Lundi 16 avril, le débat animé par l’excellent Frédéric Taddeï est consacré aux frappes tripartites sur la Syrie*. Une lueur dans l’omerta, sur une grande antenne du mainstream, ça ne se refuse pas…
Le débat à quatre oppose les défenseurs de l’intervention occidentale à ceux qui la jugent illégale ou malvenue. Les deux « pro » prévus, l’un assez connu, l’autre plutôt inconnu, se désisteront in extremis, arguant de mon absence de légitimité. Je savais que l’on reconnaît les neo-cons à ce qu’ils osent tout, l’arrogance me surprendra toujours. Ils sont remplacés par deux autres « pro » : deux femmes, l’une plutôt connue et l’autre plutôt inconnue. Craignant peut-être le pire, on me demande si j’émets une objection. Je n’en ai pas, peut-être à tort. Les deux neo-cons d’un autre genre (le vocable anglo-saxon n’a pas de féminin) vont illustrer le degré zéro de la pensée politique. Du tandem absent au duo présent, les consignes ont été soigneusement passées. A ma stupéfaction, les deux héroïnes – une jeune péronnelle grossière et mal embouchée, et sa dame de compagnie connue sur les plateaux pour son discours convenu – vont faire d’un débat censé porter sur l’agression tripartite occidentale une attaque personnelle en règle, mettant en cause, en des termes insultants, mon absence de légitimité. Bof ! Il n’y a pas mort d’homme. Il n’y a pas photo non plus. Débitant leur leçon sur Bachar Al Assad, les souffrances du peuple syrien et le vol de sa « révolution », les intervenantes auraient gagné à s’enquérir de ma « légitimité », qui vaut bien, soyons gentils, la leur : 36 ans en diplomatie, plus de 27ans dans les pays du « Sud » dont vingt dans le monde arabo-musulman, 23 ans de réflexion sur les affaires arabes et africaines, près d’un demi-siècle de « fréquentation » de la Syrie. Des écrits, des articles, trois ou quatre ouvrages, notamment « Le Soudan dans tous ses Etats » et « Tempête sur le Grand Moyen Orient ». La légitimité consiste-t-elle à se référer à la doxa sans jamais s’en éloigner ? A rabâcher la version éculée des faits et l’analyse prêt-à-porter qu’en font les médias, les intellectuels et la classe politique en marche vers l’inconnu ? Les tenants de la pensée unique atlantiste croient que leur doctrine simplette est porteuse d’éternité et assure la pérennité de leur soi-disant légitimité… Or elle sombrera un jour au nom d’intérêts supérieurs qui les dépassent. En Syrie, le verdict sera bientôt rendu. Les neo-cons échoueront dans la poubelle ou les oubliettes de l’Histoire. C’est le destin de toutes les légitimités usurpées !
* Le débat d’Europe Soir – Frédéric Taddeï – L’intervention militaire française en Syrie en débat – 16/04/18
Agnès LEVALLOIS Vice-présidente de l’Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient (Iremmo). Enseignante à l’ENA et à Sciences Po.
LAURA-MAÏ GAVERIAUX Grand reporter. Auteur de Sales guerres (Editions de l’Observatoire, 2018).
Michel RAIMBAUD Ancien ambassadeur de France au Soudan, en Mauritanie et au Zimbabwe. Auteur de Tempête sur le grand Moyen-Orient(Ellipses, 2015).
Hadrien DESUIN Expert en géo-stratégie, sécurité et défense. Auteur de La France atlantiste ou le naufrage de la diplomatie (Editions du Cerf, 2017).
Source : https://prochetmoyen-orient.ch/