Le Prince jordanien, le mal nommé Haut Commissaire aux Droits de l’Homme à l’ONU joint sa voix officielle au concert occidental anti-Maduro. Il devrait, pourtant, commencer par balayer devant sa porte.
L’Assemblée constituante vénézuélienne a approuvé, le 30 août, un décret permettant de juger pour « trahison à la patrie » les opposants impliqués dans la décision de Donald Trump de prendre de nouvelles sanctions à l’encontre de la République bolivarienne. C’est son droit et c’est ce que ferait, sans doute, tout État victime d’ingérences extérieures ayant pour objectif un « changement de régime » dans un pays ne satisfaisant pas aux exigences des puissances occidentales.
Comme il fallait s’y attendre, cette décision a, immédiatement été considérée comme un nouveau signe du caractère dictatorial du régime de Nicolas Maduro. Venant renforcer la campagne de propagande des grands medias internationaux, les déclarations indignées des politiciens occidentaux, et les offensives de Donald Trump, le Haut commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU joint, aujourd’hui, sa voix à celles des ennemis de la révolution bolivarienne. Le Haut commissariat accuse le pouvoir vénézuélien de « violation répétée et systématique de la liberté de réunion, mais aussi de la liberté d’expression. Et cela continue », comme l’a expliqué Mara Steccazzini, « experte » au Haut commissariat. « On parle de plus de 5000 personnes arrêtés et détenues de manière arbitraire en raison de leur participation aux manifestations, qui ont aussi subi des mauvais traitements qui ont pris la forme de cas de torture dans certains cas », ajoute-t-elle. Qui est « on » ? Quels « cas de torture » ? On ne le saura pas.
Pourtant, cette parole officielle onusienne a pris forme d’information indiscutable dans les medias et sur les sites internet. Plus grave encore, c’est le Haut commissaire de l’ONU aux Droits de l’homme, le Jordanien Zeid Ra’ad al Hussein, qui, dans son rapport publié le 30 août, s’il reconnaît que le président Nicolas Maduro « a été élu par le peuple », estime que les récentes actions du gouvernement « donnent l’impression que ce qu’il reste de la vie démocratique au Venezuela est en train d’être écrasé ». Une petite phrase qui, elle aussi, a fait le tour du monde, reprise massivement par tous les medias, souvent à la « Une », mais, une « information » fondée sur une « impression ».
Le Prince Zeid Ra’ad al Hussein, fils du prince Ra’ad bin Zeid al-Hussein et membre de la famille royale jordanienne, fut ambassadeur de la Jordanie aux États-Unis de 2007 à 2010. Il a joué un rôle important dans la création de la Cour pénale internationale contestée pour sa partialité pour avoir essentiellement ouvert des enquêtes contre des États africains (Ouganda, RDC, Centrafirque, Soudan, Kenya, Libye et Côte d’Ivoire).
Alors que le Prince Zeid Ra’ad al Hussein prend la responsabilité d’engager le Haut Commissariat aux Droits de l’homme de l’ONU dans la campagne de propagande contre le Venezuela, il semble oublier un peu rapidement la situation des droits de l’homme dans son propre pays qui est loin d’être un modèle de démocratie. Et il ne s’agit pas, là, d’ « impressions » ou de « on dit », mais bien de faits réels, constatés par les organismes internationaux, dont Amnesty International. Dans son rapport 2016/2017, on peut lire : « Le plan sur dix ans relatif aux droits humains dressait une liste d’objectifs comprenant le renforcement de la protection juridique contre la torture et l ‘augmentation des poursuites déboutant sur des « sanctions » contre les auteurs d’actes de torture. Il ne semble toutefois pas qu’une quelconque mesure en ce sens soit entrée en vigueur au cours de l’année. Les policiers accusés de tels crimes comparaissent toujours devant des tribunaux spéciaux de la police qui ne sont ni indépendants, ni transparents ». En janvier, le Centre Adaleh pour les droits humains, une ONG basée à Amman, a signalé avoir recensé, au moins, huit cas de mort en détention des suites de torture au cours des deux mois précédents.
Selon Amnesty International, « Cette année encore, des partisans présumés de l’EI et d’autres groupes armés, ainsi que des journalistes et des militants de l’opposition, ont fait l’objet, aux termes des lois antiterroristes et d’autres textes législatifs, de poursuites pénales devant la Cour de sûreté de l’État, un tribunal quasi militaire appliquant une procédure non conforme aux normes internationales d’équité. Parmi les accusés figurait Adam al Natour, détenteur de la double nationalité jordanienne et polonaise, qui a été condamné à quatre ans d’emprisonnement après avoir été déclaré coupable d’« appartenance à un groupe armé et à une organisation terroriste » sur la base d’« aveux » qui lui auraient été extorqués sous la torture par des membres du DRG. Ceux-ci l’auraient battu et lui auraient administré des décharges électriques pendant les trois semaines de sa détention au secret. Cet homme a ensuite comparu devant le procureur de la Cour de sûreté de l’État et a été contraint de signer une déclaration en arabe, langue qu’il ne comprend pas et ne lit pas.”
Amnesty International relève, également, les abus en matière de détention administrative : “ Des dizaines de milliers de personnes ont été incarcérées au titre de la Loi de 1954 relative à la prévention de la criminalité. Cette loi autorise le placement en détention, sans inculpation ni jugement et sans possibilité de recours judiciaire, pour une durée pouvant aller jusqu’à un an.” Quant aux droits des femmes, question sensible notamment concernant les “crimes d’honneur” dont sont victimes les femmes jordaniennes, Amnesty International souligne que si “une commission législative parlementaire a approuvé des modifications de l’article 308 du Code pénal, qui annulaient la disposition permettant à l’auteur d’un viol d’échapper aux poursuites en épousant sa victime”, ces modifications qui ne s’appliquent pas aux victimes âgées de 15 à 18 ans “n’avaient toujours pas été promulguées à la fin de l’année 2016”.
De même, en ce qui concerne les droits des travailleurs migrants, dont, l’ONG Tamkeen basée à Amman, signale que 80 000 employées de maison étrangères ne bénéficient pas de la protection des lois sur le travail et sont exposées à la violence et aux mauvais traitements infligés par leurs employeur. À l’issu d’une visite en Jordanie, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la traite des êtres humains a indiqué que les employées migrantes qui fuyaient un employeur qui les maltraitait risquaient d’être victimes de la traite humaine à des fins d’exploitation sexuelle. Les femmes et les filles réfugiées syriennes sont particulièrement victimes de l’exploitation sexuelle – 600 000 réfugiés syriens vivent en Jordanie. Quant à l’application de la peine de mort, les exécutions ont été interrompues entre 2006 et 2014, pour être à nouveau appliquées avec onze exécutions le même jour, en décembre 2014. Le 4 mars dernier, quinze condamnés étaient exécutés.
“Après un an à mon poste, je me sens épuisé et furieux”, déclarait, en septembre 2015, à Genève, le Prince jordanien et Haut commissaire pour les Droits de l’homme à l’ONU. S’il semble lui rester encore suffisamment d’énergie pour s’ingérer dans les affaires internes du Venezuela, ce n’est certainement pas la lutte contre les violations des droits humains dans son propre pays qui semble l’avoir “épuisé”.