Depuis la démonstration spectaculaire de Benjamin Netanyahou, sur l’existence d’un présumé programme nucléaire militaire iranien secret, de nombreuses preuves sont apportées démentant cet énorme mensonge et les critiques affluent de toutes parts. Netanyahou avait déjà sévi contre l’Irak, à l’instar de Colin Powell.
Haro sur le serial liar israélien
Le 30 avril, le Premier ministre israélien présentait à la télévision et sur grand écran, des graphiques, des photos, des vidéos et des documents « que le monde n’avait jamais vus auparavant », des « preuves nouvelles et concluantes » de la violation par l’Iran de l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien. Et ce, à quelques jours de l’annonce attendue (d’ici le 12 mai), par Donald Trump du retrait ou non de cet accord historique entre l’Iran et cinq grandes puissances (Russie, France, Chine, Grande-Bretagne et États-Unis) membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, dans le cadre de l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA) et avec la participation active de l’Union européenne.
Les « preuves » israéliennes ont fait long feu et mis dans l’embarras certains signataires de l’accord. Sans surprise, Donald Trump a félicité le Premier ministre israélien. « Ce soir, je suis ici pour vous dire une seule chose : l’Iran a menti », a-t-il, également, déclaré. « Ce qui se passe aujourd’hui, et ce que nous avons appris, a vraiment montré que j’avais raison à 100%. Les dirigeants iraniens ont nié sans arrêt qu’ils poursuivaient un programme d’armement nucléaire ».
Très rapidement, des informations documentées ont démenti les « révélations » de Netanyahou. En premier lieu, l’AIEA a confirmé que l’Iran se conforme pleinement à l’accord nucléaire (JCPOA) et qu’elle serait déjà informée d’une violation de l’accord si c’était le cas, compte tenu de ses visites d’inspection régulières en Iran. Ensuite, on apprend que les documents présentés avaient été compilés par un certain Christopher Steele, un agent de renseignement britannique, également à l’origine de l’affaire de l’ingérence russe dans l’élection présidentielle américaine en 2016. Christopher Steele s’est adjoint la collaboration de Sergueï Skripal, ancien agent du MI-6 (services de renseignement britanniques pour l’étranger), le même Skripal au coeur de l’affaire d’empoisonnement, le 4 mars, à Salisbury, à l’origine de la campagne internationale de diffamation et d’accusations non fondées portées contre la Russie. Autre mensonge. Le 1er mai, le conseiller national à la sécurité britannique Mark Sedwill, faisait savoir aux députés britanniques que l’enquête n’avait pas permis d’identifier les auteurs de l’empoisonnement de Sergueï Skripal et sa fille.
Les « preuves » présentées par Netanyahou sont des archives iraniennes portant sur le Plan AMAD entre 1999 et 2003, abandonné cette même année par l’Iran. L’AIEA avait confirmé cet abandon et rendu public la totalité du Plan AMAD dans un document daté du 18 novembre 2011 (https://www.iaea.org/sites/default/files/gov2011-65.pdf ) dans le cadre de la mise en œuvre du Plan d’action global conjoint (JCPOA). Tous les éléments avaient été remis à l’organisation internationale entre 2014 et 2015. « Tout ce qu’il (Netanyahou) a dit était déjà connu de l’AIEA et publié. Il n’y a littéralement rien de nouveau ici et rien qui ne change le bien fondé du JCPOA », a déclaré, entre autres experts, Jeffrey Lewis, expert en prolifération nucléaire de l’organisation Arms Control Wonk.
Selon le haut responsable israélien qui a expliqué, sous anonymat, la « mission secrète » israélienne « les agents du Mossad se sont introduits dans le bâtiment une nuit de janvier dernier, ont retiré les documents originaux (plus de 100 000) et les ont ramenés clandestinement en Israël la même nuit ». Ce qu’une étude précise des diapos et photos de ces fameux locaux dément, également. D’autant que l’Iran avait donné accès à ces sites à l’AIEA et n’a rien caché à l’époque.
Enfin, Netanyahou a montré, diapo à l’appui, la position potentielle d’un engin nucléaire dans un missile, telle que dessinée dans un croquis. Il a, en outre, affirmé que les missiles iraniens à plus longue portée pourraient contenir un tel dispositif. Ce croquis date, en réalité, de 2003 et est bien connu des scientifiques et experts du nucléaire. Preuve a été apportée, également, que les nouveaux missiles iraniens ont un nez trop étroit pour contenir et transporter ce dispositif nucléaire.
De toute évidence, la Maison Blanche n’est pas absente de ce complot contre l’Iran visant à justifier une intervention militaire contre ce pays. Une semaine avant la démonstration pathétique de Netanyahou, Joseph Votel, commandant du Commandement militaire américain pour le Moyen Orient, était en Israël. Une première, sachant qu’Israël est, habituellement, coordonnée avec le commandement pour l’Europe EUCOM.
Dans la même période, Mike Pompeo, ancien patron d’extrême droite de la CIA, aujourd’hui secrétaire d’État de Donald Trump, faisait une tournée au Proche-Orient dans le but de promouvoir la ligne dure de la Maison Blanche en Iran. Après la Jordanie et l’Arabie saoudite, deux alliés de Washington sur la question iranienne, il se rendait à Tel Aviv. Le 24 avril, Avigdor Lieberman, le ministre israélien de la Défense, effectuait une visite à Washington consacrée à « la coordination sécuritaire » et « l’expansion iranienne au Moyen-Orient ». Il rencontrait le secrétaire américain à la Défense, James Mattis, John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale et des membres du sénat. Le 28 avril, Donald Trump s’entretenait au téléphone avec le Premier ministre israélien au sujet de la « menace » iranienne.
Le précédent mensonge irakien de Netanyahou
En septembre 2002, depuis Capitol Hill, Benjamin Netanyahou qui était alors Premier ministre (premier mandat 1996-1999), témoignait devant le House Government Reform Committe sur le « Conflit avec l’Irak ». Cela se passait un an après les attentats du 11 septembre dont George Bush avait accusé l’Irak de complicité, alors que le président américain préconisait un « changement de régime » dans ce pays. Un contexte parfait pour le boutefeu Netanyahou qui avait compris que la « guerre contre le terrorisme » déclarée par Bush ne pouvait que le servir. En décembre suivant, la campagne de Netanyahou s’avérait efficace : 61% des Israéliens interrogés dans le cadre d’un sondage, estimaient qu’ « Israël a intérêt à une attaque » américaine contre l’Irak.
Pour convaincre et les Américains, et le peuple israélien du bien fondé d’une nouvelle guerre contre l’Irak, Netanyahou accusait Saddam Hussein de posséder l’arme nucléaire et de vouloir l’utiliser contre Israël. « Israël a-t-elle lancé une frappe préventive parce que Saddam avait commis un acte spécifique terroriste contre nous ? Avons-nous coordonné notre action avec la communauté internationale ? Notre action avait-elle reçu l’approbation des Nations unies ? Non, bien sûr. Israël a agi parce que nous avions compris que Saddam possédant l’arme nucléaire mettait en danger notre survie ». Il faisait référence à l’attaque aérienne israélienne qui détruisit, le 7 juin 1981, le réacteur Osirak construit par la France. Il poursuivait en exprimant clairement son objectif : « Et, aujourd’hui, les États Unis doivent détruire le même régime car un Saddam possédant l’arme nucléaire mettra en danger la sécurité du monde entier ».
Selon Netanyahou, s’il a été possible de mettre un terme aux ambitions nucléaires de l’Irak, vingt-ans plus tôt, le programme nucléaire irakien a « fondamentalement changé » et ne pourra être contré que par un « changement de régime ». « Il n’a plus besoin d’un grand réacteur pour produire le matériel mortel nécessaire à des bombes atomiques, dit-il. Il peut le produire par des centrifugeuses de la taille d’une machine à laver qui peuvent être cachées à travers le pays. (…) Je crois que même des inspections indépendantes et sans entrave ne permettront pas de découvrir ces sites de fabrication de destruction massive. Sachant cela, je demande à tous les gouvernements et autres qui s’opposent et s’interrogent sur le plan du président (Bush) de réfléchir à partir de l’autre bout de la logique : Croyez-vous qu’une action peut être entreprise contre Saddam seulement après qu’il ait produit des bombes nucléaires et les ait utilisées contre nous ? Et ceux qui critiquent, particulièrement à l’étranger, pensent-ils qu’il faille attendre d’établir un lien clair entre Saddam et le 11 septembre pour avoir le droit de prévenir le prochain 11 septembre. Je ne le pense pas », dit-il, expliquant sa théorie de « frappe préventive ».
Le mensonge de Netyanahou, en 2002 a été « complété » par celui de Colin Powell, le 5 février 2003, au Conseil de sécurité de l’ONU. Son discours ressemble fort à celui du Premier ministre israélien : « Il ne peut faire aucun doute que Saddam Hussein a des armes biologiques, qu’il a la capacité d’en produire rapidement d’autres », avait-il affirmé. « Comment ?demandait-il. Grâce à des « laboratoires mobiles » clandestins qui fabriquent des agents atroces tels que la peste, la gangrène gazeuse, le bacille du charbon ou le virus de la variole ». Et il ajoutait : « Nous avons une description de première main », en exhibant une fiole de soi-disant anthrax. Comme Netanyahou, il produisait, des diapositives montrant des bâtiments et des photos satellites douteuses de files de camions censés être des « véhicules de décontamination » et des « camions d’armes chimiques », en réalité de vulgaires camions de chantier ou logistiques pour ballons sondes météo. Il présentait, également, des tubes d’aluminium comme étant des « tubes à enrichissement d’uranium ».
Les similitudes entre la méthode de Nétyanahou, hier et aujourd’hui, et celle de Powell ne font aucun doute. Cependant, le Premier ministre israélien aura beaucoup plus de mal à convaincre, pour autant que Donald Trump, les guerriers qui l’entourent et ses alliés arabes et occidentaux aient besoin d’être convaincus.
Christine Abdelkrim-Delanne