mélanger à du nitrate de potassium pour cela.
« Cette histoire a bouleversé toute notre entreprise »
Une réalité que ne nie pas l’entreprise. « Nous n’aurions pas pu imaginer qu’un produit aussi courant, utilisé pour fabriquer des chewing-gums ou du dentifrice, aurait pu finir dans cette région pour être utilisé par l’Etat islamique. Cette histoire a bouleversé toute notre entreprise », a raconté au JDD le directeur de la communication de Tereos, Gérard Benedetti.
Le rapport du CAR, publié au terme de trois ans de recherches sur le terrain, ne se contente pas d’évoquer le cas des roquettes au sucre. L’ONG l’assure : des armes fournies aux rebelles en Syrie, notamment par les Etats-Unis et l’Arabie saoudite, sont tombées aux mains des djihadistes.