Le président du parlement libanais, Nabih Berri, vient de lancer une initiative pour l’organisation d’élections législatives et l’adoption d’une loi électorale consensuelle. Actuellement le poste de président de la république est vacant depuis plus de deux ans, faute d’un désaccord entre les principaux antagonistes sur ces questions avec comme conséquences la paralysie des institutions sur fond d’embrasement régional.
Profitant de sa récente rencontre avec le président français François Hollande, cet acteur central de la vie politique libanaise lui a transmis ce message : « Le meilleur service que vous pouvez rendre au Liban c’est de trouver une solution politique en Syrie ».
Depuis plus de deux ans, la classe politique libanaise a du mal à s’entendre pour élire un nouveau président de la république. Cette élection constitue aujourd’hui d’un constitue un casse-tête non seulement pour les députés, dont le mandat a été auto-prolongé, mais aussi pour les acteurs régionaux et internationaux soucieux de la stabilité du pays du Cèdre.
Deux ans après la fin de mandat présidentiel de Michel Sleimane, le Palais de Baabda, siège de la Présidence, attend toujours désespérément un nouveau locataire. Les obstacles à cette élection sont multiples en raison notamment des divisions profondes et des grands défis à la fois interlibanais et extérieurs.
Malgré ce blocage institutionnel, le gouvernement de Tamam Salam a réussi à maintenir le semblant de légalité du pouvoir politique et à préserver le pays, jusqu’à une certaine limite, des incendies de la région.
Ce gouvernement dit d’union nationale, incapable d’organiser des élections parlementaires et présidentielles, a néanmoins réussi le coup de force d’organiser, à la date réglementaire, des élections municipales courant le mois de mai. Cette prouesse on l’a doit à la ténacité du ministre de l’intérieur, M. Nohad Mashnouk, qui appartient au Courant du Futur, ou 14 Mars, de l’ancien Premier ministre Saad Hariri.
A la lumière de ces élections municipales, nombreux sont les observateurs qui estiment que la donne a changé aujourd’hui et que les prétextes avancés par certains pour justifier l’impossibilité d’organiser, dans l’état actuel des divisions interlibanaises, ne tiennent plus la route.
Que peut faire la France ?
C’est dans ce contexte que le président du parlement, Nabih Berri a lancé une initiative qui prévoit l’organisation d’élections parlementaires en première étape et qui seront suivies par l’élection d’un président de la république. Cette initiative fait la une des médias libanais et est au centre des tractations en vue de débloquer la situation bloquée. Le rôle que pourrait jouer la France et d’autres pays pour aider à débloquer la situation est également au centre des tractations actuelles à Beyrouth.
Ces sujets étaient au cœur de la rencontre qu’a eu un groupe restreint de journalistes français en visite au Liban avec le Président du parlement M. Nabih Berri.
« Il est évident que le problème majeur pour nous, c’est l’élection d’un président de la république », leur a-t-il confié, rappelant que 40 rencontres entre parlementaires n’ont pas donné de résultats et qu’en deux ans il n’y a pas eu d’accord sur un président et sur une nouvelle loi électorale à cause des contradictions qui déchirent la classe politique ».
Il n’a pas mâché ses mots pour exprimer son scepticisme et ses craintes quant à l’avenir proche : « Rien ne prouve qu’ils vont adopter une nouvelle loi électorale d’ici quelques mois. Je crains que l’actuel mandat parlementaire, déjà prorogé, n’arrive à nouveau, à son terme en mai 2017 sans président et sans adopter une nouvelle loi électorale. »
C’est la crainte de voir l’impasse perdure, reconnaît M. Berri, qui l’a poussé à agir, à changer la donne en proposant aux parlementaires la semaine dernière de faire passer un accord sur la loi électorale et d’organiser des élections parlementaires avant d’élire un président de la république.
Comment ? « J’ai proposé, dit-il, de raccourcir le mandat prorogé du parlement actuel dans l’hypothèse où l’on se met d’accord sur une nouvelle loi électorale prélude à la tenue d’élections pour un nouveau parlement ».
En proposant cette démarche, le président du parlement n’avait pas de doute que cette proposition allait créer une nouvelle dynamique. Chose faite puisque le sujet est déjà au cœur du débat politique interlibanais et dans les médias.
Interrogé par Afrique Asie sur la position de la France et les efforts qu’elle entreprend actuellement, M. Berri a précisé que « Paris tient à aider le Liban. Elle veut c’est convoquer la réunion du groupe de soutien au Liban et non pas appeler à une conférence Internationale».
Par ailleurs, la visite de travail prévue par le chef de la diplomatie française au Liban a été reportée au 10 juillet, selon le ministère des affaires étrangères sans donner plus de précision.
Sans la Syrie, point de sortie de crise
Sur la Syrie, Berri a exprime des doutes quant à une imminente solution politique dans le pays. « On n’a du mal à croire que les États-Unis et la Russie sont incapables d’imposer le respect d’un cessez le feu entre les parties qui s’entretuent », nous confie-t-il. Avant d’enchaîner : « Il faut dire que dans mes rencontres que j’ai eu avec les responsables européens et américains et dernièrement avec le Président Hollande, il n’a pas été question uniquement d’aide financière ou d’alléger la charge des réfugiés ou transporter une partie d’entre eux vers d’autres pays. Mais la priorité sur laquelle j’ai insisté devant le président Hollande est la suivante : le meilleur service qu’il pouvait rendre au Liban, c’était de trouver une solution politique pour la Syrie, car le Liban ne peut plus avoir à sa charge le poids de 2 millions de réfugiés Syriens sur son territoire.»
Dans son analyse sur la Syrie, Berri estime que ce qui se passe dans ce pays est « complot ».
De son côté le ministre de l’industrie, Hussein Hajje Hassan, membre du Hezbollah, lors de sa rencontre avec le même groupe restreint de journalistes français, a refuté les « allégations rapportée par certains » selon lesquelles son parti et l’Iran bloqueraient l’élection présidentielle au Liban. « Pour nous on maintient notre choix initial de soutien à la candidature du général Michel Aoun à la présidence de la république. Notre candidat à la présidentielle c’est le général Aoun », martela-t-il. « Nous ne changerons pas de candidat car c’est une affaire de principe. »
Par contre le chef du courant du Futur et ancien premier ministre, M. Saad Hariri, de son côté, a réitéré devant nous, son soutien à la candidature de Sleimane Franjieh, chef du parti Marada a la présidentielle. Mais il s’est dit « prêt à accepter le choix du général Aoun si c’est la volonté de tous les députés.»
Autre sujet brûlant mais qui fait le consensus de la classe politique, pour une fois unanime, pour rejeter le rapport du secrétaire général des Nations-Unis, Ban Ki-moon préconisant, selon elle, la naturalisation des réfugiés Syriens.
Ce tollé a amené le porte parole de l’ONU à démentir cette allégation et à exclure une telle éventualité.
La société civile libanaise fait entendre sa voix
Parmi les points également à relever et les analyses à retenir du résultat des élections municipales c’est le rôle de la société civile au Liban qui a réussi à s’imposer et à faire entendre sa voix qu’il s’agisse dans la capitale Beyrouth ou dans d’autres régions comme le Sud. L’analyse des résultats de ces élections municipales a montré qu’il y a un réel besoin de vouloir changer les choses. Beaucoup de Libanais se sont retrouvés dans la liste « Beyrouth Madinati » (Beyrouth, macité) qui regroupe des médecins, architectes, artistes, musiciens, cinéastes dont la célèbre Nadine Labaki. Ils estiment qu’il est temps de choisir des gens qui leur ressemblent.