Jean ne sera plus là pour nous éclairer de son intelligence, nous émouvoir par son humanité et nous ravir de ses anecdotes. Adieu, l’ami de l’Algérie!
«Il avait une allure de mousquetaire, un profil en lame de couteau, les sourcils fournis et les yeux plissés par un éternel sourire»
Le journaliste, biographe des grandes figures du XXIe siècle et ardent avocat de la décolonisation, Jean Lacouture, s’est éteint à l’âge de 94 ans, a annoncé samedi dernier sa famille. La disparition de cette grande plume de la presse française et chroniqueur passionné, a suscité de très nombreux hommages dans le monde intellectuel et politique. Journaliste engagé ayant collaboré pendant une vingtaine d’années avec le quotidien Le Monde, Jean Lacouture est décédé chez lui, à Roussillon (Vaucluse en France) «paisiblement et dans la sérénité», a indiqué sa fille, Dominique Miollan-Lacouture, qui a précisé qu’une cérémonie serait organisée en septembre à Paris pour lui rendre hommage. Témoin privilégié du XXe siècle, dont il a rencontré la plupart des grandes figures, l’originalité du parcours et l’ampleur de son oeuvre ont fait de lui un journaliste, biographe et historien hors du commun. Dès la fin des années quarante, il prend conscience que la décolonisation était inévitable. Il en devient l’ardent avocat. Journaliste d’abord à Combat, il rejoint la rédaction du Monde dont il devient une signature et couvre la décolonisation avec passion, notamment celle de l’Algérie pour laquelle il a consacré deux livres. Observateur direct des combats de la guerre d’Algérie et des difficiles négociations d’Evian entre le gouvernement français et le gouvernement provisoire de la République algérienne (Gpra), Jean Lacouture retrace dans son livre «Algérie, la guerre est finie» paru en 1985 aux éditions Complexe (Bruxelles) les difficultés, dues à l’écart initial des positions des deux parties et à leurs divisions. Jean Lacouture édite en 2008 un autre ouvrage qu’il consacre à l’indépendance de l’Algérie et à la fin de l’Empire colonial français. «L’Algérie, algérienne fin d’un empire, naissance d’une nation», préfacé par Jean Daniel, retraçait la lutte pour l’indépendance de l’Algérie et la fin de la France colonialiste. Journaliste au Monde à l’époque de la guerre de libération, ce biographe de De Gaulle, Mendès France, Mitterrand, Hô Chi Minh ou encore de l’égyptien Gamal Abdel Nasser, offre dans ce livre une chronique historique et un récit journalistique au jour le jour du combat mené par les Algériens pour l’indépendance. Homme de gauche prônant un «journalisme d’intervention», il ne croit pas à l’objectivité. «Le journaliste agit comme un diplomate: il s’efforce de comprendre et faire comprendre les différents points de vue, tout en ne cachant pas qu’il souhaite telle issue plutôt que telle autre». En la personne de Jean Lacouture, l’Algérie perd un grand ami et un homme qui a fait honneur aux luttes des peuples contre le colonialisme et la domination étrangère. Il était «un homme passionné, indépendant et courageux», «qui a écrit l’histoire de France en même temps qu’elle se faisait», a salué le président François Hollande. «Infatigable militant de la décolonisation, il suivit tous les conflits de la France de l’après-guerre pour Combat, Le Monde, France-Soir et Le Nouvel Observateur. Par son sens du récit, il montra ce que le journalisme peut porter de meilleur au plan littéraire», a souligné le président de la République dans un communiqué. Jean Lacouture «savait aussi reconnaître ses erreurs, preuve de sa grande honnêteté intellectuelle», écrit François Hollande. Une allusion notamment à la condamnation – tardive – du régime khmer rouge par l’écrivain. «Mais il ne cédait rien sur ses idées, ne renonçait à aucune de ses convictions», juge le président Hollande. «Il avait une allure de mousquetaire, un profil en lame de couteau, les sourcils fournis et les yeux plissés par un éternel sourire. Bluffant jusqu’aux plus brillants de ses collègues, c’est debout et en un quart d’heure que Jean Lacouture tapait à la machine l’éditorial de politique étrangère du Monde au début des années 1960», se souvient le grand quotidien du soir sur son site Internet. «Il fait partie des quelques grands qui nous ont donné envie de faire ce métier», a déclaré à l’AFP Jean-Pierre Elkabbach. Il faisait preuve d’une imposante capacité de travail et de synthèse, accumulant anecdotes et détails inconnus du public. Mais Jean Lacouture ne sera plus là pour nous éclairer de son intelligence, nous émouvoir par son humanité et nous ravir de ses anecdotes. Adieu, l’ami de l’Algérie!
Source : L’Expression
https://www.lexpressiondz.com/actualite/220896-jean-lacouture-nous-quitte-a-94-ans.html