Le nouveau roi d’Arabie Saoudite, Salman bin Abdulaziz al Saud, a été salué par les chefs d’États et représentants des puissances occidentales venus exprimer leurs condoléances à la famille royale après le décès du roi Abdullah, comme un homme « sage », « modéré », « réformateur », prêt à poursuivre la politique « pacifiste » de son prédécesseur. Les louanges faites à l’un des régimes les plus archaïques et anti-démocratiques et à ses monarques par ceux qui leur sont redevables à plusieurs titres – au prix du renoncement indigne à leurs propres valeurs – ont été largement relayées par les grands medias occidentaux. La réalité est tout autre et Salman al Saud n’a rien ni d’un « modéré », ni d’un « moderniste ».
Selon l’ancien officier de la CIA, Bruce Riedel, Salman fut chargé par la famille royale de gérer le fonds de financement des talibans dans le cadre de la guerre contre l’Armée Rouge en Afghanistan, soit 20 à 25 millions de dollars chaque mois en moyenne. Il a, également, contribué au recrutement des combattants de l’armée d’Abdul Rasul Sayyaf, un salafiste afghan mentor de Ben Laden et du cerveau de l’attaque du 9/11 (Twin Towers), Khalid Sheikh Mohammed.
Concernant la guerre en Bosnie, Salman fut désigné par le roi Fahd pour diriger le Haut commissariat saoudien pour l’aide à la Bosnie et à l’Herzégovine fondé en 1992 et dissous en 2011. Cette aide ne s’est pas limitée à l’aspect humanitaire et religieux (par la construction de mosquée à travers le pays, notamment), mais également à l’envoi d’armes, en violation de l’embargo de l’ONU, de 1991 à 1996.
En 2001, l’OTAN devait découvrir dans les locaux du SHC, à Sarajevo, du matériel terroriste, dont des photos prises avant et après les attaques d’al-Qaïda, des instructions sur la façon de fabriquer de faux badges du Département d’État américain, des cartes et des plans des bâtiments gouvernementaux à Washington.
Entre 1992 et 1995, des responsables européens avaient déjà découvert des transferts de fonds pour un montant de 120 millions de dollars de comptes bancaires de Salman et du SHC vers l’organisation bosniaque, soi-disant « humanitaire », basée à Vienne, Third World Relief Agency (TWRA), dont les services occidentaux estiment que la plus grosse partie a été utilisée pour financer des combattants bosniaques. Des informations confirmées par les témoignages devant les Nations Unies d’un transfuge d’al-Qaeda qui a déclaré que le SHC et la TWRA ont bien soutenu al Qaeda en Bosnie, dont son unité 107 de combat.
Les services de renseignement américains et leurs alliés ont toujours connu la connexion entre Salman et al-Qaïda en Bosnie. Plus de 6 000 combattants mercenaires islamistes y ont combattu, commettant des horreurs sur leur passage. C’est à partir du port d’Ancône, en Italie, qu’ils furent transportés sur les côtes bosniaques par les bateaux Citta de Venezia et Citta de Ancôna. La presse italienne a largement rapporté sur le sujet, à l’époque ainsi que sur les manifestations de protestation qui se déroulaient en Italie et à Ancône en particulier. L’information, cependant, a été soigneusement étouffée jusqu’à ce jour dans les pays alliés, en France notamment. Les jihadistes étaient, comme en Afgnanistans, considérés comme utiles à la stratégie américano-européenne dans les Balkans et il n’est toujours pas politiquement correct de parler des massacres de civils qu’ils ont commis.
Ce n’est que plus tard que le soutien de l’Arabie Saoudite aux talibans afghans et aux djihadistes en Bosnie a cessé, avec le retour des vétérans et la menace de déstabilisation du royaume par al Qaïda. En outre, après le 9/11, les services américains ont focalisé leurs investigations sur les relations entre le SHC et les groupes terroristes. La Joint Task Force Guantanamo du gouvernement américain a, même, pendant un temps, inclus l’organisation dans la liste des organisations suspectées de terrorisme et de soutien aux terroristes. Les services de renseignements du Pentagone, ont, également, accusé le SHC de livraison d’armes à Mohamed Farrah Aidid, le seigneur de guerre somalien lié à al-Qaeda.
Cependant, l’aide aux organisations terroristes jihadistes ne s’est jamais complètement arrêtée. Le conseil d’administration du Prince Salman Youth Center, dont Salman est président, compte dans ses rangs, aujourd’hui Saleh Abdullah Kamel, un milliardaire saoudien dont le nom est apparu dans la liste des premiers financeurs d’al Qaeda connue comme la « chaîne d’or ». Les relations entre Salman et les États-Unis n’étaient pas des meilleures, alors. Abdullah Kamel et le Prince qualifiaient de « chasse aux sorcières anti-musulmane », les tentatives américaines de neutraliser les organisations « caritatives » saoudiennes.
En 2003, un gala de levée de fonds pour trois organisations « caritatives » saoudiennes faisant l’objet d’enquêtes américaines, était organisé sous la présidence du Prince Salman. Depuis le 9/11, l’International Islamic Relief Organisation, al-Haramain Foundation et la World Assembly of Muslim Youth ont vu certaines de leurs branches interdites ou sanctionnées pour avoir financé ou soutenu le terrorisme. « Le royaume n’est pas responsable de l’usage des donations saoudiennes à des fins terroristes », a déclaré le Prince.
Autre organisation soutenue par le Prince Salman et liée de près aux activités des groupes terroristes, la Fondation Abdulaziz bin Baz, créée en 2001, du nom du grand mufti saoudien mort en 1999, mais dont l’influence reste prédominante en tant qu’organisation musulmane fondamentaliste. Le site de la fondation précise qu’il a toujours « bénéficié du soutien directe et non interrompu » de Salman.
La Baz Foundation compte dans son conseil d’administration présidé pendant une période par Salman, Aqeel al-Aqil, une organisation saoudienne listée par les États-Unis en 2004 comme organisation ayant aidé al-Qaïda dans plus de 13 pays.
Les liens entre le nouveau roi et les dirigeants musulmans fondamentalistes sont connus. Parmi eux, Aidh Abdullah al-Qarni ou Saleh al Maghams dont le prince a sponsorisé et honoré de sa présence un « festival culturel » ou encore présidé le centre de recherche ouvert à Médine.
C’est donc en toute connaissance de cause que Barack Obama, François Hollande ou David Cameron sont venus faire allégeance au nouveau roi qui, par ailleurs, est connu pour sa main de fer à l’égard de toute expression contestataire, d’où qu’elle vienne – récemment la flagellation du blogueur Raif Badawi, condamné à 10 ans de prison et à 1 000 coups de fouet pour avoir plaidé en faveur de la Saint-Valentin et pour des mesures libérales – et de sa conception féodale de la femme. Il est vrai que ces chefs d’États souverains n’ont pas vraiment d’autre choix que de venir manger dans sa main. Quelles que soient les tensions qu’il y a pu avoir dans ces dernières périodes, ils ont besoin de l’Arabie Saoudite, tant pour pousser leur stratégie moyen-orientale le plus loin possible, en Syrie notamment, que pour leurs économies respectives, la France entre autres, dont la balance des paiements ne survit que par les ventes d’armes au royaume. Peu avant le décès du roi Abdullah, Laurent Fabius n’était-il pas allé s’assurer de la signature d’un contrat….