Clair, posé et sans langue de bois, Mohamed Larbi Ould Khelifa, président de l’Assemblée populaire nationale, évoque l’immense chemin économique, démocratique et sociétal parcouru par l’Algérie depuis l’arrivée du président Bouteflika, les positions inaliénables de son pays en matière de droit des peuples et de non-ingérence, mais aussi ce qu’il reste à accomplir pour atteindre le développement.
Alors que l’Algérie célèbre l’anniversaire de l’accession du président Abdelaziz Bouteflika à la magistrature suprême, Alger est considérée comme la destination incontournable des principaux acteurs de la diplomatie internationale, régionale et interarabe… Comment l’expliquez-vous ? Est-ce le fruit de la stabilité, de la paix et de la concorde recouvrées depuis la fin de la décennie noire ?
Permettez-moi d’abord de vous dire que je suis ravi de rencontrer Afrique Asie, dont le rayonnement auprès des peuples du Sud n’est plus à démontrer.
Pour répondre à votre question, la centralité de la diplomatie algérienne ainsi que ses succès sont dus, en effet, à la solidité du front intérieur et aux innombrables réalisations enregistrées durant ces dernières années. Notre pays a toujours bénéficié d’un capital de confiance inégalé. Cette position historique s’explique notamment par la Révolution algérienne. Celle-ci a compté sur le soutien unanime de toutes les forces éprises de paix qui soutiennent les droits des peuples à la liberté, à l’autodétermination et à la justice – ce qui est rare sur le plan international. Je pense en particulier à l’Afrique et au monde arabe. Ainsi, on a rarement vu le monde arabe s’unir autour d’une cause comme il l’a fait avec la cause algérienne.
Cela est sans doute dû à la spécificité de la lutte du peuple algérien pour son indépendance qui a d’abord compté sur ses propres forces, en adhérant aux principes d’un non-alignement sincère et effectif. C’est à ce titre que la Révolution algérienne a été représentée à la conférence de Bandung en 1956,qui lui a donné une tribune de choixpour faire entendre sa voix au monde.On se rappellera par exemple du soutien du président américain John Kennedyà la cause de l’indépendance algérienne…
Dans les faits, nos réalisations qui ont suivi l’indépendance sont innombrables. En 1999, le président Abdelaziz Bouteflika fut porteur d’un projet qui a recueilli l’adhésion unanime du peuple algérien. Ce projet entendait mettre fin à une situation très douloureuse générée par l’irruption, pendant des années, d’un terrorisme barbare qui avait détruit notre pays et causé des dizaines de milliers de morts. L’Algérie se battait alors toute seule contre ce fléau. Pis encore, alors qu’on était en droit de s’attendre à la solidarité internationale face à cette barbarie, nous avons vu certains verser dans l’ignominie en véhiculant le slogan « qui tue qui ? ». Plutôt que de nous aider à affronter notre tragédie, ces gens nous ont poignardés dans le dos, en souhaitant dans leur for intérieur l’effondrement total de l’État algérien.
C’est dans cette conjoncture que le projet de réconciliation nationale est intervenu. Porteur de paix pour tous les Algériens, il mettait notre pays sur la bonne voie. Une planche de salut pour que le peuple reprenne une vie normale et s’attaque à ses vrais défis d’avenir, de développement et de progrès.
Contrairement aux idées reçues, les Algériens sont ouverts, pacifiques, hospitaliers et parmi les peuples du Maghreb les plus portés au voyage et à la rencontre de l’autre. Mais en même temps, notre peuple est insoumis et rebelle, car épris de justice. Il suffit de remonter dans l’Histoire, et notamment celle de la Révolution et de la résistance contre le colonialisme, pour s’en convaincre.
Ces données ont imprégné la politique de l’Algérie, tant avec son voisinage proche qu’avec l’Afrique et le reste du monde. Notre pays refuse de nous ingérer dans les affaires des autres pays. Il se donne pour mission de promouvoir la fraternité et la coopération entre les peuples. Rappelez-vous la fameuse phrase de l’un des grands dirigeants numides proclamant « l’Afrique aux Africains »… Comme vous le constatez, cela remonte à loin.
Partant de ce principe, nous œuvrons à ce que prévale le respect des droits des peuples, de leur liberté, de leur sécurité et de leur aspiration à une vie digne et prospère, sans ingérence. Notre politique étrangère est fondée sur la coopération et la solidarité entre les peuples et les nations qui, au-delà de leurs spécificités spirituelles et culturelles – facteurs d’enrichissement des uns et des autres –, appartiennent à la même humanité, fondée sur le socle de l’universalisme…
Quel bilan dressez-vous depuis l’élection du président Abdelaziz Bouteflika en 1999 ?
Il est plus que satisfaisant, de la première année de présidence de Bouteflika à l’actuel mandat. De grandes réalisations ont été parachevées à tous les niveaux. D’autres grands projets sont lancés. C’est le cas du projet de la réforme constitutionnelle qui sera soumis au peuple et aux instances constitutionnelles concernés pour approbation, et qui comportera des changements radicaux et profonds concernant l’équilibre des pouvoirs et l’approfondissement de la démocratie. Je suis de ceux qui disent que la démocratie est relative. Dans aucun pays au monde vous ne trouverez un modèle démocratique parfait et abouti. La démocratie est la résultante d’une culture et d’un parcours historique donnés. C’est un processus, une expérience fondée sur une culture d’État et surtout sur la culture démocratique elle-même. L’Algérie est sur la bonne voie, comme peut en témoigner la liberté d’expression sans pareille dont jouissent les médias.
Cela étant, la démocratie est indissociable du développement et de la stabilité. Mais il serait illusoire de penser que la démocratie et le développement puissent se concevoir et s’exercer sans sécurité. Regardez ce qui se passe dans notre entourage géographique…
Notre Constitution est le couronnement de la série de réformes engagées par le président de la République depuis 2011. Celles-ci figuraient dans son programme initial qui prévoyait des changements progressifs qui ne seraient pas des sauts dans l’inconnu. Pour que cette réforme aboutisse, il faut d’abord qu’elle soit clairement élaborée et qu’elle réponde aux attentes des Algériens.
Le chef de l’État a toujours prôné une réforme consensuelle qui puisse obtenir la plus grande adhésion du peuple et des élites. Une large consultation a été engagée avec tous les acteurs de la vie publique, sans exception. Tout le monde a été entendu, y compris l’opposition, hormis ceux qui avaient décliné l’invitation. Si certains ont affirmé que ces projets de réformes venaient en réaction à ce qui a été qualifié de « printemps arabes », la réalité est tout autre. Notre printemps algérien est bien antérieur. Il a commencé en 1980 et s’est poursuivi tout au long de la période où le peuple algérien a fait face héroïquement au terrorisme et l’a mis en échec. Croyez-moi, si un autre pays avait eu à affronter ce que nous avons vécu, il aurait volé en éclats !
La réforme constitutionnelle n’est pas un but en soi. Il importe d’élaborer une vision plus évoluée, plus adaptée et progressiste des relations entre l’État et la société, fondée sur la confiance et la crédibilité. Le président Bouteflika ne cesse d’affirmer que ce sont les Algériens qui feront l’Algérie, et non pas tel acteur ou telle personne. Aux Algériens de faire l’Algérie de demain, celle qui va succéder à la génération post-révolution. La majorité de ceux qui ont participé d’une manière ou d’une autre à la Révolution doit passer le flambeau aux générations arrivantes, particulièrement la jeunesse. Le président Bouteflika l’a clairement annoncé dans son célèbre discours du 8 mai 2012.
La vision humaniste de la Révolution algérienne explique-t-elle l’engagement aux côtés de votre pays de nombre d’hommes libres à travers le monde ?
Sans doute. Jean-Paul Sartre ne proclamait-il pas qu’un peuple vraiment libre ne peut pas priver un autre peuple de sa liberté en le colonisant ? D’où son engagement anticolonialiste. C’est le cas aussi des combattants de la liberté connus sous le nom de « porteurs de valises ». Le rayonnement et l’attirance qu’exerçait la Révolution algérienne sur les hommes épris de justice et de liberté se poursuivent aujourd’hui. Il suffit d’observer les incessantes visites à Alger de chefs d’État du monde entier. Ils viennent non seulement recourir à l’expertise algérienne en matière de règlement des conflits, mais aussi demander la médiation de notre pays qui inspire la confiance de tous les protagonistes. Je pourrais citer en exemple le long dialogue inter-malien qui a abouti, après cinq rounds de négociations ardues, à la préservation de l’intégrité de ce pays et au retour de la paix, de la stabilité et du développement équitables de toutes les composantes maliennes. La diplomatie algérienne s’engage en même temps à réunir tous les acteurs libyens dans un dialogue inclusif, en vue de réunifier un pays frère éclaté par la faute d’une intervention étrangère.
L’attachement de l’Algérie à l’intégrité et à la souveraineté des pays, mais également à leur libération, n’est pas nouveau. Nous étions au premier front pour défendre l’intégrité du Nigeria, lors de la sécession du Biafra (1967-1970). C’est aussi à l’initiative de l’Algérie et de son ministre des Affaires étrangères d’alors, Abdelaziz Bouteflika, que l’Assemblée générale de l’Onu a expulsé le régime de l’apartheid de ses rangs. Nelson Mandela a également été accueilli dans le maquis algérien et avait conscience que la victoire de la révolution aurait des conséquences positives sur l’ensemble du continent africain.
N’oublions pas non plus qu’en 1974, c’est Abdelaziz Bouteflika, ministre des Affaires étrangères mais aussi président de l’Assemblée générale de l’Onu, qui a présenté le président de l’OLP, Yasser Arafat, à l’Onu. Du haut de cette tribune internationale, le leader palestinien a pu alors s’adresser au monde entier un rameau d’olivier à la main. Cette initiative ne fut pas sans lendemain puisque c’est à Alger même que, en 1988, le Parlement palestinien en exil, présidé par Yasser Arafat, proclama la naissance de l’État de Palestine.
La cause palestinienne est au cœur de chaque Algérien à quelque niveau que ce soit : État, peuple, société civile, partis politiques… C’est une cause sacrée qui ne fait l’objet d’aucune récupération politicienne, que ce soit dans l’arène intérieure ou sur le plan régional et international. L’Algérie a beaucoup donné pour la cause palestinienne, mais elle ne s’en vante pas.
Depuis sa création, l’Assemblée populaire nationale (APN) est au cœur du travail législatif. Comment son rôle évolue-t-il ? Comment qualifieriez-vous les relations entre les groupes parlementaires ? Et quels sont les rapports qu’elle entretient avec l’exécutif ?
C’est notre travail de tous les jours ! On est actuellement à la 7e législature depuis l’instauration de l’APN après l’indépendance. C’est aussi la 4e depuis l’instauration du multipartisme. Vingt-sept partis y sont représentés. Certains forment des coalitions et des groupes, comme c’est le cas dans tous les Parlements démocratiques. Il y a une alliance majoritaire composée du Front de libération nationale (FLN), du Rassemblement national démocratique (RND), du Tajamou Amal el-Jazaïr (TAJ) et du Mouvement populaire algérien (MPA).
Dans sa composition actuelle, le Parlement représente un saut qualitatif inédit, non seulement par rapport au monde arabe, mais aussi par rapport à ce qui se pratique dans les Parlements des pays occidentaux, je veux parler de la représentation proportionnelle…
Quant à la parité dans la représentation parlementaire, nous sommes un exemple, tant au niveau du nombre qu’au niveau des fonctions que les députées occupent au sein des instances dirigeantes et des commissions. On compte actuellement 146 députées, soit le tiers du nombre des élus. Elles occupent des postes de vice-présidentes, de présidentes de commissions…
S’agissant des rapports entre le Parlement et le pouvoir exécutif, je les résume en deux mots : concertation et complémentarité. Très souvent, les députés de l’opposition contestent des projets de loi proposés par le pouvoir exécutif, ce qui entraîne des débats riches, houleux, interminables, dans les commissions comme en séance plénière, parvenant à y introduire, contre l’avis de l’exécutif, des amendements qui seront adoptés en partie ou dans leur ensemble. C’est surtout le cas lors des débats sur le projet de loi des finances.
Il vous arrive, en tant que majorité parlementaire, de vous opposer aux projets de loi proposés par le gouvernement à l’APN ?
Oui, mais de manière soft, et non comme on peut le voir dans certains Parlements européens – en Hongrie ou en Bulgarie par exemple –, avec des lancers de projectiles ou de chaises ! Une chose est sûre : dans la plupart des cas, les projets de loi ne sont jamais adoptés tels quels. Le plus grand nombre d’amendements et les plus significatifs sont apportés au niveau des commissions, où les vingt-sept partis sont représentés. Les partis de la majorité n’essaient jamais de faire passer leurs propositions en force, sans concertation avec l’opposition.
Quels sont les rapports entre l’APN et la société civile ?
Les partis politiques font partie intégrante de la société civile. À ce titre, celle-ci est représentée au Parlement. Parallèlement, nous recevons les représentants de la société civile dans toutes ses composantes, nous débattons avec eux et écoutons leurs doléances. Ce dialogue s’étend à toutes les organisations, à l’exception de celles suspectées d’entretenir des liaisons avec des groupes terroristes.
Dans son message à l’occasion du 19 mars, fête de la Victoire, le chef de l’État s’est exprimé clairement sur le projet d’exploration du gaz de schiste dont le sous-sol algérien, 3e réserve mondiale, regorge. Pourquoi tout ce bruit autour d’un projet qui a été débattu par l’APN, et où toutes les garanties ont été données pour rassurer les écologistes ?
Ce projet a été effectivement débattu au Parlement pendant deux ans et adopté récemment, après de longues discussions où rien n’a été laissé au hasard. Tous les spécialistes concernés par le sujet – dans le domaine des eaux, du sol, du gaz, de l’environnement… – ont été entendus, aussi bien ses défenseurs que ses détracteurs. Il nous est clairement apparu que l’exploration et l’exploitation de cette richesse nationale pouvaient commencer avec toutes les garanties possibles et imaginables. Le président l’a bien spécifié. Je le cite : « C’est en gardant en permanence à l’esprit que nul n’a le droit et ne peut se permettre d’agir d’aucune manière pouvant attenter aux intérêts des citoyens, à l’écologie et à l’intégrité géologique de quelque zone territoriale que ce soit, que nous avons entrepris, sur la base de certitudes irréfragables, éprouvées et vérifiées, d’engager les travaux d’exploration et d’évaluation, uniquement, des potentialités du pays en gaz de schiste. Nous nous conformerons à cette option jusqu’au bout. »
Cette loi a été votée par la majorité et une partie de l’opposition. Aujourd’hui, ceux qui s’opposent à cette loi – qu’ils avaient pourtant votée ! – prétendent qu’ils n’ont pas bien compris les explications techniques qui ont été données par les spécialistes. D’autres l’instrumentalisent à des fins politiciennes. Il est inimaginable qu’un État responsable adopte une loi qui nuirait aux intérêts nationaux. De nombreux parlementaires et élus se sont rendus sur le terrain pour expliquer à la population les enjeux de ce projet, qui n’est qu’à un stade exploratoire. Si, au cours de cette phase, nous constatons qu’il peut y avoir des conséquences néfastes pour la nappe phréatique ou pour l’environnement, nous ne le mènerons pas.
Les remous autour de ce projet sont le fruit d’une incompréhension. Ils sont aussi une tentative d’instrumentalisation politicienne d’un côté et d’une manipulation téléguidée de l’étranger de l’autre.
Vous prenez à votre compte la dialectique chère aux philosophes de la Révolution française ou des philosophes anglais comme Hobbes ou Locke, affirmant que la sécurité est la première des libertés ?
Je vous renvoie plutôt à cette phrase d’un juriste musulman du Xe siècle, Al-Mawardi, qui affirmait déjà dans son livre Al-Ahkam al-Sultaniyah [« Les Ordonnances du gouvernement »] : « La vie en sécurité est la plus belle des vies ; la justice est la plus puissante des armées. » Cette phrase résume la quintessence du contrat social.
Parmi les causes pour lesquelles la diplomatie algérienne s’investit pleinement sur le plan régional et international, il y a la question sahraouie,dont le non-règlement constituedepuis déjà quarante ans une tachenoire dans l’application du droitinternational, ainsi que la questionpalestinienne qui perdure depuisbientôt un siècle. Au-delà de ces deuxquestions emblématiques, d’autresdossiers brûlants (Sahel, Libye…)sollicitent vivement la médiationalgérienne, comme c’était le cas dernièrementavec le conflit yéménite…
Concernant la question palestinienne, l’Algérie milite depuis son indépendance pour la solution des deux États, pour un État palestinien indépendant et souverain, recouvrant ses droits légitimes et cohabitant en paix avec l’État israélien. Nous considérons que le peuple palestinien est le peuple qui a le plus souffert dans sa chair et dans ses droits nationaux depuis le XXe siècle. Il subit la persécution et l’injustice de la part d’une puissance occupante qui jouit du soutien et de la complicité du bloc occidental. Cette complicité est basée sur des arguments fallacieux, par exemple le danger démographique qui guetterait Israël, présenté comme la seule démocratie dans la région. Tout cela ne tient pas la route, car l’injustice est l’injustice, quels que soient sa justification, son auteur ou le pays où elle s’exerce. Si les Palestiniens persécutaient les juifs, on aurait eu la même position. Les juifs vivaient en paix et en sécurité dans tout le monde arabe, c’est un fait. Pour nous, le recouvrement par le peuple palestinien de ses droits légitimes est une question fondamentale et centrale qui ne supporte aucun marchandage.
Le soutien au peuple palestinien est un devoir qui s’impose à nous tous. On n’en fait pas un objet de récupération politique à travers des initiatives spectaculaires destinées à la communication. Notre souhait est que le peuple palestinien unifie ses rangs et surmonte ses divergences. Nous ne voulons pas leur imposer notre modèle, qui, contrairement aux idées reçues, était fondé sur la réunification des rangs, mais dans le respect des sensibilités…
Contrairement à la lutte de libération nationale algérienne qui, malgré une longue nuit coloniale de 132 ans, a réussi à fédérer un immense courant de soutien à l’échelle arabe et internationale, les Palestiniens sont parfois victimes de certains pays arabes « frères » qui les poignardent dans le dos…
Je suis d’accord avec la première partie de votre remarque. La Révolution algérienne a pu fédérer tous ces soutiens, car elle n’était pas construite autour de chefs ou d’un leader unique. C’était une révolution populaire par excellence. D’un autre côté, et c’est important de le souligner, la direction de cette révolution était unificatrice et collégiale. Avant le 1er novembre 1954, l’Algérie comptait une pléthore de partis politiques qui sont arrivés à une impasse, en raison de la persistance de la puissance coloniale à considérer l’Algérie comme un département francais… Le FLN a rassemblé une direction unifiée autour d’une méthode d’action et de lutte, pour atteindre des objectifs clairs : la libération et l’indépendance. Nous avons eu recours à la lutte armée – comme cela a été le cas pour le peuple palestinien – quand tous les autres moyens pacifiques ont échoué. Une fois la méthode d’action décidée et les objectifs unanimement définis, tous les membres de la direction du FLN ont mis de côté leurs anciennes appartenances partisanes et idéologiques. Cela est écrit noir sur blanc dans la Déclaration du 1er novembre.
Pour ce qui est du Sahara occidental, il s’agit de la dernière colonie en Afrique. Depuis des décennies, tous les pays et peuples africains ont arraché leur indépendance, conformément à la charte de l’Onu. La persistance du statu quo actuel est préjudiciable au Maroc, et non à l’Algérie qui n’a aucune visée territoriale sur le Sahara occidental. La superficie de l’Algérie est de 2 381 741 km2, ce qui en fait le plus vaste pays d’Afrique ! Elle n’a pas besoin de s’étendre au-delà. Notre soutien à la lutte du peuple sahraoui pour le recouvrement de son droit à l’autodétermination est ce qu’il y a de plus normal. En 1962, pour accéder à l’indépendance, le peuple algérien est lui-même passé par cette voie référendaire, comme le prévoit le droit international.
En refusant le référendum d’autodétermination au peuple sahraoui, le Maroc s’est mis dans une situation inextricable. Certes, nous ne voulons pas qu’il perde la face. Ce sont nos voisins et nos frères et nous avons en commun les liens de l’Histoire, de la religion, du voisinage, de la langue… Il n’y a aucune raison pour qu’il y ait un conflit entre le Maroc et l’Algérie en tant que pays et peuples frères. Le problème est que ceux qui gèrent ce dossier au Maroc savent pertinemment que, pour nous, le soutien au principe des droits des peuples à disposer d’eux-mêmes est non négociable et irréversible.
C’est un principe constitutif du droit international. Nous avions refusé de reconnaître l’annexion en 1976 du Timor-Oriental par l’Indonésie, avec qui pourtant nous avions – et avons toujours – les meilleures relations, car cette annexion était illégale et contraire au droit de l’Onu et n’avait pas été cautionnée par un référendum. L’Histoire nous a donné raison. Cette position de principe n’a fâché personne, ni l’Indonésie ni le Portugal, l’ancienne puissance coloniale.
L’Algérie est disposée à tendre la main à nos frères au Maroc pour l’aider à trouver une issue à l’impasse dans laquelle il s’est fourvoyé. Car la persistance de ce problème entrave la création du Maghreb et le développement des échanges économiques dans cet espace. Si le référendum a lieu, nous ne poserons aucune condition et respecterons ses résultats quels qu’ils soient, à condition que cette consultation se déroule en toute liberté, sans contrainte et selon les règles du droit international.
Le Polisario, qui mène la lutte du peuple sahraoui, est un mouvement révolutionnaire engagé dans sa libération nationale. Ses militants n’ont jamais posé de bombes ou adopté des méthodes d’action terroristes, malgré les tentatives de désinformation engagées par certaines officines de propagande destinées à ternir leur combat en les accusant de terrorisme et de trafic de drogue, alors que tout le monde sait d’où vient ce trafic. Ce sont d’ailleurs les rapports de l’Onu qui désignent ouvertement le Maroc comme un État narcotique qui introduit des tonnes de cannabis sur le territoire algérien.
L’Algérie rejette tout amalgame entre la lutte de libération et le terrorisme, qu’elle combat sans relâche et à tous les niveaux. Les lois adoptées par l’APN contre le terrorisme et l’assèchement de ses sources de financement sont exemplaires. La diplomatie algérienne se bat à l’échelle internationale pour que des lois similaires criminalisant le financement du terrorisme, à travers notamment le paiement de rançons aux terroristes et le blanchiment d’argent provenant de ces pratiques, soient adoptées par le Conseil de sécurité de l’Onu. L’Algérie accueillera en juillet une grande conférence internationale sur la lutte contre la criminalité transnationale et le terrorisme.
Depuis le déclenchement de ce qui a été abusivement appelé « printemps arabe », l’Algérie s’est distinguée par une diplomatie pertinente et visionnaire, privilégiant toujours le dialogue et la non-ingérence, et refusant de se laisser entraîner dans les tourbillons médiatico-politiques ou de se plier à des agendas…
Je viens de recevoir le président du Parlement syrien, et j’ai aussi reçu le président du Parlement libyen reconnu. Notre vœu est invariable : « Laissez les armes de côté et entendez-vous ! » Pour le cas de la Syrie, l’Algérie n’a pas la mémoire courte. Après la conquête coloniale, un grand nombre d’Algériens ont choisi la Syrie comme terre d’asile où ils ont été accueillis à bras ouverts. Certains s’y sont installés et ont occupé de très hautes fonctions dans l’État syrien, comme Abdurrahman Khleifaoui, premier ministre entre 1971 et 1972. Le président Bouteflika a d’ailleurs adressé au président Bachar al-Assad, le 17 avril, à l’occasion du 69e anniversaire de l’indépendance, un message chaleureux et édifiant. Il lui a exprimé son vœu que « la Syrie trouve des solutions pour dépasser sa crise en préservant son intégrité territoriale, sa stabilité et sa souveraineté et répondre aux aspirations du peuple syrien au progrès et à la prospérité dans le cadre de la concorde, du dialogue et de l’entente nationale ». Tout est dit dans ce message : respect de la souveraineté des États, non-ingérence et appel au dialogue inclusif pour une réconciliation nationale. De la Syrie au Yémen, en passant par la Tunisie, l’Égypte, la Libye et le Mali, nous avons la même approche, aujourd’hui soutenue et souhaitée par tous…
Vous avez toujours professé que la connaissance et le savoir sont les clés du développement. Qu’en est-il de la situation de l’enseignement en Algérie ?
Parmi les nombreuses réformes que j’ai initiées en tant qu’ancien ministre de l’Enseignement secondaire et technologique, figure celle, notable, de la suppression du baccalauréat et de son remplacement par un diplôme de fin d’études secondaires. La France est l’un des rares pays au monde à s’accrocher au baccalauréat
En Algérie, nous sommes confrontés à un vrai problème éducatif : celui de l’équilibre entre le quantitatif et le qualitatif. Nous avons 1,8 million d’étudiants universitaires qui ont investi le marché du travail. En généralisant l’accès de tous à l’enseignement supérieur, nous avons voulu réparer une injustice coloniale. Pendant les 132 ans qu’a duré le colonialisme, ces jeunes avaient été privés d’éducation et d’accès au savoir. Il nous fallait aussi rattraper la décadence culturelle dans laquelle nous vivions depuis des siècles.
Nous voulions former une élite qui constituerait la locomotive de la société vers le progrès. Mais là aussi se pose un autre problème. Si vous réservez l’éducation supérieure à un nombre restreint d’élèves, vous créerez une élite coupée des réalités sociales et nationales, donc inopérante et recluse dans une tour d’ivoire, plus tournée vers l’étranger que vers la société où elle évolue. Or, le salut pour nos pays arabes et africains est de se doter d’élites capables de générer le progrès dans les sociétés mêmes où elles évoluent. Le progrès culturel et technologique, la mondialisation sont des mots creux s’ils ne s’enracinent pas dans les sociétés nationales qu’ils doivent servir.
Comment faire pour enraciner cette élite ?
Dans les années 1970, au niveau du progrès humain et des richesses, nous n’étions devant un pays comme la Corée du Sud. Pourquoi ce pays nous a-t-il devancés ? Tout simplement parce qu’il a massivement investi dans le savoir, récompensant l’effort, le travail et le mérite. Les Sud-Coréens ont profité d’une élite capable de mobiliser les énergies autour d’elle, comme un général d’armée entraîne ses soldats derrière lui.
Vous voulez dire qu’il faut militariser l’enseignement ?
Non, pas du tout, c’est une métaphore ! Je voulais dire que ces élites devraient s’impliquer totalement dans l’entraînement de la société dans le progrès en adaptant ses connaissances, ses acquis et sa capacité managériale au milieu dans lequel elles évoluent. C’est ce qu’a fait la Corée du Sud. C’est aussi ce que fait actuellement la Chine.
Faut-il s’inspirer de ces deux expériences asiatiques, où l’on constate la « dictature » des mathématiques et des sciences exactes au détriment des humanités ?
Non, ce n’est pas souhaitable. L’abandon de l’enseignement des humanités est néfaste. Comme l’a souligné l’un de nos grands penseurs, Mohamed Arkoun, la médiocrité de l’enseignement de l’islamologie, le déficit en matière de pensée islamique innovante, la fin de toute jurisprudence (ijtihad) en la matière expliquent l’apparition de l’extrémisme dans le monde musulman.
L’Algérie a traversé le gué démocratique. Elle se trouve sur la berge, sauve. Pouvez-vous faire un diagnostic de l’état du pluralisme politique, avec ses réalisations, et peut-être insuffisances ?
Nous vivons en Algérie une démocratie authentique, que ce soit au niveau du multipartisme, de la liberté d’expression, des échéances électorales régulières, des débats politiques où l’opposition – ou plutôt les oppositions – a toute sa place et joue pleine ment son rôle. En fin de compte, les électeurs sont les seuls arbitres. Lors des dernières élections législatives et présidentielle, le président Bouteflika a été élu haut la main avec une écrasante majorité. En tant que sociologue de formation, je suis plus enclin à observer qu’à parler. Et j’ai pu constater la grande confiance que les gens lui accordent. Ils estiment que c’est un homme de parole qui fait ce qu’il dit et dit ce qu’il fait.
Vous parlez souvent de la jeunesse et de sa place dans la nation. Quelle politique recommandez-vous pour surmonterles malaises, les interrogationset les incertitudes qui se fontparfois jour parmi les jeunes ?
C’est le propre de la jeunesse, non seulement en Algérie mais partout dans le monde, de se rebeller, s’interroger, tout mettre en question. Le contraire m’aurait étonné. C’est un signe de santé !
Par ailleurs, répondre à toutes les aspirations de la jeunesse quand l’Algérie ne comptait que 15 à 20 millions d’habitants était plus aisé que maintenant où l’on en compte 40 millions ! Dans la Constitution, l’éducation gratuite, la santé et l’habitat pour tous sont des droits inaliénables. Notre jeunesse est ouverte sur le monde extérieur. Elle suit, via les paraboles, les télés occidentales qui leur renvoient une image idyllique du mode de vie occidental, surtout dans son aspect consumériste. Le devoir de la société civile, de l’école et de l’université est de donner une image complète et réelle de ce mode de vie qui n’est pas toujours à l’eau de rose. Un travail pédagogique est nécessaire pour lui expliquer qu’on n’a pas le même parcours, la même histoire et le même point de départ que ces pays qui étaient des empires et avaient accumulé le savoir et les richesses à travers des siècles.
D’un autre côté, il y a un vrai déficit des moyens de divertissement à travers l’ensemble du territoire, une absence de mobilité, y compris à l’intérieur même de l’Algérie. Les jeunes veulent toujours plus, ce qui est normal. Ils ont le sentiment qu’ils font face à un barrage qui les empêcherait de réaliser leurs ambitions et projets, et de faire mieux que la génération précédente. Ils constatent qu’à leur âge, leurs aînés avaient fait l’Histoire en s’engageant très jeunes dans la révolution. À 20 ans, ils étaient des commandants et des pionniers. Les jeunes d’aujourd’hui, tout en admirant et enviant leurs aînés, se sentent bridés. À cela s’ajoute le sentiment d’être privé de liberté de circulation à travers le monde en raison de l’imposition de visas arbitraires…
La place et le rôle de la femme ont beaucoup évolué en Algérie malgré le conservatisme ambiant. Les associations féminines estiment qu’il reste encore du chemin à faire pour lui assurer ses droits. Comment envisagez-vous l’étape suivante ?
Le Conseil d’État était présidé par une femme. Au sein du gouvernement, les femmes occupent sept portefeuilles ministériels. Elles sont omniprésentes à tous les échelons du pouvoir, ont investi les secteurs de la justice, l’éducation, la police, la sécurité, la santé, les médias, l’économie… Elles sont très bien représentées dans la société civile et au sein du pouvoir. Leur niveau éducatif et leur présence massive sur le marché du travail leur permettent d’acquérir une indépendance économique synonyme de liberté et d’égalité. La nouvelle loi adoptée récemment par l’APN, criminalisant les violences qui leur sont faites, leur a accordé une protection juridique sans précédent. Désormais, toute violence physique ou morale faite à la femme par l’homme sera très sévèrement sanctionnée.
Cette loi a provoqué – comme vous avez pu le constater à travers les médias – les protestations de certains machistes qui ne se sont pas encore faits à l’idée que la femme est l’égale de l’homme et qu’elle a le droit de disposer de sa liberté, en prenant l’initiative de demander le divorce et de ne plus le subir. La nouvelle loi se montre d’ailleurs intraitable concernant les droits à la pension pour la femme et pour les enfants en cas de divorce. La femme disposera aussi, désormais, du droit de se maintenir dans la maison conjugale. Pour l’anecdote, cette loi prise à l’initiative du président a suscité des protestations des partis de droite comme de gauche !
Vous êtes polyglotte, amoureux de la langue arabe et ancien président de l’académie arabe. Cette langue est attaquée de partout au nom de la darija (le dialecte) ou, pire encore, au nom d’une novlangue hybride, essentiellement franco-arabe, qui envahit les médias audiovisuels à travers le Maghreb. Comment remédier à un tel envahissement ?
Je définis la langue arabe par sa fonctionnalité. Que ce soit au niveau de l’Algérie, du Maghreb ou du monde arabe, c’est une langue qui rassemble. Peu importe qu’elle soit qualifiée de langue officielle ou nationale. Il y a certes des dialectes ici ou ailleurs, mais la langue arabe reste le dénominateur commun. Cette langue est pratiquée chez nous depuis près d’un millénaire. Auparavant, c’était la langue amazigh qui dominait. L’arabe, comme vous le savez, était interdit et combattu sous le colonialisme. Le mouvement national, notamment l’Association des oulémas, a déployé des efforts méritoires pour sa promotion et sa propagation sur tout le territoire algérien, dont les régions qui parlaient l’amazigh. Car ces régions avaient contribué à l’épanouissement et à l’extension de la langue arabe, à travers ses érudits, ses écrivains, ses grammairiens et ses linguistes, autant, sinon plus, que les régions où cette langue était dominante.
La « pollution » qui affecte actuellement la langue arabe est due en premier lieu à la faiblesse de sa production et de sa créativité, de la déficience des méthodes pédagogiques innovantes de son enseignement. La modernisation de l’apprentissage de la langue est primordiale. Le purisme linguistique ne se décrète pas ni ne s’impose. Il faut faire aimer la langue et non l’imposer, et cela depuis le primaire. Sinon, cela ne servirait à rien.
Il faut également dissocier l’apprentissage de la langue arabe de celui des sciences théologiques islamiques, contrairement à ce que certains soutiennent. L’arabe est aussi une langue véhiculaire de la science, de la technologie et de la création artistique et littéraire… Ce fut le cas pendant l’âge d’or de la civilisation arabo-islamique où l’optique, l’algorithme, l’algèbre, la chimie et la médecine étaient enseignés et écrits en arabe. Il faudra renouer avec cette période. La langue n’est pas une idéologie, mais une culture et une civilisation. Faut-il vous rappeler que les règles de la grammaire et de la rhétorique arabes ont été élaborées par des Perses et des Amazighs ?
L’Algérie a combattu, contenu puis réduit l’islamisme sur ces terres. Le Maghreb piétine et le monde arabe se déchire sous une forte poussée de violence alimentée de l’extérieur. Quel islam préconisez-vous pour le Maghreb et le monde arabe ? Et ce monde arabe, a-t-il définitivement tourné la page de l’unité ?
La situation actuelle du monde arabe est le résultat de son sous-développement. Nombreux sont ceux qui, face à cette impasse, cherchent des valeurs refuges. Le chômage, le grand hiatus entre les classes, l’avenir bouché poussent certains dans une idéologie identitaire extrémiste…
Mais votre génération avait été confrontée à ces problèmes durant la colonisation sans que cela vous pousse à une telle fuite en avant suicidaire. Vous aviez choisi d’y répondre différemment par la résistance, l’unité nationale, un projet révolutionnaire…
Vous avez raison. Nous avions répondu par une révolution de libération progressiste basée sur trois principes : la liberté, la justice et le progrès. L’islam était pour nous le carburant de la révolution et non une idéologie comme c’est le cas maintenant avec les courants extrémistes. Le peuple algérien, comme tous les peuples du Maghreb, est composé pour 99,99 % de musulmans. Il s’agit d’une religion et non d’une idéologie.
Aujourd’hui encore, nous avons un projet de société progressiste. Dans la plupart des autres pays musulmans, un tel projet n’existe pas, soit parce que ces pays sont arrivés à une impasse, soit parce qu’ils se sont enfermés dans une vision passéiste incarnée par le théologien et jurisconsulte Ibn Tayamyya qui, depuis le XIIIe siècle, a imposé la fin de tout ijtihad et a inspiré les courants wahhabites qui ont entraîné le monde musulman d’aujourd’hui dans l’impasse que l’on sait.
Pour renouer avec le progrès et la modernité, il est impératif de rouvrir la porte de l’ijtihad, replacer la raison au cœur de la foi et la libérer de sa perpétuelle dépendance d’une vision étriquée et fermée du passé – le salafisme.
Vous êtes de ceux qui pensent que les exactions et les crimes coloniaux ne peuvent pas être reconnus à demi. Comment parvenir à une reconnaissance totale de ces crimes alors que la « nostalgérie » ne cesse d’être alimentée en France par des groupes cultivant la haine ?
Les négationnistes continuent malheureusement à nier l’évidence. Pourquoi, lorsque la France – et d’autres pays occidentaux – légifère sur les crimes nazis, cela se passe-t-il sans problème ? Si quelqu’un conteste ces crimes, il est poursuivi de négationnisme, d’apologie du nazisme et d’antisémitisme. Les Algériens portent encore une profonde blessure dans leur mémoire collective. Des centaines de milliers de martyrs sont tombés sous le feu de la puissance coloniale qui s’attaquait souvent à des gens paisibles et démunis, dans le simple but de les terroriser. Les 132 ans d’occupation coloniale ont été vécus par les Algériens, dans leur chair et dans leur conscience, comme une injustice historique. Ils étaient traités, dans leur propre pays, d’indigènes. Ils étaient identifiés comme des « musulmans français » alors que les décrets Crémieux avaient considéré les juifs algériens comme des Francais à part entière. Le peuple algérien avait refusé cette discrimination, considérant leurs compatriotes juifs comme des Algériens d’abord.
Ce qui pourrait réparer en partie cette injustice coloniale flagrante, c’est que la France s’engage dans un plan Marshall en Algérie, elle et l’ensemble de l’Europe occidentale ont pu en bénéficier à la fin de la Deuxième Guerre mondiale et après la défaite du nazisme. Nous ne sommes pas contre les Francais, quelles que soient leurs appartenances religieuses. Pour preuve : aucun lieu de culte chrétien ou juif n’a été touché après l’indépendance. Nous avons beaucoup d’amis francais et de nombreux couples mixtes se sont formés. Nous n’avons aucun problème avec le peuple francais sur le plan humain. Le problème réside dans le colonialisme que nous considérons, sous toutes ses formes, comme la plus grande des injustices à l’échelle de l’humanité. La question ne se pose pas en termes d’excuses, mais en termes de réparations morales et matérielles, en paiement de dettes. Une année seulement après la conquête coloniale, la France a mis la main sur le trésor du dey d’Alger. Un trésor d’une valeur inestimable (or, bijoux, argent) que certains historiens évaluent à des milliards d’euros de nos jours. Les richesses nationales algériennes ont été transférées vers la France. Il s’agit maintenant de les restituer à travers un plan Marshall. Israël n’a cessé de recevoir des réparations de guerre par l’Occident depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Il faut regarder l’Histoire en face et non pas d’un œil.
Dossier à lire dans Afrique Asie du mois de mai.