La visite d’État du roi Juan Carlos au Maroc du 15 au 18 juillet, à l’invitation du souverain marocain, revêt un fort caractère économique.
Si la France reste le premier partenaire économique du royaume, elle a en revanche cédé sa place de premier fournisseur à l’Espagne. Les entreprises espagnoles, confrontées à l’effondrement de leur marché intérieur après l’éclatement de la bulle immobilière en 2008, sont venues chercher avec les dents de nouveaux débouchés au Maroc. Aidées par un euro plus faible, les exportations ibériques dans le pays ont progressé en 2012 de près de 29 %, pour s’établir à 5,3 milliards d’euros. Dans le même temps, les exportations françaises chutaient de 6,5 %, à 4,3 milliards d’euros.
Et le Maroc est même devenu le refuge de milliers d’Espagnols fuyant la crise économique dans leur pays. Avant la crise de 2008-2009, le Maroc accueillait officiellement près de 3 000 migrants espagnols. En 2011, ils étaient quatre fois plus nombreux. Au point que le ministre de l’Intérieur marocain vient de demander à ces nouveaux migrants cherchant meilleure fortune au Maroc de se faire enregistrer à leur arrivée. « À chaque chose, malheur est bon, avait résumé Abdellatif Mâzouz, le ministre des Marocains installés à l’étranger. Le Maroc est un pays ouvert et il doit savoir tirer profit de ces nouvelles opportunités. »
Cette embellie notable des relations hispano-marocaines, tant sur les plans politiques que diplomatiques après plusieurs années de tensions autour notamment des deux territoires marocains occupés Ceuta et Melilla et du dossier de l’immigration, a culminé en octobre 2012 avec la visite du premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, à Rabat, à l’occasion d’un sommet bilatéral qui avait été différé depuis trois ans.
La visite du monarque espagnol, ami de longue date de la famille royale marocaine, vient booster des relations au beau fixe. Juan Carlos a même inauguré en personne le forum économique Maroc-Espagne, organisé mardi à Rabat sous le thème « Maroc-Espagne : un espace de prospérité partagée », appelant les patrons marocains et espagnols à redoubler d’efforts pour faire fructifier les opportunités commerciales et économiques qui s’offrent aux deux pays voisins. Il a aussi émis le souhait de voir le partenariat entre Rabat et Madrid se renforcer davantage, félicitant le Maroc pour les réformes et les réalisations accomplies sous « l’impulsion » du roi Mohammed VI, citant notamment la nouvelle Constitution.
Le souverain espagnol a également souhaité une « intégration maghrébine » sur le plan économique pour assurer « une stabilité et une prospérité » aux peuples de la région.
Les deux souverains marocain et espagnol ont par ailleurs présidé côte à côte la signature d’une convention de coopération entre la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et la Confédération espagnole des organisations entrepreneuriales (CEOE), qui a pour objectif d’accompagner le nouveau conseil économique hispano-marocain.
« Il s’agit de travailler sur la compétitivité partagée et sur les différentes synergies que nous pouvons développer ainsi que sur un certain nombre de continents cibles afin de constituer un nouveau bloc entre l’Europe, à travers l’Espagne, l’Afrique à travers le Maroc et l’Amérique latine et ce, dans l’objectif de créer une croissance importante devant nous permettre en tant que chefs d’entreprises d’avoir un champ opérationnel plus large », a déclaré Mme Meriem Bensaleh, présidente du patronat marocain, à l’issue de cette signature.
Pour le président de la CEOE, cette convention est « un accord économique très important destiné à améliorer les relations de coopération aussi bien bilatérales qu’entre l’ensemble des pays de la rive méditerranéenne », et « à promouvoir les échanges entre l’Amérique Latine et l’Europe au profit des deux pays ».
Ramadan oblige, le roi Juan Carlos a eu droit un iftar royal auquel a assisté le chef du gouvernement, l’islamiste Abdelilah Benkirane, toujours empêtré dans ses problèmes avec sa majorité.